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Le secrétaire général de Reporters sans frontières dénonce la multiplication des agressions contre des journalistes à Tunis Le sommet est une mascarade, accuse Robert Ménard

L’ouverture, hier, du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), organisé par l’ONU à Tunis, s’est ouvert dans un climat pour le moins délétère, en raison de la multiplication des agressions ces derniers jours contre des journalistes. Vendredi dernier, Christophe Boltanski, journaliste français pour le quotidien Libération, était en effet violemment passé à tabac dans la capitale tunisienne. Lundi, c’était au tour d’une équipe de la télévision publique belge RTBF d’être molestée. Le lendemain, la chaîne de télévision internationale francophone, TV5, annonçait avoir décidé de rapatrier une équipe envoyée en Tunisie en raison d’une « surveillance étroite » imposée à ses journalistes. Des agressions qui ont provoqué une vague d’indignation en Europe et qui posent la question de la schizophrénie des Nations unies. En effet, l’organisation onusienne a choisi la Tunisie pour accueillir la plus grande manifestation qu’elle ait jamais organisée, un sommet traitant précisément de la liberté d’expression, alors même que trois experts onusiens exprimaient hier, dans un communiqué, « leur profonde inquiétude au sujet de la détérioration de la liberté d’expression et d’association, et de l’indépendance des juges et des avocats en Tunisie ». Dans un rapport publié mardi à Tunis, l’organisation Human Rights Watch ne disait pas autre chose en dénonçant, dans un rapport, « la censure en ligne et les cas dans lesquels des utilisateurs d’Internet ont été arrêtés pour leurs activités dans des pays de la région, incluant la Tunisie, l’Iran, la Syrie et l’Égypte ». Interrogé par L’Orient-Le Jour sur cette situation, le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), Robert Ménard, ne mâche pas ses mots. « Réunir des gens du monde entier pour débattre notamment de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, dans un pays où la liberté de l’information est totalement soumise aux ordres du président (tunisien) Ben Ali, est une vraie mascarade ! En Tunisie, les fournisseurs d’accès Internet sont contrôlés par les institutions publiques si ce n’est pas directement par la famille de Ben Ali. Nous sommes dans une situation complètement ubuesque ! Les Nations unies pensaient-elles que le président Ben Ali allait subitement découvrir les attraits de la liberté d’expression ? Mais Ben Ali se moque de l’ONU, il leur met un véritable coup de pied aux fesses ! Et aujourd’hui, l’ONU ne sait pas comment s’en sortir. » Mardi, la porte-parole de l’ONU à Genève, Marie Heuzé, a indiqué que le secrétaire de l’ONU, Kofi Annan, avait insisté, lors d’un entretien avec le président tunisien, sur la liberté de la presse. La France, directement concernée par les agressions de journalistes, a, de son côté, haussé le ton envers la Tunisie. Mardi, le chef de la diplomatie française, Philippe Douste-Balzy, a ainsi appelé Tunis à « garantir la liberté d’information et le libre exercice par les journalistes de leur métier ». Hier, le ministre a assuré que les droits de l’homme « vont jouer un rôle de plus en plus important » dans les relations entre la France et la Tunisie. Si Paris continue de soutenir le sommet, ni le Premier ministre Dominique de Villepin ni M. Douste-Blazy ne se rendent à Tunis. « Il était temps que Paris prenne ses distances, et j’espère que demain (aujourd’hui), quand je vais arriver en Tunisie, car je vais m’y rendre puisque j’ai été accrédité par les Nations unies, j’espère que les autorités françaises seront là pour m’accueillir », affirme M. Ménard. Les organisateurs du sommet ont néanmoins souligné que si RSF pouvait participer aux réunions, M. Ménard était déclaré persona non grata en raison des poursuites pénales dont il fait l’objet en Tunisie depuis le 9 juillet 2002, pour « intrusion par la force dans le bureau de l’Office du tourisme tunisien de Paris » et « agression d’un membre du bureau ». Mais le secrétaire général de RSF a déclaré sur France Inter n’avoir eu connaissance de cette plainte que récemment, ajoutant qu’il « n’y avait aucun acte de procédure judiciaire ». Dans ce contexte, fallait-il boycotter ce sommet ? « Il ne fallait pas aller à cette réunion qui se fait en dépit du bon sens », affirme Ménard. Plusieurs associations de la « société civile » ont néanmoins rejeté l’option du boycott en raison de l’importance, pour les pays pauvres, des sujets débattus lors du SMSI. Ces associations ont toutefois décidé d’annuler une réunion consacrée à la liberté d’expression en raison des « circonstances anormales dans lesquelles se déroule le sommet ». Émilie SUEUR
L’ouverture, hier, du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), organisé par l’ONU à Tunis, s’est ouvert dans un climat pour le moins délétère, en raison de la multiplication des agressions ces derniers jours contre des journalistes.
Vendredi dernier, Christophe Boltanski, journaliste français pour le quotidien Libération, était en effet violemment passé à tabac...