Rechercher
Rechercher

Actualités

SOCIAL - Douze conférenciers libanais et étrangers réunis à l’hôtel « Monroe » dans le cadre du premier congrès de Skoun Les traitements de substitution, une alternative à prendre au sérieux dans la prise en charge des héroïnomanes

La dépendance doit être désormais considérée comme une maladie et non comme un crime. Tel a été le leitmotiv du premier congrès scientifique de Skoun, organisé en collaboration avec la Fondation humanitaire al-Walid Ben Talal, sur les «Nouvelles perspectives de traitement et de prévention des addictions», dont les travaux ont été tenus récemment à l’hôtel «Monroe». La toxicomanie se propage en fait d’une façon alarmante dans la région et, avec elle, les cas de VIH-sida. Les conférenciers sont convenus qu’il s’agit d’un problème «complexe» aux dimensions sociales, psychologiques et biologiques. La prise en charge ne peut plus donc se limiter à une seule approche ou à une seule stratégie. Des réponses pragmatiques sont nécessaires. L’opium, l’héroïne, le cannabis, les psychotropes, l’alcool et le khat demeurent les substances les plus consommées par les toxicomanes dans la région de la Méditerranée orientale et de l’est de l’Afrique. Mais c’est l’héroïne qui cause toutefois le plus de soucis aux responsables de la santé, à cause des injections intraveineuses. «Depuis le début des années 90, l’abus de drogue constitue un problème majeur de santé publique», explique le Dr Ahmed Mohit, directeur du bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé. En effet, des cas de VIH-sida ont été détectés dans deux prisons en Iran et 90% des cas de sida en Libye sont dus à des injections intraveineuses de drogue. Des études ont, en outre, montré que des cas similaires sont constatés dans plusieurs pays de la région. Une action rapide devant être entreprise, le bureau régional de l’OMS a donc créé, en 2002, un Forum régional consultatif sur l’impact de l’abus de drogue et a développé une stratégie régionale pour lutter contre le problème. Celle-ci repose principalement sur le développement de politiques nationales de lutte contre la drogue, le développement des ressources humaines, la compréhension des causes et des conséquences de l’abus de drogue, la promotion de différents moyens de prévention et la diminution des facteurs de risque. Chacun des États membres du bureau régional de l’OMS a ainsi pris des initiatives différentes dans une tentative de lutter contre le problème. Au Liban, à Bahreïn et en Iran, à titre d’exemple, des programmes sur les compétences en rapport avec la vie quotidienne (Life Skills Programms) ont ainsi été introduits dans plusieurs écoles, les études ayant montré que ces programmes ont un impact important sur le comportement des jeunes vis-à-vis de la drogue. Susceptibles de construire la pensée critique des jeunes, leur estime de soi et leur capacité à gérer la colère, ces programmes consistent à former la personnalité de l’enfant en lui donnant les outils nécessaires lui permettant de prendre les bonnes décisions face à une situation à haut risque. Également en Iran, des cliniques multidisciplinaires ont été créées, assurant des soins pour la toxicomanie, le VIH-sida et les maladies sexuellement transmissibles. Des traitements qui ont prouvé leur efficacité Le point fort de ce congrès a été l’intensité des débats sur l’importance des traitements de substitution dans la prise en charge des héroïnomanes. Précisant que ce sont les buts fixés qui déterminent la stratégie à mettre au point, le Dr Robert Newman, psychiatre, directeur de la Fondation Edmond de Rotschild et président du continuum Health Partners Inc (regroupement de quatre hôpitaux à New York) aux États-Unis, remarque que l’introduction des traitements de substitution dans une thérapie de désintoxication ne sous-entend pas «le remplacement d’une drogue par une autre». «Bien au contraire, il s’agit de remplacer l’usage d’une drogue par un traitement médical supervisé qui améliore la santé et réduit les risques», insiste-t-il. La méthadone ou le buprénorphine sont ainsi utilisés comme n’importe quel autre médicament destiné au traitement d’une maladie quelconque. Les traitements de substitution des héroïnomanes se sont imposés aux États-Unis dans les années 60, suite à l’échec systématique des psychothérapies et des cures de sevrage à court terme. «Les premiers résultats cliniques des tests effectués sur la méthadone ont été remarquables, note, pour sa part, le Dr Jean-Jacques Déglon, psychiatre, fondateur et médecin directeur de la Fondation Phénix, à Genève. Les héroïnomanes sous méthadone restent normaux, sans euphorie ni manque, sortent de la délinquance et peuvent se réinsérer sur le plan professionnel et psychosocial.» Ces traitements doivent, dans la majorité des cas, être maintenus à vie, «au même titre que l’insuline pour les diabétiques ou un traitement antiépileptique.» Insistant sur la nécessité d’effectuer «un bilan complet pour permettre d’identifier les problèmes médicaux, psychiques, affectifs, sociaux, familiaux, professionnels, intriqués comme facteurs préexistants ou secondaires à la toxicomanie et offrir des réponses thérapeutiques spécifiques», le Dr Déglon rappelle que «le plus important est de permettre à chaque héroïnomane d’avoir accès immédiatement à une forme de thérapie qui lui convienne, ou à plusieurs s’il le faut, pour qu’il puisse rapidement retrouver un bon équilibre médico-psychosocial et qu’il réussisse à maintenir à long terme cette bonne qualité de vie». «Pour répondre à ces exigences, les traitements de substitution se sont révélés les plus performants ces quarante dernières années», conclut-il. Diminution des overdoses En fait, les traitements de substitution permettent une baisse significative des overdoses. En France, une diminution de 80% des décès par overdose, ainsi que la transmission du VIH-sida par voie intraveineuse spécialement chez les héroïnomanes, a été constatée à partir de l’instant où les traitements de substitution ont commencé à être prescrits. «En ce qui concerne l’hépatite C, les résultats sont moins brillants, mais nous avons obtenu une stabilisation», note le Dr William Lowenstein, directeur général de la clinique Montevidéo, Institut Baron Maurice de Rotschild pour la recherche et le traitement des addictions, membre du Conseil national du sida en France. «À l’heure actuelle, on estime qu’au moins 40% des usagers de drogue sont porteurs du virus de l’hépatite C, poursuit-il. Ce virus ne donne pas de formes fulminantes comme l’hépatite A ou B, mais conduit dans la majorité des cas à des formes chroniques, avec un risque de cirrhose et des complications de la maladie, y compris un cancer du foie.» Soulignant que pour la première fois en vingt-cinq ans, la France assiste à une diminution dans les saisies d’héroïne, le Dr Lowenstein précise que plus de 100000 héroïnomanes ont été pris en charge dans l’Hexagone en quelques années. «Si nous voulons soigner les gens, c’est-à-dire éviter qu’ils ne meurent, qu’ils ne transmettent le VIH-sida et l’hépatite C, il faut agir et prescrire conformément, bien sûr, au système d’organisation sanitaire de chaque pays, insiste-t-il. En notre pays, cela a été possible en faisant confiance, non pas aux grands spécialistes en stratégie et en addiction, mais aux médecins généralistes.» «Trop souvent, on oppose à l’accessibilité et à l’efficacité des traitements de substitution la question de la sécurité, notamment celle du marché noir, le mauvais usage ou le détournement des médicaments, ajoute le Dr Lowenstein. L’analyse locale de ces chiffres ne permet pas d’évoquer ce débat. Il y a toujours un pourcentage de mésusage comme dans plusieurs domaines de la thérapeutique, de la médecine et des marchés noirs parallèles, mais ils garderont un taux secondaire par rapport au haut pourcentage de réussite. Diminuer donc cette accessibilité et compliquer cette prescription des médicaments de substitution ne sont pas une garantie de sécurité.» «Il faut reprendre les bons réflexes médicamenteux et thérapeutiques, insiste le Dr Lowenstein. Un médicament s’impose lorsque son indication est bonne. Il est nécessaire donc de former les médecins généralistes, les pharmaciens, les psychologues et les psychiatres ainsi que les personnes en charge dans les administrations.» Le Dr Lowenstein signale enfin qu’il ne faut pas demander aux médicaments de substitution ce qu’ils ne peuvent pas donner. En ce sens que s’il existe une psychopathologie associée à l’usage chronique de drogues, les traitements de substitution ne la traiteront pas, ni l’augmentation de la posologie de ces traitements. N.M.
La dépendance doit être désormais considérée comme une maladie et non comme un crime. Tel a été le leitmotiv du premier congrès scientifique de Skoun, organisé en collaboration avec la Fondation humanitaire al-Walid Ben Talal, sur les «Nouvelles perspectives de traitement et de prévention des addictions», dont les travaux ont été tenus récemment à l’hôtel «Monroe». La...