Un peu plus de trois semaines après les accrochages qui avaient opposé deux factions libanaises armées à Hay el-Taamir, quartier de Saïda situé à la frontière du camp palestinien de Aïn el-Héloué, l’armée ne s’est toujours pas déployée dans ce secteur. L’histoire de Hay el-Taamir n’est pas celle d’un quartier tranquille. Peuplé de miliciens de tous bords durant la...
Actualités - REPORTAGE
Hay el-Taamir attend depuis 1992 le déploiement de l’armée À la frontière de Aïn el-Héloué, des fondamentalistes armés font la loi
Par KHODER Patricia, le 15 novembre 2005 à 00h00
Un peu plus de trois semaines après les accrochages qui avaient opposé deux factions libanaises armées à Hay el-Taamir, quartier de Saïda situé à la frontière du camp palestinien de Aïn el-Héloué, l’armée ne s’est toujours pas déployée dans ce secteur. L’histoire de Hay el-Taamir n’est pas celle d’un quartier tranquille. Peuplé de miliciens de tous bords durant la guerre, et se trouvant à la frontière du camp de Aïn el-Héloué, Hay el-Taamir n’est pas passé sous le contrôle de l’armée libanaise en 1992, quand la troupe s’était déployée à Saïda. Hay el-Taamir est une zone de non-droit, où des fondamentalistes, armés et « soutenus de l’extérieur », font la loi.
Pour comprendre la situation actuelle à Hay el-Taamir, il faut revenir au camp palestinien de Aïn el-Héloué, considéré souvent comme un îlot d’insécurité et où des hors-la-loi libanais, notamment des fondamentalistes sunnites de Tripoli, Akkar et Denniyé, ont trouvé refuge.
On se souviendra aussi de Isbat al-Ansar ayant pour chef Abou Mehjen, ou encore de Jamaat el-Nour de Abdallah Chreidi, tous deux palestiniens, qui protégeaient les fauteurs de troubles palestiniens et libanais. Le dernier groupement a disparu avec l’assassinat de son chef, et la présence du premier est devenue plus discrète au fil du temps, surtout depuis que le Conseil de sécurité a adopté la 1559. C’est que, selon plusieurs sources, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du camp, « ce groupement, assez puissant parmi les fondamentalistes de Aïn el-Héloué, ne veut pas être accusé d’avoir, par son attitude, porté préjudice à la cause palestinienne ».
Depuis plusieurs mois donc, Isbat al-Ansar ne protège plus les groupuscules de Libanais armés à l’intérieur de Aïn el-Héloué. Parallèlement, il y a presque un an, un groupe formé majoritairement de Libanais a vu le jour dans le camp. Il s’agit de Jund el-Cham, qui s’était opposé au Fateh lors de violents accrochages, en septembre 2004, quelques semaines avant la prorogation du mandat du président de la République.
Jund el-Cham, présidé par le Libanais Abou Ramez Sahmarani, compte dans ses rangs quelques Palestiniens comme Imad Yassine, dissident de Isbat al-Ansar, et des hors-la-loi, fondamentalistes du Liban-Nord, dont le chef du groupuscule lui-même.
De plus en plus gênants pour certains, ces Libanais ne vivent plus comme auparavant au cœur du camp de Aïn el-Héloué, mais dans un secteur appelé al-Tawarek, relevant du camp palestinien et limitrophe au quartier de Saïda al-Taamir.
Or l’armée n’a jamais mis les pieds dans cette zone de Saïda. Et les fondamentalistes veulent parfois mesurer leur force dans ce quartier. « L’accrochage d’octobre dernier n’était pas le premier. Un autre avait opposé, un mois plus tôt, Jund el-Cham à une famille du quartier, mais la rixe avait vite été cernée », indique dans ce cadre à L’Orient-Le Jour le cheikh fondamentaliste, Maher Hammoud, chargé des négociations depuis la fin des accrochages.
C’est facile de se procurer
des armes…
Évoquant l’absence de l’armée dans ce quartier de Saïda, il lance : « C’est l’erreur qu’il ne fallait pas faire en 1992. Al-Taamir était une zone tampon, elle a toujours été peuplée de personnes ayant prêté allégeance à telle ou telle partie, tel ou tel groupement… même aux membres des services de renseignements de l’armée libanaise, ceux qui étaient habitués à semer la zizanie avant le grand changement qui a eu lieu dans le pays. D’ailleurs, les accrochages d’octobre dernier ont été alimentés par des agents des anciens services de renseignements de l’armée, dit-il. Les autorités concernées ont été informées et ce problème est désormais réglé », ajoute cheikh Hammoud.
À la question de savoir pourquoi l’armée ne s’est toujours pas déployée à Hay al-Taamir, malgré les demandes des habitants, cheikh Hammoud se contente d’indiquer que « la situation est difficile. Le déploiement de la troupe dans cette zone ne réglera que partiellement le problème. Car entre le quartier al-Tawarek et le camp de Aïn el-Héloué, une autre enclave tampon peut être créée, et le problème dans cette zone sera identique au quartier al-Taamir. Il faut trouver une solution radicale ». Il ne dira pas que certains habitants du quartier craignent la présence de la troupe, car il existe depuis longtemps des mandats d’arrêt à leur encontre.
Hier matin, le quartier al-Taamir était désert. Tout semblait reconstruit. Seule une camionnette criblée de balles à l’entrée du secteur témoignait encore des accrochages d’octobre dernier.
Dans ce quartier de Saïda, limitrophe au camp de Aïn el-Héloué, tout le monde appelle « au déploiement de l’armée, seule capable de nous protéger ». Talal explique : « Ici, tout le monde porte des armes. À un moment ou un autre de la guerre, tout un chacun a prêté allégeance à un mouvement, explique-t-il. De plus, c’est facile de se procurer des armes, il suffit de marcher un peu pour arriver à Aïn el-Héloué », renchérit Tarek, qui a préféré, à l’instar de dizaines de familles du quartier, s’établir ailleurs. Il explique que « depuis plusieurs années, ceux qui ont les moyens partent pour s’installer dans une autre zone de Saïda. Quinze familles sont parties après le dernier accrochage ».
Talal est triste d’avoir « vu des musulmans, des habitants de Saïda qui ont grandi ensemble se tirer dessus ». « C’est à cause de l’Afghan », dit-il, expliquant qu’il s’agit du chef de Jund el-Cham. « Je me demande comment ce groupe s’est procuré autant de munitions…», ajoute-t-il.
Mohammed s’emporte : « Pour comprendre comment ces rixes éclatent, il faut savoir par quels moyens des repris de justice originaires du Akkar et de Tripoli se sont tout simplement retrouvés à Saïda, au Liban-Sud. On les voit ici à al-Taamir ou à Aïn el-Héloué et puis on apprend qu’ils sont partis se battre en Irak… Qu’on me dise comment ils peuvent se déplacer s’ils ne sont pas protégés. »
Les habitants d’al-Taamir espèrent que l’armée se déploiera dans le quartier pour les protéger. Certains d’entre eux, faisant l’objet de mandats d’arrêt« pour des raisons futiles », indiquent-ils, craignent un peu « cette justice libanaise où l’on peut vous inventer des crimes, et ces prisons où l’on vous torture, parce que vous avez tout simplement des convictions ». Mais ils se donnent courage, peut-être que le pays a vraiment changé…
Patricia KHODER
Un peu plus de trois semaines après les accrochages qui avaient opposé deux factions libanaises armées à Hay el-Taamir, quartier de Saïda situé à la frontière du camp palestinien de Aïn el-Héloué, l’armée ne s’est toujours pas déployée dans ce secteur. L’histoire de Hay el-Taamir n’est pas celle d’un quartier tranquille. Peuplé de miliciens de tous bords durant la...
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