Comme bien d’autres professionnels avisés, ce ministre journaliste redoute que le Liban ne serve de lice d’affrontement aux pugilistes étrangers. Pour ne rien changer en somme. Le combat programmé oppose cette fois Damas et Washington. En quatre rounds qui ont pour noms, ou plutôt pour chiffres, la 1559, la 1595, la 1614 et la 1636. Avec, probablement, une reprise ultérieure de plus,...
Actualités - OPINION
Pugilat syro-américain en quatre rounds Le Hezbollah ne veut pas laisser, au sein de l’Exécutif, le terrain libre à la majorité joumblatto-haririenne
Par ABI AKL Philippe, le 15 novembre 2005 à 00h00
Comme bien d’autres professionnels avisés, ce ministre journaliste redoute que le Liban ne serve de lice d’affrontement aux pugilistes étrangers. Pour ne rien changer en somme. Le combat programmé oppose cette fois Damas et Washington. En quatre rounds qui ont pour noms, ou plutôt pour chiffres, la 1559, la 1595, la 1614 et la 1636. Avec, probablement, une reprise ultérieure de plus, pour le K.O. Si le favori US obtient le OK du Conseil de sécurité. Entendre de la Russie et de la Chine, ces soigneurs du challenger syrien. En tout état de cause, c’est le ring libanais qui risque de ne pas en mener large.
L’Européen Solana l’a dit : le temps des discours est passé. Il faut des actes. Des actes de soumission à la légalité internationale, précisent Chirac, Bush, Straw et Rice. Ce qui signifie en clair que la Syrie doit cesser de louvoyer. Et de s’imaginer qu’elle peut poser des conditions, comme le lieu des auditions, à la procédure judiciaire conduite par Detlev Mehlis.
Or tout indique que la Syrie ne veut rien voir, rien entendre. Plus exactement, qu’elle entend et voit les choses à sa manière, tout à fait unique et illusoire. Ainsi le discours-défi d’Assad s’affiche ou bien comme une ahurissante provocation, étalant une ignorance abyssale des réalités. Ou bien comme une tentative bizarrement naïve de faire monter les enchères, alors qu’il n’y a rien à négocier (il a de la sorte déclaré à « ceux qui aiment les marchés » qu’il attend leurs offres !). Ou encore, et c’est l’avis de plusieurs experts, comme un aveu d’impuissance travesti en démonstration de force. Comment cela ? Les spécialistes répondent que si Bachar el-Assad contrôlait vraiment, absolument, le système syrien, comme son père le faisait, il n’aurait pas dû hésiter à s’amputer de ses proches. Comme son père le faisait !
D’après ces sources, il aurait préféré choisir le risque extérieur, et lointain dans le temps comme dans l’espace, au danger intérieur immédiat. Il a donc tourné ses armes contre l’Amérique, contre l’ONU et, pour se faire plaisir, contre le « faible » Liban. Accusé de servir de siège, de fabrique, mais aussi de financier au complot tramé contre lui. Dans son élan, il s’est laissé aller à des écarts de langage dignes de charretiers, et encore.
Proclamant (sur base de quelles preuves ?) que tous les Syriens, un par un, restent au-dessus de tout soupçon, il refuse en fait de livrer les six cadres que Mehlis aimerait entendre à Monteverde.
Fidélité
Sur le plan local, la direction politique chiite suit presque aveuglément Assad. Même si nombre de ses cadres avouent en public, ou laissent entendre en privé, qu’ils n’approuvent pas tous ses choix ni, a fortiori, son vocabulaire. La réalité est simple et Nasrallah l’a clairement exprimé : le moment de payer la note de gratitude à l’ordre syrien est venu. D’où le scandaleux retrait des ministres lors de la séance appelée à répondre, dignement, à l’outrage assadien. On pourrait s’étonner du reste que, tant qu’à y faire, ces ministres n’aient pas de suite démissionné après le communiqué libanais. Pour confirmer où va leur solidarité, ou leur allégeance.
S’ils ne l’ont pas fait, si on ne le leur a pas demandé, c’est parce que, indiquent des sources informées, le Hezbollah (qui est en quelque sorte la tête pensante politique du tandem chiite) ne veut pas laisser le terrain libre à la majorité joumblatto-haririenne. Il craindrait, d’une part, une influence US encore accentuée. Et d’autre part, une présidentielle rapprochée dans laquelle il n’aurait pas son mot à dire, puisqu’il se serait mis lui-même hors-jeu.
Cela ne veut pas dire que le Hezbollah renonce à sa guerre des tranchées et de harcèlement. Le chef de son bloc parlementaire, Mohammed Raad, adresse ainsi une question au gouvernement : est-il vrai que Siniora, comme l’indique le rapport Roed-Larsen, s’est engagé à faire appliquer la 1559 ? La question, le Liban officiel y a déjà répondu depuis longtemps, avant même le retrait syrien. Elle consiste à répéter, à l’instar de la Syrie du reste, que la légalité internationale sera (nécessairement) respectée. Mais qu’il faut laisser du temps aux Libanais pour trouver un arrangement entre eux, sans mettre en péril la stabilité interne. La déclaration ministérielle, cosignée par le Hezbollah comme par Amal, ne dit pas autre chose.
Inquiétude
Cependant, c’est sur le terrain que se posent les questions les plus graves. Chareh a fait allusion à des manifestations et des contre-manifestations. Déjà, sur le flanc, dans la Békaa, le Hezbollah a animé l’intifada des pneus brûlés au sujet du mazout. Aux côtés des aounistes et des skaffistes, dont la contestation est plus normale puisque pour leur part ils ne font pas partie du gouvernement.
L’autre face du péril, c’est bien sûr les Palestiniens d’obédience syrienne. Ils continuent à ruer dans les brancards, en refusant de s’entendre avec les légalistes de Mahmoud Abbas pour dialoguer avec les Libanais. Mais, on le sait, ils sont désormais sous haute surveillance des autorités (armées) libanaises et en principe, ils ne reçoivent plus de renforts.
Un élément est à souligner : selon des sources informées concordantes, Damas aurait demandé à ses alliés du Liban de former un nouveau front politique, à l’instar de la Rencontre de Aïn el-Tiné, de la cellule de Hamad ou du Rassemblement de concertation, tous organismes maintenant disparus. Des cadres du Hezbollah se seraient entretenus de ce projet avec Talal Arslane. Parallèlement, le président Omar Karamé et Sleimane Frangié, affirment ces sources, auraient visité séparément Damas, avant le discours d’Assad qui les aurait longuement rencontrés. Mais il semble, toujours selon ces professionnels, que la mise sur pied d’un front prosyrien soit difficile, pour des raisons de vues et d’intérêts divergents entre les intéressés. Qui ne sont unanimes que pour protester contre le tracé des frontières et contre la demande d’établissement de relations diplomatiques. Pour tout dire, beaucoup de ces amis de Damas ne sont pas certains que le combat mené par le régime syrien soit le bon. Surtout par rapport à ce sujet national si sensible qu’est l’assassinat du président Rafic Hariri. Ou la dignité du pays.
De plus, et le point n’est pas tout à fait négligeable, le président Nabih Berry n’est pas très chaud pour un retrait chiite du gouvernement. Le Hezbollah non plus, on le sait ; mais à partir de ce point précis, selon des pôles précis, Berry voudrait montrer qu’il n’est pas à la traîne politique du Hezb.
Philippe ABI-AKL
Comme bien d’autres professionnels avisés, ce ministre journaliste redoute que le Liban ne serve de lice d’affrontement aux pugilistes étrangers. Pour ne rien changer en somme. Le combat programmé oppose cette fois Damas et Washington. En quatre rounds qui ont pour noms, ou plutôt pour chiffres, la 1559, la 1595, la 1614 et la 1636. Avec, probablement, une reprise ultérieure de plus,...
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