Rechercher
Rechercher

Actualités - interview

LIRE EN FRANçAIS ET EN MUSIQUE - La stratégie anglo-US a montré ses limites, souligne le journaliste et auteur d’ouvrages sur la nébuleuse el-Qaëda Richard Labévière : il faut lutter contre le terrorisme en s’attaquant aux crises régionales

Pas une semaine, pas un jour ne passe sans que soit évoquée la lutte contre le terrorisme. De Londres à Mindanao, en passant par Khartoum, Bagdad, Kaboul, Ryad et tout récemment Amman. Richard Labévière, journaliste à Radio-France International et auteur d’ouvrages sur le terrorisme*, revient sur ce fléau, en rappelant que la priorité devrait être accordée à la résolution des crises proche- orientales. «Il faut assécher le terreau du terrorisme. » Ces propos, tenus par l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, lors de l’Assemblée générale des Nations unies en novembre 2001, Richard Labévière s’emploie à les rappeler tant les stratégies actuelles de lutte contre le terrorisme s’en éloignent. « Les réponses aux attentats du 11 septembre 2001 ont été de deux ordres : militaire et politique à travers une exigence extérieure de démocratisation incarnée par le plan américain pour le Grand Moyen-Orient. » Or, selon le journaliste, l’utilisation fallacieuse par les États-Unis et la Grande-Bretagne de l’argument terroriste pour s’attaquer notamment à l’Irak a fait de ce pays « un nouveau point de fixation de l’islamisme sunnite radical incarné par la nébuleuse d’Abou Moussab al-Zarqaoui ». Selon M. Labévière, « le terreau du terrorisme est principalement produit par les crises régionales non résolues, au premier rang desquelles le conflit israélo-palestinien. Comment voulez-vous prouver au monde arabe en particulier et aux pays du Sud en général que la communauté internationale et les Nations unies sont équitables quand, depuis 48 ans, aucune des 400 résolutions adoptées par l’ONU sur le conflit israélo-palestinien n’a eu ne serait-ce qu’un début d’application ! » Parmi les causes du terrorisme figurent également « l’instrumentalisation du religieux par des groupes sectaires qui fonctionnent sur le mode de la “démonisation”, le maldéveloppement, la fracture grandissante entre le Nord et le Sud. Tous ces facteurs ne peuvent produire que des situations de violence, et, in fine, du terrorisme », explique le journaliste. Si, jusqu’à présent, Washington et Londres ont privilégié l’option militaire, leur stratégie montre aujourd’hui ses limites. Une impasse dont George W. Bush et Tony Blair semblent avoir pris conscience, le président américain reconnaissant dans son dernier discours à l’ONU que la pauvreté était l’une des causes principales du terrorisme. « La prise de conscience vient des militaires eux-mêmes, souligne M. Labévière. Il y a deux mois, un colloque assez secret s’est tenu au Pentagone au cours duquel les chefs d’état-major américains à travers le monde ont expliqué que la terminologie même de “guerre contre le terrorisme” était inappropriée voire favorisait le terrorisme. » Et de renchérir : « On a appliqué à la lutte contre le terrorisme les mêmes méthodes que celles mises en œuvre pendant longtemps pour la lutte contre la pollution : un traitement uniquement en aval. Aujourd’hui, face au bilan très médiocre de la lutte antiterroriste, on commence à prendre conscience, dans les chancelleries, qu’il faudrait remonter aux causes du problème », renchérit M. Labévière. Autre facteur d’importance, le financement du terrorisme. Mercredi dernier, un responsable américain indiquait ainsi que 150 millions d’« avoirs terroristes » avaient été gelés dans le monde depuis 2001. Un montant « grotesque et dérisoire », s’insurge le journaliste. « Il y a un mois, lors d’une session plénière organisée à Paris, le GAFI (Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux) a reconnu que le bilan de la lutte contre le financement du terrorisme était désastreux. Même de grands juges antiterroristes ne perdent plus leur temps à ouvrir des instructions dans ce domaine tant ils savent qu’elles buteront sur le secret bancaire ou sur les places financières offshore. » M. Labévière insiste sur le volet américano-saoudien de ce dossier. « Après une période de crispation entre Ryad et Washington, la page du 11/9 est tournée, et les capitaux saoudiens sont de nouveau investis aux États-Unis. Les affaires ont repris ! Or, l’Arabie saoudite demeure, à travers ses grandes banques et organisations non gouvernementales, l’épicentre du financement du terrorisme et de l’islamisme sunnite radical. » Et la situation, en matière d’assèchement des capitaux de la terreur, ne devrait pas évoluer positivement. « Personne n’a intérêt à ce que la lutte financière fonctionne, car on ne veut pas casser le jouet de la globalisation financière et économique. Ce qui m’avait poussé à dire, en novembre 2001, que Ben Laden avait inventé le terrorisme coté en Bourse. » Propos recueillis par Émilie SUEUR (*) « Les dollars de la terreur », Grasset 1999 ; « Les coulisses de la terreur », Grasset, 2003.

Pas une semaine, pas un jour ne passe sans que soit évoquée la lutte contre le terrorisme. De Londres à Mindanao, en passant par Khartoum, Bagdad, Kaboul, Ryad et tout récemment Amman. Richard Labévière, journaliste à Radio-France International et auteur d’ouvrages sur le terrorisme*, revient sur ce fléau, en rappelant que la priorité devrait être accordée à la résolution des...