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Document - Pleins feux sur les préparatifs et le déroulement de l’attentat contre Rafic Hariri Le rapport Mehlis : 54 feuillets pour résumer 16 000 pages d’enquête

Les investigations nécessiteront des mois, pour ne pas dire des années, afin d’être menées à leur terme Le rapport de 54 pages remis jeudi soir par le juge Detlev Mehlis au secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, n’est qu’un résumé très succinct de l’ensemble des documents se rapportant aux résultats enregistrés à ce jour par la commission internationale d’enquête. Ces documents comptent non moins de 16 000 pages, y compris la retranscription des interviews de 450 témoins et suspects. Ce rapport est particulièrement accablant aussi bien pour les services syriens que libanais, les indices et témoignages recueillis mettant en évidence de fortes présomptions sur l’implication de cet appareil sécuritaire libano-syrien. Le document fait état à ce propos de « preuves convergentes montrant l’implication libanaise et syrienne dans cet acte terroriste », soulignant que les services syriens avaient infiltré la société libanaise et en avaient contrôlé tous les rouages. Le document ajoute que l’enquête devrait se poursuivre et être menée à son terme afin de lever toute équivoque quant à la responsabilité des services syriens et libanais dans l’attentat du 14 février. Le rapport relève sur ce plan qu’un attentat d’une telle envergure n’aurait pas pu être planifié et exécuté à l’insu des services en question. Les copies du rapport Mehlis remises aux ambassadeurs des pays membres du Conseil de sécurité étaient accompagnées d’une lettre personnelle de Kofi Annan. Exprimant ses remerciements au gouvernement libanais pour « son soutien et sa coopération avec la commission » d’enquête, M. Annan souligne dans sa lettre qu’il a l’intention de prolonger le mandat de la commission jusqu’au 15 décembre. « Durant cette période, précise M. Annan, la commission pourra poursuivre ses investigations au sujet du crime et aider les autorités libanaises dans leur enquête. La demande de cette prorogation a été faite par le Premier ministre Fouad Siniora, dans une lettre qu’il m’a adressée le 13 octobre », indique M. Annan dans sa lettre d’introduction. Le rapport Mehlis est divisé en six chapitres, précédés d’une chronologie des événements s’étendant du 26 août 2004 (date du fameux entretien explosif entre Bachar el-Assad et Rafic Hariri) et le 25 septembre 2005 (l’attentat contre May Chidiac). Les six chapitres sont divisés comme suit : préface (qui retrace les principales étapes onusiennes de la formation et de la mise en chantier de la commission d’enquête) ; le background ; le crime ; l’enquête libanaise ; les investigations de la commission internationale ; les conclusions. Le juge Mehlis souligne dans la préface que pour des considérations de sécurité, le rapport ne mentionne pas les identités des témoins cités. Le document relève en outre qu’« en dépit des moyens humains, techniques et financiers mis en œuvre en vue de l’enquête, et malgré les énormes progrès et les résultats significatifs réalisés à ce jour, l’enquête portant sur un tel acte terroriste, ayant une dimension internationale à multiples facettes, nécessite des mois (pour ne pas dire des années) afin d’être menée à son terme, de manière à établir les bases solides d’un procès ». Et le juge Mehlis d’ajouter : « Jusqu’à ce que l’enquête soit achevée, que tous les indices soient analysés, et qu’un mécanisme de procès indépendant et impartial soit mis en place, nul ne peut avoir une idée complète de ce qui s’est produit, comment cela s’est produit et qui est responsable de l’assassinat de Rafic Hariri et de 22 personnes innocentes. De ce fait, la présomption d’innocence reste de rigueur. En élaborant ce rapport, la commission a pris soin d’éviter que rien de ce qu’elle accomplit ou dit ne porte préjudice à l’enquête en cours ou aux procès qui pourraient suivre. Dans ce cadre, la commission ne peut pas dévoiler tous les détails et faits en sa possession. La commission a tenté d’exposer (dans son rapport) les faits et leur analyse de manière à expliquer, de façon la plus rigoureuse possible, ce qui s’est passé ». Dans la préface, le juge Mehlis rappelle que la résolution 1595, sur l’enquête internationale, a été adoptée le 7 avril 2005. Le Conseil de sécurité avait examiné au préalable, le 24 mars, le rapport Fitzgerald élaboré par la commission d’information préliminaire (qui avait été chargée d’effectuer une première investigation sur les circonstances ayant entouré l’attentat). Le 26 mai, une première mission de la commission d’enquête internationale, présidée par Detlev Mehlis, est arrivée à Beyrouth. Le 13 juin, un accord a été signé entre la commission et le gouvernement libanais pour fixer les conditions et les modalités pratiques de l’action des enquêteurs de l’ONU. Peu après la signature de cet accord, les autorités libanaises ont remis à la commission des documents de 8 000 pages sur les informations et les indices assemblés depuis le 14 février. Le 16 juin, le secrétaire général de l’ONU déclarait que la commission était opérationnelle. Le mandat de la commission a été prolongé une première fois jusqu’au 26 octobre. Nous reproduisons ci-dessous de très larges extraits du rapport, dans une traduction non officielle, en préservant quasiment intégralement les passages importants. RÉSUMÉ (…) 4 – La commission a concentré son enquête sur la scène du crime, les aspects techniques du crime, l’analyse d’interceptions téléphoniques, le témoignage de plus de 500 témoins et sources, ainsi que sur le contexte institutionnel dans lequel s’est déroulé le crime. (…) 7 – La commission estime que l’assassinat du 14 février 2005 a été perpétré par un groupe de personnes disposant de grandes capacités d’organisation, de ressources et de moyens considérables. La préparation du crime a duré plusieurs mois. Les horaires et les trajectoires des déplacements de M. Rafic Hariri ont ainsi été contrôlés, de même que les itinéraires suivis par ses convois, qui ont été enregistrés en détail. 8 – Sur la base des résultats du travail réalisé par la commission et de l’enquête libanaise à ce jour ; sur la base des preuves matérielles et documentaires collectées et des pistes suivies jusqu’à présent, des preuves convergentes ont été réunies pour conclure à une implication à la fois libanaise et syrienne dans cet acte terroriste. C’est un fait bien connu que la présence des Renseignements militaires syriens au Liban était imposante, au moins jusqu’au retrait des forces syriennes consécutif à la résolution 1559. Ils avaient nommé les anciens haut responsables sécuritaires libanais. Étant donné l’infiltration des institutions et de la société libanaise par les services de renseignements libanais et syriens, travaillant en tandem, il est difficile d’envisager un scénario suivant lequel les préparatifs d’un assassinat aussi complexe auraient pu avoir lieu à leur insu. 9 – La commission conclut que les autorités sécuritaires et judiciaires adéquates devraient poursuivre les investigations. Ces autorités ont prouvé au cours de l’enquête qu’avec le soutien et l’assistance internationale, elles étaient en mesure d’avancer, voire de prendre l’initiative de façon efficace et professionnelle. Parallèlement, les autorités libanaises devraient se pencher sur toutes les ramifications de l’affaire, y compris les transactions bancaires. L’explosion du 14 février doit être envisagée clairement dans le cadre de la séquence d’explosions qui l’ont précédée et suivie, car il pourrait y avoir un lien entre certaines, voire la totalité d’entre elles. 10 – La commission considère donc qu’il est essentiel que la communauté internationale fournisse un effort soutenu pour établir une plate-forme d’assistance et de coopération avec les autorités libanaises en matière de sécurité et de justice. De tels efforts renforceront considérablement la confiance de la population libanaise dans leur système sécuritaire, tout en les aidant à prendre confiance dans leurs propres capacités. (…) II - BACKGROUND Relations entre M. Hariri et la Syrie 25 – L’enquête de la commission a confirmé ce que beaucoup de gens au Liban ont longtemps affirmé, à savoir que les officiers supérieurs des renseignements syriens exerçaient une puissante influence quotidienne et stratégique sur la gestion gouvernementale du Liban. Le conflit apparemment croissant entre M. Hariri et de haut responsables syriens, dont le président syrien Bachar el-Assad, a représenté un aspect central de l’information fournie à la commission à travers des entretiens et des documents. Une rencontre à Damas entre M. Hariri et le président Assad, le 26 août 2004, semble avoir porté le conflit « à son paroxysme ». Lors de cette réunion qui aurait duré 10 à 15 minutes, le président Assad a informé M. Hariri, qui était alors Premier ministre, qu’il souhaitait que le Liban proroge le mandat du président Émile Lahoud, ce à quoi M. Hariri s’opposait. 26 – Des témoins libanais et syriens, et la transcription d’une réunion entre M. Hariri et le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, ont fourni à la commission des versions très différentes de ce qui s’est dit lors de cet entretien. Un certain nombre de témoins libanais – dont Ghazi Aridi et Marwan Hamadé, anciens ministres à l’époque, le chef druze du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, le député Bassem Sabeh, et le fils de M. Hariri, Saad – ont rapporté que M. Hariri leur a dit avoir été brusquement informé par le président Assad de sa décision de proroger le mandat du président Lahoud et qu’il l’avait menacé de « casser le Liban sur votre (celle de M. Hariri) tête et celle de Walid Joumblatt », si M. Hariri (et probablement M. Joumblatt) n’acceptait pas de soutenir cette prorogation. Des responsables syriens ont apporté une version différente de la réunion. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Farouk el-Chareh, et le général Ghazalé, chef des Services des renseignements syriens au Liban, en ont fait un compte rendu positif. Le général Ghazalé a déclaré à la commission que M. Hariri lui avait dit que le président Assad le considérait comme un « ami » et qu’il avait fait état d’une rencontre cordiale et respectueuse au cours de laquelle le président Assad avait consulté M. Hariri sur la question de la prorogation. 27 – Ci-dessous des extraits des entretiens conduits par la commission à propos de la réunion du 26 août 2004, des extraits appropriés d’une lettre adressée à la commission par M. Chareh et une partie enregistrée de la conversation entre M. Hariri et M. Moallem. Ministre des Affaires étrangères de la République arabe syrienne, lettre à la commission, en date du 17 août 2005 : « Une rencontre a eu lieu entre le président Bachar el-Assad et le défunt Premier ministre Rafic Hariri à Damas, le 26 août 2004, dans le cadre des consultations politiques en cours entre les dirigeants libanais et syriens (…). Les développements régionaux et locaux ont été passés en revue, y compris la possibilité d’une extension du mandat d’Émile Lahoud, président du Liban, au regard des conditions régionales troublées et en partant d’un intérêt mutuel pour le maintien de la stabilité au Liban. M. Hariri a demandé qu’au cas où un consensus émerge en Conseil des ministres à propos de la prolongation du mandat, la Syrie œuvre à pousser le président Lahoud à davantage de coopération dans la période à venir. Le président (syrien) a demandé à M. Hariri de consulter son groupe et qu’il jugerait nécessaire afin de prendre la position qui convient. » Rustom Ghazalé, déclaration écrite non datée, soumise à la commission par une lettre du 17 août 2005 : « J’ai rencontré à deux reprises le Premier ministre Hariri à Anjar ce jour-là (26 août 2004). Le premier entretien a eu lieu le matin du 26 août 2004, alors qu’il se dirigeait vers Damas pour rencontrer le président Bachar el-Assad et le second a eu lieu sur le chemin du retour entre Damas et Beyrouth, après la réunion avec le président Bachar el-Assad à Damas. La dernière rencontre a également eu lieu dans nos bureaux à Anjar. » (…) « Nous avons évoqué son entrevue avec le président Bachar el-Assad. Il (Hariri) paraissait détendu. Le Premier ministre Hariri a qualifié sa rencontre avec le président Bachar el-Assad de cordiale et brève. Selon le Premier ministre Hariri, le président Assad lui a dit : Abou Baha’, nous, en Syrie, avons toujours traité avec vous comme un ami et comme le Premier ministre du Liban. Aujourd’hui, je vous reçois aussi en tant qu’ami et en tant que Premier ministre du Liban. Étant donné les circonstances difficiles que traverse la région, le Liban en étant le cœur, nous pensons qu’il est dans l’intérêt du Liban de préserver la continuité du régime en prorogeant le mandat du président Lahoud. En tant qu’ami, nous voudrions que vous clarifiez votre position sur ce sujet. Nous ne sommes pas pressés de connaître la réponse, et vous pouvez souhaiter un temps de réflexion, à votre convenance. » Marwan Hamadé, déposition du 27 juin 2005 : « Mercredi 24 ou 25 août, M. Hariri, M. Joumblatt et M. Berry ont été invités à se rendre à Damas afin d’être informés de la décision de proroger le mandat de M. Lahoud. M. Joumblatt a informé R. Ghazalé qu’il souhaitait en discuter avec le président Assad. R. Ghazalé a insisté sur le fait que la réponse devrait être “oui” avant de fixer un rendez-vous. Il a en fait conseillé à M. Joumblatt de répondre positivement, car il s’agissait d’une question stratégique pour le président Assad. La réponse de M. Joumblatt a été négative. Une heure plus tard, M. Joumblatt m’a appelé pour me dire que les renseignements syriens avaient annulé son rendez-vous. « Dans la soirée, M. Joumblatt et moi-même sommes allés rendre visite à M. Hariri. Ce dernier a déclaré que R. Ghazalé avait insisté pour dire qu’il n’aurait pas non plus de rendez-vous tant que sa réponse ne serait pas positive. On lui a demandé d’aller à Damas, de rester à son domicile (…) jusqu’à nouvel ordre. Le lendemain, il a été appelé pour une brève rencontre. » (…) « Le jour de la rencontre entre M. Hariri et le président Assad, je me trouvais dans la résidence de M. Joumblatt à Beyrouth, avec Bassem Sabeh et Ghazi Aridi. Nous avons vu que le convoi de M. Hariri était de retour à 13h00, ce qui signifiait que la rencontre à Damas avait été très brève. Nous avons vu M. Hariri, l’air fatigué. Il transpirait. Il nous a dit qu’il fallait réélire le président Lahoud, sinon “il en paierait chèrement le prix”. (…) Il nous a dit que le président Assad lui avait déclaré : Je vais casser le Liban sur votre tête et sur celle de Joumblatt. » Ghazi Aridi, déposition du 1er juillet 2005 : « M. Hariri nous a raconté que le président Assad lui avait dit : “Si Jacques Chirac me sort du Liban, je vais considérer différentes options et vous tiendrai au courant. Ou vous êtes avec nous, ou vous êtes contre nous. Mon choix s’est porté sur Émile Lahoud pour la présidence. Je vais m’assurer qu’il sera président. J’attendrai votre réponse. (…) Dites à Walid Joumblatt que s’il a des druzes au Liban, j’ai aussi une communauté druze en Syrie. Je suis prêt à tout. » Walid Joumblatt, déposition du 28 juin 2005 : « Selon M. Hariri, Assad lui a dit : « Lahoud c’est moi. Je veux renouveler son mandat. (…) Si Chirac me veut hors du Liban, je casserai le Liban. (…) Au cours de sa visite chez moi, M. Hariri était très tendu et déçu. Il était en très mauvais état. » Gebran Tuéni, déposition du 25 juin 2005 : « Plus tard, en 2004, lorsque la question de la prorogation du mandat du président Lahoud a été soulevée, M. Hariri m’a également dit que le président Assad l’avait menacé directement et qu’il lui avait dit qu’un vote contre la prorogation serait considéré comme étant dirigé contre la Syrie. Selon M. Hariri, le président Assad a ajouté que, dans ce cas, les Syriens le “feraient sauter” lui et sa famille et qu’ils le retrouveraient partout dans le monde. » Bassem Sabeh, déposition du 30 juin 2005 : « Quand M. Hariri est revenu de sa réunion avec le président Assad, je l’ai rencontré au domicile de Walid Joumblatt. » (…) « Il nous a rapporté les propos du président Assad qui a présenté les choses brutalement : “Je suis personnellement impliqué dans cette affaire. Il ne s’agit pas d’Émile Lahoud, mais de Bachar el-Assad”. « Nous lui avons demandé s’il avait eu l’occasion de discuter du sujet avec le président Assad. Il a répondu que le président Assad l’avait informé que le sujet n’était pas ouvert à la discussion, que les choses iront ainsi, ou bien je casserai le Liban. » (…) Il était extrêmement préoccupé. Il m’a dit que dans l’intérêt du Liban, il fallait réfléchir à ce qu’il allait faire, car nous faisions face à une bande de fous capables de tout. » Saad Hariri, déposition du 9 juillet 2005 : « J’ai discuté avec mon père, le défunt Rafic Hariri, de la prorogation du mandat du président Lahoud. Il m’a dit que le président Assad l’avait menacé en ces termes : “C’est ce que je veux. Si vous croyez que le président Chirac et vous allez diriger le Liban, vous vous trompez. Cela n’arrivera pas. Le président Lahoud c’est moi. Quoi que je lui dise, il exécute. Cette prorogation se fera, sinon je casserai le Liban sur votre tête et sur celle de Walid Joumblatt. (…) Donc, soit vous faites ce qu’on vous dit, soit nous vous aurons, vous et votre famille, où que vous soyez”. » Conversation téléphonique enregistrée entre Rafic Hariri et Walid al-Moallem, le 1er février 2005 : « À propos de la prorogation, il (le président Assad) m’a convoqué et m’a reçu pendant 10 à 15 minutes. » (…) « Il m’a convoqué et m’a dit : “Vous avez toujours dit que vous étiez avec la Syrie. Le temps est venu de prouver que vous pensez ce que vous dites ou non”. (…) Il ne m’a pas demandé mon avis. Il a dit : “J’ai décidé”. Il ne s’est pas adressé à moi en tant que Premier ministre, ou en tant que Rafic, ou quoi que ce soit du genre. Il a simplement dit : “J’ai décidé”. J’étais complètement perturbé et désorienté. C’était le pire jour de ma vie. » (…) « Il ne m’a pas dit qu’il souhaitait proroger le mandat de Lahoud. Tout ce qu’il a dit c’est : “J’ai décidé de faire ceci, ne me répondez pas, réfléchissez et revenez me voir”. » (…) « Je n’ai pas été traité comme un ami ou une connaissance. Non, j’ai été soumis à la question suivante : “Êtes-vous avec ou contre nous”, c’est tout. Quand je suis sorti de la réunion, je vous le jure, mes gardes du corps m’ont regardé et m’ont demandé pourquoi j’étais pâle. » 28 – Lors de sa rencontre avec M. Moallem, M. Hariri a déclaré qu’il croyait le président Assad délibérément mal informé par les services de sécurité syriens et par M. Chareh. Une traduction de certains extraits de la réunion contient les déclarations suivantes de M. Hariri : – « Je ne peux pas vivre avec un régime sécuritaire qui s’est fait une spécialité d’interférer avec Hariri et de répandre de fausses informations à propos de Rafic Hariri dans des rapports à Bachar el-Assad. » – « Mais le Liban ne sera jamais dirigé à partir de Syrie. Cela n’arrivera plus. » 29 – Pendant la discussion, M. Moallem a déclaré à M. Hariri que « nous et les services (de sécurité) vous avons coincé ». Et il a ajouté : « S’il vous plaît, ne prenez pas les choses à la légère. » 30 – L’enregistrement de l’entretien contredit clairement le compte rendu qu’en fait M. Moallem dans sa déposition du 20 septembre 2005 au cours de laquelle il qualifie faussement l’entretien du 1er février « d’amical et de constructif » et il évite de répondre directement aux questions qui lui sont posées. La coopération syrienne avec la commission 31 – Les informations établies ci-dessus et les preuves réunies par la commission, telles que décrites dans la section ci-dessous intitulée La planification de l’assassinat, permettent d’envisager la possibilité d’une implication de responsables syriens dans l’assassinat de M. Hariri. Lorsque la commission a essayé d’obtenir la coopération du gouvernement syrien pour poursuivre l’enquête sur ces pistes, cette coopération a été formelle et non pas substantielle. 32 – Le premier contact entre la commission et les autorités syriennes a été établi le 11 juin 2005, lorsque le commissaire a envoyé une lettre au ministre syrien des Affaires étrangères, réclamant une rencontre avec un représentant du gouvernement syrien. M. Chareh a répondu le 11 juillet, promettant en des termes généraux que le gouvernement syrien soutiendrait l’enquête. Le 19 juillet, la commission a demandé à interroger plusieurs témoins, y compris le président de la République arabe syrienne. Le 26 août, à la demande du gouvernement syrien, une rencontre a été organisée à Genève, en Suisse, entre le commissaire (Mehlis) et un représentant du ministère syrien des Affaires étrangères. Lors de la réunion, une lettre contenant les déclarations de quatre témoins a été remise au commissaire. Il a alors été précisé que le président Assad n’était pas disponible pour un entretien. Le commissaire a réitéré sa requête concernant des interrogatoires directs des témoins. La réponse a été que sa demande était sous étude mais que le président Assad ne serait pas disponible. 33 – Le 30 août, la commission a envoyé une autre requête au ministre syrien des Affaires étrangères, demandant d’interroger plusieurs autres témoins et suspects en Syrie. La lettre sollicitait le soutien du gouvernement syrien pour perquisitionner chez les suspects. Le 7 septembre, le ministre Chareh a écrit au commissaire que son gouvernement acceptait que la commission interroge les personnes recensées dans les lettres du 19 juillet et du 30 août, à l’exception du président Assad, bien que les éléments dont elle disposait reposent sur de faux témoignages. 34 – Le 12 septembre, la commission et un représentant du ministère syrien des Affaires étrangères ont discuté les détails des interrogatoires à venir. La commission a demandé d’organiser les entretiens dans un pays tiers qui ne soit ni le Liban ni la Syrie, mais ceci lui a été refusé. Les autorités syriennes ont insisté pour que les interrogatoires aient lieu en présence de responsables syriens. Les entretiens ont eu lieu entre les 20 et 23 septembre. Chaque entretien a été conduit en présence du conseiller judiciaire du ministère syrien des Affaires étrangères ou d’un autre représentant du ministère, d’un interprète, de deux rapporteurs et, parfois, d’une personne supplémentaire dont l’affiliation n’était pas précisée. Au terme des entretiens, il était évident que les personnes interrogées avaient répondu uniformément aux questions. Plusieurs de leurs réponses étaient contredites par des éléments de poids réunis par la commission auprès de sources diverses. La commission n’a pas encore eu l’occasion de donner suite à ces entretiens ou de poursuivre son enquête à propos d’une possible implication syrienne dans le crime. 35 – La commission conclut que l’absence de coopération substantielle de la part du gouvernement syrien avait fait obstacle à l’enquête et rendu difficile de suivre des pistes établies par des éléments provenant de diverses sources. Si l’enquête doit se poursuivre, il est essentiel d’obtenir la pleine coopération du gouvernement syrien, y compris à travers l’autorisation d’organiser des interrogatoires hors de Syrie, sans que les personnes interrogées ne soient accompagnées de responsables syriens. III – LE CRIME (…) IV - L’ENQUÊTE LIBANAISE Mesures initiales 39 – Résoudre un crime de cette ampleur exige de fortes capacités de gestion, des rôles clairs, une coordination et un accès à des compétences, une puissance de travail, des équipements et des moyens d’assistance. Le bref exposé suivant résume les mesures prises par les autorités libanaises au cours de la période allant de l’exécution du crime jusqu’à la formation de la commission d’enquête innernationale. Le juge d’instruction 40 – Le premier juge d’instruction militaire Rachid Mezher a été chargé de l’enquête durant la période du 14 au 21 février 2005. À cette dernière date, le gouvernement libanais a pris la décision de considérer le crime comme un acte terroriste visant la République. Cela a conduit à transférer l’affaire à une nouvelle juridiction compétente, la Cour de justice, qui est la plus haute instance criminelle au Liban. En conséquence de cette décision, un nouveau juge d’instruction a été désigné pour conduire les investigations, le juge Michel Abou Arraj, représentant du bureau du procureur général. 41 – Le juge Mezher est arrivé sur la scène du crime moins d’une heure après l’explosion, en compagnie du juge Jean Fahd, du bureau du procureur général. Il a décrit la situation sur la scène du crime comme étant chaotique. Ses premières décisions ont été de confier au numéro deux de la police de Beyrouth, le général Naji Moulaeb, la charge de superviser le lieu du crime, lui assignant la tâche de retirer les morts et les blessés, de faire éteindre les feux et, ensuite, d’évacuer la scène du crime et de la boucler totalement (déclaration de témoin). 42 – À 17h00, le juge Mezher a convoqué une réunion regroupant tous les organismes concernés, à la fois des FSI et de l’armée, représentés en tout par dix officiers. Au cours de la réunion, le juge Mezher a réparti les tâches sur les différents corps et donné des instructions supplémentaires sur le cours de l’enquête (déclaration de témoin). 43 – Les représentants des FSI à cette réunion étaient : le général Aawar, en sa qualité de commandant en charge de la police de Beyrouth, le général Salah Eid, en tant que responsable du site de l’explosion, et le lieutenant-colonel Fouad Osman, en tant que chef de la division d’information. 44 – Après la réunion, vers 19h00, le juge Mezher est retourné sur la scène du crime pour la deuxième fois. Il n’était pas satisfait de ses observations sur la scène du crime, mais il espérait qu’il en saurait davantage le lendemain du fait que les responsabilités ont été partagées au cours de la réunion. Les lacunes se résumaient notamment à l’absence d’équipements et de moyens d’assistance ainsi qu’à l’inexpérience. De plus, il y avait des failles de communication entre les divers organismes concernés, les instructions du juge n’étaient pas respectées et il ne recevait pas de rapports adéquats sur le progrès des investigations (déclaration de témoin). 45 – Durant la période de ses fonctions en tant que juge d’instruction, le juge Mezher a convoqué une dizaine de personnes à son bureau pour les interroger, y compris des membres du personnel de l’hôtel Saint-Georges, des officiers de la garde rapprochée de Hariri, le père et la mère d’Abou Adas et des témoins. Il a également, en concertation avec le juge Jean Fahd, pris la décision de demander l’assistance de la Suisse concernant une équipe d’expertise légiste afin d’aider les autorités libanaises dans l’enquête. Quand le juge Mezher a été déchargé du dossier, le 21 février 2005, aucun résultat substantiel n’avait été atteint dans les investigations. 46 – Le dossier a été remis au nouveau juge d’instruction, le juge Abou Arraj. Ce dernier a été en charge de l’affaire du 22 février jusqu’au 23 mars 2005. Il a été nommé par le premier juge Tanios Khoury au Conseil supérieur de la magistrature (…) (déclaration de témoin). Ses premières opinions en examinant le dossier étaient que le crime constituait une attaque terroriste qui exigeait beaucoup de temps et des mesures d’investigation extensives, ainsi que la mise en œuvre de ressources substantielles. À son point de vue, toutes les mesures initiales prises dans le cadre de l’enquête ont été menées d’une façon professionnelle et précise. Mais il a été surpris de voir que les voitures du convoi avaient été retirées. Il n’a pas rencontré le juge Mezher mais il l’a appelé au téléphone chaque fois qu’il avait besoin de clarifications (déclaration de témoin). (…) Les FSI 51 – Le 14 février 2005, le général Ali Hajj occupait les fonctions de directeur des FSI. Il avait été promu à ce poste en novembre 2004. Selon certaines allégations, il a été nommé par les Syriens. Il a abandonné ses fonctions au cours du printemps 2005, après l’attentat contre Hariri. Selon ses déclarations, il était présent à son bureau lorsqu’il a été alerté à propos de l’explosion. Il s’est alors rendu immédiatement sur la scène du crime en voiture. Pendant le trajet, il a appelé le général Chahid Khoury, chef du département des opérations au sein des FSI, qui lui a dit qu’il s’agissait d’une grande explosion. Le général Hajj a alors ordonné à M. Khoury de dépêcher toutes les unités responsables sur le site. Ces unités étaient composées de l’unité légiste sous le commandement du général Hicham Aawar, l’unité d’artificiers, dirigée par le général Abdel Badih Soussi, et l’unité d’investigation commandée par le lieutenant-colonel Fouad Osman. Cela était son unique responsabilité, d’assurer les ressources nécessaires. Après l’arrivée du juge d’instruction, tout le personnel des FSI était sous les ordres du magistrat et le général Ali Hajj ne pouvait pas s’ingérer dans l’enquête (déclaration de témoin). 52 – À son point de vue, les problèmes créés sur la scène du crime étaient dus à la présence de plusieurs organismes, comme l’armée, les FSI, la Sécurité de l’État et la Sûreté générale. 53 – Plus tard cet après-midi-là, le général Hajj s’est joint à une réunion du Conseil supérieur de la défense au palais présidentiel. La réunion était dirigée par le président de la République. Les autres participants étaient le vice-président du Conseil, les ministres de l’Intérieur, de la Défense, des Affaires étrangères, de la Justice, de l’Économie et des Travaux publics, le mohafez de Beyrouth et les chefs des divers services de sécurité. La réunion a été axée sur le crime, sur ses ramifications et sur la question de transmettre le dossier à la Cour de justice. 54 – À la suite de la réunion, le général Hajj est retourné à son bureau ; aussitôt après, la chaîne al-Jazira a diffusé une vidéo sur laquelle Ahmad Abou Adass a revendiqué la responsabilité de l’explosion et du meurtre de Hariri. À partir de ce moment, toutes les ressources disponibles des FSI, à l’exception de celles occupées sur la scène du crime, ont été concentrées sur la piste d’Abou Adass. Les services de renseignements militaires 55 – Le 14 février 2005, le général Raymond Azar était le chef des services de renseignements de l’armée. Il avait été promu à ce poste en décembre 1998 et a présenté sa démission au printemps 2005 après l’attentat contre Hariri. Selon ses déclarations, il a été prévenu de l’explosion par le colonel Mohammed Fehmi, chef du département de la Sécurité militaire. Il ne s’est pas rendu sur la scène du crime, mais il a suivi l’affaire en détail de son bureau, en compagnie du colonel Albert Karam, chef de la branche des SR de Beyrouth. Il a informé le président Lahoud et le général Ghazali de l’explosion au moment où elle s’est produite. (déclaration de témoin). 56 – Des membres du personnel des SR de l’armée (principalement des experts artificiers) ont visité la scène du crime et mené leur partie du travail d’investigation. Ils ont confirmé que les explosifs utilisés étaient du TNT et ont estimé la quantité à 300 kg. Toutes les pièces à conviction trouvées sur le site ont été par la suite remises aux FSI (le général Hicham Aawar) et, à la connaissance du général Azar, il y avait quelques fragments de métal et un pistolet. À son point de vue, c’était principalement les FSI, mais aussi le bureau du procureur général et le juge d’instruction qui avaient la responsabilité globale de l’enquête. 57 – L’après-midi du 14 février 2005, le général Azar a pris part à la réunion du Conseil supérieur de défense. Au cours de la réunion, un exposé a été fait sur l’assassinat de Hariri, avec tous les détails disponibles à ce moment-là. Chaque participant a présenté son point de vue. 58 – Ultérieurement, sa direction a été assignée à la tâche de suivre les trois éléments suivants : La vidéo d’Abou Adas Les communications cellulaires dans la zone de l’explosion Le type et la quantité d’explosifs utilisés. La Sûreté générale 59 – Le 14 février 2005, le brigadier Jamil Sayyed occupait les fonctions de directeur général de la Sûreté générale. Il avait été nommé à ce poste en décembre 1998 et a démissionné au printemps 2005 après l’attentat contre Hariri. Selon ses déclarations, il se trouvait à son bureau lorsqu’il a entendu l’explosion, mais il croyait qu’il s’agissait de chasseurs israéliens crevant le mur du son. Entre 13h15 et 13h30, le lieutenant-colonel Ahmad Assir l’a informé de l’explosion et lui a dit que le convoi de Hariri avait été visé. Il est resté à son bureau et aucun membre du personnel de la Sûreté générale n’a été dépêché sur les lieux. Il a téléphoné au chef de l’État, au ministre de l’Intérieur et au général Ghazalé. 60 – Plus tard, dans l’après-midi, le général Sayyed a participé à la réunion du Conseil supérieur de défense, axée sur les répercussions immédiates sur le terrain. Des suggestions ont été soumises au gouvernement, qui s’est réuni le même soir. 61 – Dans la matinée de mardi 15 février 2005, il a reçu un appel téléphonique d’un journaliste d’al-Jazira l’informant que personne n’était venu encore chercher la cassette d’Abou Adas. La vidéo lui a été apportée le 16 février. Il en a fait une copie et remis l’original au juge Abou Arraj. L’enquête sur le lieu du crime Le rapport des FSI 62 – Comme pour toute affaire criminelle, une inspection des lieux du crime et des environs est d’une importance primordiale pour les conclusions de l’enquête. L’officier en charge, le général Naji Moulaeb des FSI, est allé sur les lieux à 13h05, le 14 février 2005. Il a ensuite publié un rapport le 3 mars 2005 sur l’inspection menée par les autorités libanaises (la Direction générale des Forces de sécurité de intérieure, la police de Beyrouth, n° de réf. : 95) contenant ce qui suit : (…) « Le 14 février 2005, à environ 12h50, une explosion a eu lieu à Beyrouth près de l’hôtel Saint-Georges, comme indiqué par le centre opérationnel. Toutes les unités de patrouille ont reçu l’ordre de se rendre sur les lieux. J’y suis arrivé quelques minutes plus tard. Les voitures garées à proximité avaient pris feu et il y avait beaucoup de fumée. Les véhicules de la Défense civile, des pompiers et ceux de la Croix-Rouge se sont tout de suite dirigés vers le site et ont pris part à l’extinction du feu, à la recherche des corps et à l’évacuation des blessés vers les hôpitaux. La scène était chaotique ; les membres de l’armée et des FSI s’étaient confondus avec les civils, les pompiers, les secouristes et les journalistes. Tout le monde accourait vers les lieux du crime. J’ai alors donné l’ordre à tous les officiers, policiers et membres des forces de l’ordre de faire tout le nécessaire afin d’assurer un couloir de sécurité et afin de prendre les mesures appropriées pour sécuriser les lieux du crime et pour éloigner les curieux. J’ai donné au chef du second secrétariat régional de Beyrouth la responsabilité d’appliquer ces ordres. (…) En plus des politiciens et des officiers de sécurité, le commissaire du gouvernement près la Cour militaire, Rachid Mezher, le premier juge d’instruction de la Cour militaire de Beyrouth sont arrivés sur les lieux avec une équipe de travail. M. Mezher m’a ensuite confié, en tant que responsable en charge de la police pendant l’absence du chef de police qui était en mission à l’étranger depuis le 12 février 2005, la tâche de mener une enquête sur l’attentat et de le garder informé de l’affaire. L’autorisation orale est ensuite devenue écrite. J’ai informé le directeur général de la Sécurité intérieure de tout cela dès son arrivée sur les lieux du crime. Compte tenu de l’autorisation orale citée ci-dessus, j’ai donné l’ordre au major Salah Eid, le commandant du second secrétariat régional de Beyrouth, de prendre les mesures nécessaires pour l’enquête et de me garder au courant des nouvelles données. L’évacuation des blessés vers les hôpitaux et la recherche des corps étaient toujours en cours tout comme le travail du personnel de l’Office central des accidents et des experts en explosifs. Une inspection approfondie a été effectuée sur la scène de l’attentat et ses environs. Un groupe d’ingénieurs de l’armée libanaise est aussi arrivé et a pris des échantillons des lieux du crime afin de les examiner. Un groupe de l’armée a aussi inspecté le site et ses bâtiments et a aidé à assurer un cordon de sécurité. (…) Sur les ordres du premier juge d’instruction de la Cour militaire, et avec l’autorisation du directeur général des Forces de sécurité intérieure, les voitures du convoi de M. Hariri ont été envoyées vers la caserne Hélou après avoir été photographiées et filmées sur les lieux du crime en présence des chefs du second secrétariat général de Beyrouth, de la seconde équipe de trafic de Beyrouth, de la branche al-Bourj et de l’équipe des investigateurs criminels et se basant sur les données fournies par la Défense civile, conformément au rapport n° 144/302 datant du 14 février 2005. Les véhicules ont ainsi été évacués vers la caserne Hélou. Dans notre télégramme n° 2122 datant du 15 février et qui a été adressé au chef des services d’urgence, nous avons demandé que les véhicules soient sécurisés et que personne ne soit autorisé à les toucher. À 15h00, le 15 février 2005, le major Omar Mekkawi, le chef de l’unité de police de Beyrouth, a rapporté et a exécuté ces ordres. Il m’a informé de toutes les mesures qui ont été prises et de tous les incidents qui ont été signalés et nous avons été tenus informés des progrès de l’enquête menée par le major Salah Eid. Nous avons ensuite dûment informé le premier juge d’instruction de la Cour militaire des informations qu’on avait. Conformément à l’accord n° 2F206/1736 datant du 18 février 2005, le premier juge d’instruction de la Cour militaire nous a fait parvenir l’autorisation réf. 36/2005 datant du 18 février 2005, contenant un ordre pour contacter le mohafez de Beyrouth qui devait nous fournir les noms de ceux qui travaillaient récemment dans le chantier sur les lieux de l’explosion. » Le rapport légiste suisse 63 – Étant donné que les experts libanais qui ont inspecté les lieux du crime représentent différentes agences, ils sont parvenus à des résultats et des conclusions différents de l’inspection. Par conséquent, ils ont été appelés à une réunion en présence du procureur général (déclarations de témoins). La réunion a résulté en une demande au gouvernement en vue d’une assistance dans l’inspection des lieux du crime. Une équipe d’experts légistes suisses a visité le Liban en mars 2005 et a entrepris une enquête légiste. Le rapport final de l’équipe suisse indique ce qui suit : « Nos conclusions sur une explosion souterraine ou au-dessus de la terre sont basées sur les points suivants : – Analyses basées sur la dispersion des fragments et sur la taille et la forme des fragments. – Analyses basées sur la taille et la forme du cratère. – Analyses balistiques. – Analyses des dommages infligés aux bâtiments (structure, vitres…) Suite à l’analyse de la dispersion des fragments, nous ne pouvons pas donner une preuve irréfutable sur le fait de savoir si l’explosion était au-dessous ou au-dessus de la terre. Nos analyses et nos recherches portant sur la taille et la forme du cratère ne nous donnent pas non plus de preuves claires sur le fait de savoir si l’explosion était au-dessous ou au-dessus de la terre. D’un autre côté, la forme et la taille du cratère nous donnent une certaine information sur la charge d’explosifs possiblement utilisée au-dessous ou au-dessus de la terre. Comme nous l’avons déjà cité dans notre rapport, il est possible qu’une charge d’explosifs de 1 000 kg utilisée au-dessus de la terre produise un cratère semblable à celui su les lieux du crime. (…) Si la charge était placée dans un véhicule, elle devrait peser plus que cela. Si, en effet, un tel véhicule a été utilisé, nous aurions trouvé de plus gros fragments de ce véhicule (un fragment du cadre, par exemple) à proximité du centre de l’explosion. L’étendue des dommages remarqués sur les fragments en métal que la police nous a montrés (des fragments du van Mitsubishi, selon la police) est en conformité avec les fragments que nous aurions trouvés si un tel véhicule avait réellement explosé au centre du site. (…) Après avoir mené toutes les analyses et discussions sur les données que nous avons récoltées, nous sommes parvenus à la conclusion que l’explosion était probablement au-dessus de la terre. Par conséquent, nous estimons à 1 000 kg la charge hautement explosive. Les résultats préliminaires non officiels des analyses d’un échantillon du cratère ont démontré des traces de TNT. » Le rapport de Rifi – En mars 2005, l’actuel chef des FSI, le général Ashraf Rifi, avait préparé un rapport sur les mesures initiales prises par les autorités libanaises sur les lieux du crime, et qui a été ensuite remis à la mission d’enquête des Nations unies. Le rapport contenait ce qui suit (extraits) : II. Les mesures prises: L’importance de cet événement tragique qui a coûté la vie à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri a eu une influence sur les décisions et les mesures qui ont été prises. A- Les opérations de secours et la recherche des corps : Immédiatement après l’explosion, les organismes sécuritaires, militaires et la Défense civile, ainsi que la Croix-Rouge se sont précipités sur les lieux du crime pour remplir leur mission. En dépit de toutes les mesures prises, celles-ci n’ont malheureusement pas été à la hauteur de ce qui aurait été souhaitable pour que ces organismes puissent sauver la face. Ces mesures étaient défectueuses. Ainsi, le ministère de l’Intérieur et des Municipalités a publié un mémorandum 137(sad)2, daté du 25 février 2005, ordonnant à l’Inspection générale des Forces de sécurité intérieure d’enquêter sur les actes et actions. Se fondant sur les résultats, il a suggéré la révocation du chef de la police de Beyrouth et du chef de la police judiciaire. B. Préservation des lieux du crime : Immédiatement après l’explosion, le juge d’instruction militaire a été chargé de l’enquête. Tout le personnel de la police judiciaire et de la sécurité a été mis à sa disposition. Il a ordonné des commissions rogatoires et indiqué les mesures qui devaient être prises, et ce spécifiquement en ce qui concerne la préservation des lieux du crime. Cependant, les mesures prises ont été en deçà du niveau requis et contraires aux règles évidentes et fondamentales selon lesquelles un crime d’une telle ampleur, et même de moindre ampleur, doit être traité. Dans ce cas, des mesures strictes doivent être prises afin d’empêcher toute altération des lieux du crime ou des preuves qui pourraient être utilisées comme preuves criminelles afin d’aider l’enquête et de découvrir la vérité. Cela aurait pu être effectué sans négliger l’aspect humain de la tâche à remplir, c’est-à-dire en accordant la priorité à la recherche des victimes et des blessés, et en fournissant à ces derniers les premiers soins nécessaires. De nombreuses erreurs ont été notées en la matière : a) Les lieux du crime ont été le théâtre d’un chaos non seulement durant les premières heures suivant l’explosion, pendant lesquelles l’attention est portée sur l’extinction de l’incendie, l’aide aux blessés et la recherche des disparus, mais aussi, de manière regrettable et non nécessaire, durant une période beaucoup plus longue. b) Il n’y eut aucune coordination entre tous les organes sécuritaires présents sur les lieux du crime. c) La recherche des disparus a été conduite de manière irresponsable, non professionnelle et négligente. Certaines personnes ont ainsi été découvertes plus tard par hasard ou par leurs familles. Les éléments controversés suivants ont été enregistrés : – Le corps de Zahi Abu Rujaili, un citoyen libanais, a été découvert le 15 mars 2005. Selon un expert médical, la victime avait survécu à l’explosion pendant environ 12 heures. – Le corps d’une des victimes a été découvert par hasard 8 jours après l’explosion. – Le corps de Abdel-Hamid Ghalayini, un citoyen libanais, a été trouvé 16 jours après l’explosion par sa famille et non par les officiers de la Défense judiciaire ou civile – Le sort de Farhan Ahmad al-Issa est toujours inconnu, il est toujours porté disparu. Il est à craindre que la découverte de son corps ne provoque encore un nouveau scandale. d) Quelques heures après l’explosion, vers 23h00, des preuves essentielles ont été retirées des lieux du crime. Les voitures du convoi de l’ancien Premier ministre ont été transférées à la caserne Hélou sous prétexte de leur protection alors que ce qui restait des véhicules ne justifiait pas leur protection sauf en ce qui concerne leur valeur en tant que preuve criminelle. Cela n’est pas le seul cas prouvant l’altération des lieux du crime. Une voiture de marque BMW, qui ne faisait pas partie du convoi, a également été retirée alors que l’attention aurait dû être portée sur le non-retrait de quelque voiture que ce soit, et sur le maintien des véhicules à leur emplacement exact afin de déterminer comment le crime avait été commis. e) Un bulldozer a été introduit sur les lieux du crime le jour de l’explosion, le 14 février 2005, en soirée, sans aucune justification. Dès que le ministère de l’Intérieur et des Municipalités en a été informé, il a ordonné son retrait et la préservation des lieux du crime en l’état. C. La conduite de l’enquête, ses conditions et la détermination des modalités du crime : a) Il est connu que des erreurs majeures ont été commises lors de la conduite de l’enquête, parmi lesquelles la fuite d’informations qui a entraîné une certaine confusion. Avec pour conséquence de compromettre la crédibilité de l’enquête locale. -Responsabilités a) La responsabilité d’un crime si tragique ne peut être limitée à un aspect. Comme mentionné ci-dessus, cela englobe des aspects politiques, judiciaires et sécuritaires. Décision de retirer le convoi de véhicules 65 – La décision de remplir le cratère sur les lieux du crime, de retirer les véhicules du convoi et de rouvrir la rue au lendemain de l’explosion, laisse perplexe si l’on suppose qu’il existait une volonté générale de procéder à un examen professionnel des lieux du crime afin de dépister les auteurs du crime et de les traduire en justice. Une perplexité, reflétée dans les différentes déclarations des officiels les plus impliqués, qui parle d’elle-même. Juge d’instruction Mezher 66 – À 22h30, le 14 février, le juge Mezher était chez lui, quand il a reçu un appel téléphonique du général Naji Mulaeb, qui l’a informé que des représentants de différents organismes étaient sur les lieux du crime et avaient commencé à collecter des morceaux de métal du convoi de véhicules afin de procéder à leurs propres examens légaux. Le général Mulaeb n’a rien pu faire pour les en empêcher. Il a suggéré que le convoi soit transféré dans un endroit sûr et a proposé la caserne Hélou à Beyrouth. Le juge Mezher a accepté cette proposition sous les conditions suivantes : les véhicules devaient être filmés sur le site, répertoriés et numérotés. Ils devaient également être filmés durant leur transfert et lors de leur arrivée à la caserne Hélou, où ils devaient être couverts et gardés 24 heures sur 24 afin d’éviter toute altération des preuves. Le juge Mezher n’a eu aucune information sur la décision de remplir le cratère et de rouvrir la rue (déclaration d’un témoin). Les véhicules ont été retirés des lieux du crime le 14 février. Général Jamil al-Sayyed 67 – Le matin du 15 février 2005, le général al-Sayyed a lu les journaux au sujet du retrait des véhicules du convoi. À 08h00, il a appelé le général Ali al-Hajj, chef des FSI, et lui a demandé ce qui se passait. Le général al-Hajj lui a répondu que deux équipes travaillent sur le nettoyage de la route qui devait rouvrir à 10h00. En réponse à une question directe, le général al-Hajj a déclaré que les ordres venaient de Moustapha Hamdane, le commandant de la garde présidentielle (déclaration de témoin). Général Ali al-Hajj 68 – Le 14 février 2005 à 22h30, M. Saddik a reçu un appel téléphonique à son bureau (où il était avec le général Hisham Aouar) de la part du directeur général du ministère des Travaux publics, M. Fadi Nammar. M. Nammar lui a dit qu’une décision avait été prise de rouvrir la route le lendemain et que son équipe était prête à commencer les travaux au lever du soleil le lendemain matin. L’appel était effectué sur une ligne fixe et entendu par le général Aouar. Il a prétendu avoir été surpris par cet appel téléphonique car M. Nammar n’avait pas d’autorité en la matière. Il a été publiquement reconnu que Fadi Nammar était très proche du palais présidentiel, ce qui signifiait qu’il prenait ses ordres de là-bas. M. Nammar a prétendu qu’il avait réglé le problème avec le juge d’instruction. Il a appelé le chef de la police de Beyrouth, le général Naji Mulaeb, et l’a informé de l’appel téléphonique de M. Nammar et lui a demandé de vérifier que le juge Mezher était au courant de cette décision. Le général Mulaeb a appelé le juge Mezher, qui était au courant de la décision de rouvrir la route et n’y voyait pas d’objection. Le général Mulaeb a alors demandé ce qui devrait être fait avec les véhicules. Le juge Mezher a répondu qu’ils devaient être transférés dans un endroit sûr, et il a proposé la caserne Hélou (déclaration de témoins). 69 – Le lendemain matin, le 15 février 2005, M. Nammar a rencontré le mohafez de Beyrouth, M. Yaacoub Sarraf, afin d’organiser la réouverture de la route Minet el-Hosn. Sarraf est très proche du palais présidentiel et était également au courant de la décision (déclaration de témoin). Général Hisham Aouar 70 – Au sujet du retrait du convoi, le général Aouar a indiqué qu’il ne savait pas qui avait donné les ordres. Il lui a été demandé d’aider au filmage du retrait du convoi le 14 février durant une rencontre avec le juge d’instruction, mais rien d’autre n’a été mentionné au sujet du retrait des véhicules du convoi des lieux du crime. Le même soir, entre 22h30 et 23h00, il était dans les bureaux du directeur général des FSI, le général Ali al-Hajj, et lui a dit que les voitures allaient être retirées. Il lui a aussi dit que les FSI allaient apporter leur aide avec le marquage des emplacements des véhicules et leur filmage (déclaration de témoin). Directeur général Fadi Nammar 71 – M. Nammar ne se souvient pas si le général al-Hajj lui a téléphoné le 14 février 2005, mais il se souvient d’avoir appelé le général al-Hajj le lendemain, comme il le fait toujours en pareille situation. Au moment du coup de téléphone, il était dans le bureau du mohafez de Beyrouth. Il a indiqué au général al-Hajj qu’ils étaient prêts, si nécessaire, à offrir leur aide. Le général al-Hajj l’a transféré à un général travaillant pour les FSI qui lui a dit qu’une étude était en cours sur les lieux du crime. Le général a indiqué qu’il recontacterait M. Nammar en temps voulu. M. Nammar ne se souvenait pas du nom du général, mais il était avec al-Hajj. Il n’avait pas le pouvoir nécessaire pour décider de rouvrir les routes à Beyrouth et il n’a pas donné d’ordres visant à retirer les voitures du convoi. Il a également nié avoir eu des contacts avec le palais présidentiel (déclaration de témoin). 72 – En conséquence, il a été confirmé (grâce à des listes téléphoniques) que le général Ali al-Hajj a appelé d’une ligne fixe M. Nammar sur son téléphone cellulaire le soir du 14 février 2005. Il a également été confirmé que M. Nammar a appelé le général Ali-al Hajj le lendemain (déclaration de témoin). Le mohafez de Beyrouth, Yaacoub Sarraf 73 – Selon son témoignage, il n’a donné aucune instruction. L’armée et la police ont tout pris en charge. Il a pris contact au téléphone avec M. Fadi Nammar, le 14 février 2005. Le commandant de la gendarmerie de Beyrouth, Naji Moulaeb 74 – Entre 20h30 et 22h, le 14 février 2005, le général Moulaeb a reçu un appel téléphonique à son bureau du général Ali Hajj qui lui a ordonné d’ôter les voitures du convoi de la scène du crime et de les placer dans un endroit sûr, partant du principe que la route sera rouverte dans les deux jours qui suivront. Les voitures seraient disponibles au cas où les experts voudraient les examiner. Le général Moulaeb a été surpris par cette décision et ne l’a pas acceptée. Il a informé le général Hajj qu’il n’avait rien à voir avec la scène du crime et que ce site relevait du juge Mezher. Le général Hajj a alors demandé au général Moulaeb de prendre contact avec le juge. C’est ce que ce dernier a fait. Le magistrat a également été surpris par cette requête et a interrogé le général sur les raisons de cette précipitation. Le général Moulaeb lui a dit qu’il a reçu ses ordres du général Hajj et qu’il en avait été également surpris. Le juge lui a alors demandé de lui donner quelque temps et lui a dit qu’il le rappellera. Peu de temps plus tard, entre 10 et 30 minutes, le magistrat a rappelé (le général) et lui a dit que les véhicules pouvaient être déplacés. Le général Moustapha Hamdane 75 – Après l’attentat du 14 février 2005, le général Hamdane a pris toutes les mesures nécessaires pour protéger le président et le périmètre du palais présidentiel. Il ne se rappelle pas des détails, mais il ne s’est pas rendu sur le site. Il n’a pas donné des ordres ou des directives concernant les activités sur la scène du crime, dans la mesure où celle-ci ne relève pas de ses responsabilités. Aussi, n’a-t-il rien à voir avec tout ordre donné pour dégager la rue, combler le cratère et enlever les voitures (déposition d’un témoin). Le chef des Forces de sécurité intérieure, Achraf Rifi 76 – Lors d’une réunion avec la commission internationale d’enquête, le général Rifi a déclaré que la personne qui a donné l’ordre de dépêcher un ou des bulldozers sur la scène du crime afin de combler le cratère provoqué par l’attentat est le général Moustapha Hamdane qui, à l’époque, était le chef de la garde présidentielle et qui, conformément aux lois libanaises, n’avait rien à voir avec des questions relatives à l’enquête sur la scène du crime (déposition d’un témoin). L’enquête libanaise : Ahmed Abou Adass 77 – Vers 14h11, le 14 février 2005, presque une heure après l’attentat, Leyla Bassam, de l’agence Reuters, a reçu un appel téléphonique anonyme d’un homme qui n’avait pas l’accent libanais mais qu’elle n’a pas pu identifier. Selon Mme Bassam, dès qu’elle a reçu l’appel, l’homme lui a demandé « d’écrire ce qui suit » et de rester calme, avant de lire la déclaration suivante en arabe littéraire : « Nous, al-Nasra wal Jihad fi bilad al-Islam, déclarons que nous avons infligé une punition à Rafic Hariri l’infidèle, pour qu’il soit un exemple aux autres. » L’interlocuteur a conclu avec une citation islamique avant de raccrocher. 78 – M. Ghassan ben Jeddou, chef du bureau d’al-Jazira à Beyrouth, se rappelle avoir reçu quatre appels téléphoniques ce jour-là, revendiquant la responsabilité de l’attentat. Dans le premier, un homme que M. ben Jeddou a décrit comme s’exprimant lamentablement en arabe, avec un accent africain, afghan ou pakistanais, a annoncé que al-Nasra wal Jihad revendiquait la responsabilité de la liquidation de M. Hariri dans un attentat-suicide (1). Un peu plus tard, al-Jazira a informé son public de cette revendication. Un peu plus tard, al-Jazira a reçu un autre appel téléphonique anonyme d’une personne prétendant appartenir au même groupe, mais s’exprimant parfaitement en arabe. Cette dernière a expliqué à M. ben Jeddou et à ses collègues, où ils pouvaient trouver une vidéocassette contenant des informations supplémentaires sur l’attentat – plus précisément dans un arbre près du siège de l’Escwa, au centre-ville – et leur a demandé de récupérer la vidéocassette dans un délai de 15 minutes. M. ben Jeddou a envoyé un collègue pour localiser la cassette. Une enveloppe blanche contenant une déclaration détaillée dactylographiée ainsi qu’une vidéocassette a été trouvée. Après plusieurs appels du même groupe, qui voulait savoir pourquoi la vidéocassette n’avait toujours pas été diffusée, al-Jazira l’a diffusée en fin d’après-midi. (1) M. ben Jeddou se rappelle qu’al-Jazira avait reçu quatre appels téléphoniques cet après-midi, le premier autour de 13h40 et le dernier vers 16h. Cependant, les enregistrements téléphoniques ont révélé trois appels téléphoniques cet après-midi, à 14h19, à 15h27 et à 17h04. 79 – La lettre accompagnant la cassette, émanant soi-disant du groupe al-Nasra wal Jihad en Grande Syrie, affirme en partie : « Dieu soit loué car le drapeau d’al-Nasra wal Jihad est victorieux en Grande Syrie. Avec la bénédiction de Dieu, l’agent des infidèles à La Mecque et à Médine, Rafic Hariri, a subi sa punition à travers une opération-suicide exécutée par le moudjahid Ahmed Abou Adass, qui portait le drapeau d’al-Nasra wal Jihad en Grande Syrie, le lundi 14 février 2005, le 5 du mois de Mouharram 1426, suivant le calandrier musulman à Beyrouth… Ci-joint, un enregistrement de la déclaration du martyr Ahmed Abou Adass, l’auteur de l’opération. » Sur la cassette, un individu qui se présente comme étant Abou Adass utilise la même terminologie. 80 – Quelque temps après la diffusion de la cassette, les autorités libanaises avaient rassemblé un nombre important d’informations à propos de M. Abou Adass et ont commencé à interroger sa famille et ses associés. La majorité de ces informations proviennent apparemment de cheikh Ahmed Abdel-Al, des Ahbaches, un groupe islamique actif dans le secteur des camps palestiniens où M. Abou Adass aurait vécu. Cheikh Abdel-Al a déclaré devant la commission internationale d’enquête qu’il avait reçu un appel téléphonique du palais présidentiel, quelque temps après la diffusion de la vidéocassette d’Abou Adass, lui demandant s’il avait des informations sur M. Abou Adass. Selon M. Abdel-Al, ce dernier avait obtenu des informations sur la vie de Abou Adass, dont son adresse, le fait qu’il se rendait souvent à Aïn el-Héloué, qu’il était instruit, ayant probablement suivi des cours de sciences informatiques, qu’il était un wahhabite et qu’il avait visité Abou Obeyda (chef adjoint de Jound el-Cham). Cheikh Abdel-Al a également obtenu les noms des membres de la famille et des amis de M. Abou Adass. Il a envoyé ces informations par fax au président Lahoud, à Ali Hajj, à Albert Karam, à Jameh Jameh et Maher al-Toufayli. Cheikh Abdel-Al aurait, en outre, tenu une réunion avec un officier des services de renseignements syriens, Jameh Jameh, le 14 février 2005 au soir, et lui aurait remis des informations relatives à M. Abou Adass et que Jameh Jameh devait, par la suite, relayer aux Forces de sécurité intérieure. 81 – Les FSI ont perquisitionné la maison de Abou Adass, accompagnées d’un membre des Ahbaches. Ils ont saisi de chez lui un ordinateur, ainsi qu’un certain nombre de disques compacts qui étaient tous à caractère islamique fondamentaliste. Bien que le rapport de perquisition précisait que les documents trouvés étaient pour la plupart téléchargés d’Internet, il n’y avait aucune indication sur un accès à Internet dans la maison de Abou Adass. Plusieurs membres de la famille et amis de Abou Adass ont été interrogés par les autorités (dont les Forces de sécurité intérieure et les services de renseignements de l’armée) au cours des jours qui ont suivi l’attentat. M. Abou Adass n’a pas pu cependant être localisé. Le jour de l’attentat, 10 personnes ont été interrogées et une quarantaine d’autres au cours des deux mois qui ont suivi. L’enquête libanaise a révélé que M. Abou Adass a été employé, au cours de l’été 2004, dans un magasin d’ordinateurs qui appartenait en partie à cheikh Ahmed al-Sani, un membre du réseau d’Ahmed Mikati et d’Ismaël al-Khatib. 82 – Dans un rapport datant du 17 février 2005 et soumis par le général Sayyed au juge Mezher, le général Sayyed affirme que la vidéocassette est authentique et que « Ahmed Abou Adass, qui apparaît dans la cassette était… clairement impliqué dans l’attentat ». Le seul élément fourni pour étayer cette conclusion est que « la façon avec laquelle il avait fait sa déclaration et s’était montré sans se cacher le visage est adoptée par les kamikazes dans des cas similaires. Le fait qu’il n’ait pas dissimulé son visage en faisant sa déclaration prouve qu’il devait être personnellement responsable de l’attentat » (information relative à des faits en rapport avec la diffusion par al-Jazira, de la vidéocassette sur laquelle l’attentat avait été revendiqué, n° 606/A’A, 17 février 2005). L’enquête australienne 83 – Le 15 février 2005, une demande a été transmise à la police fédérale australienne de la part du procureur général exigeant l’arrestation de six individus en tant que suspects dans l’assassinat de Hariri. Le responsable des Forces de sécurité intérieure à l’aéroport international de Beyrouth a informé le directeur des Forces de sécurité intérieure, le général al-Hajj, du cas de ces six individus. Le général al-Hajj a directement transmis l’information au procureur général, la juge Rabiha Kaddoura, qui a contacté les autorités australiennes. L’investigation australienne a écarté toute implication de ces six suspects dans ce crime, une position que les autorités libanaises en charge de l’investigation ont approuvée. 84 – Les dossiers indiquent que les autorités libanaises ont basé leurs soupçons sur les facteurs suivants : a) Les six personnes en question sont parties de l’aéroport international de Beyrouth une heure et demie après l’explosion de la bombe ; b) les six personnes n’avaient pas de bagages ; et c) l’une des six personnes présentait une ressemblance avec M. Abou Adass, qui avait été filmé dans une vidéo d’un groupe extrémiste ayant revendiqué l’attentat. 85 – Les autorités australiennes ont mené une investigation extensive pour assister les autorités libanaises. Dans le cadre de l’enquête, des alertes ont été données à l’aéroport, les six individus et d’autres membres du groupe ont été interrogés, des relevés de résidus d’explosifs ont été effectués (explosive residual swabbing), incluant les individus, leurs sièges de passagers et leurs bagages, et l’avion a été examiné à la recherche d’explosifs possibles. Bien qu’il ait été reporté que les six personnes identifiées comme « suspectes » n’avaient pas de bagages, en fait elles avaient des bagages. 86 – Les résultats de l’investigation australienne ont révélé : (1) le groupe voyageait à Djeddah dans le cadre d’un pèlerinage religieux ; (2) aucune trace d’explosifs, organiques ou non organiques, ou de résidus post-explosifs n’a été détecté dans aucun des échantillons prélevés ; et (3) aucune personne interrogée par les autorités australiennes n’était impliquée ou au courant de la moindre implication dans l’assassinat de Hariri. V- L’enquête de la commission Aperçu général 87 – La commission d’enquête internationale (UNIIIC) des Nations unies a été déclarée opérationnelle par le secrétaire général le 16 juin 2005. Entre le 16 juin et le 6 octobre, 244 déclarations de témoins, 293 notes d’investigateurs et 22 déclarations de suspects ont été publiées. Un certain nombre de recherches ont été menées et 453 éléments de la scène du crime ont été saisis. Un total de 16 711 pages de documents a été produit. Trente investigateurs venus de 17 pays différents ont été impliqués dans les mesures d’investigation de la commission d’enquête internationale des Nations unies, ainsi que des experts externes. 88 – Au départ, il faut souligner que le facteur temps a affecté le travail de la commission. La commission d’enquête internationale a été déclarée opérationnelle quatre mois après le crime, ce qui signifie que les auteurs du crime et leurs complices avaient eu largement de temps de détruire les preuves et/ou de se concerter. La possibilité de rappeler les témoins potentiels avait été réduite, et les précédentes omissions et inadvertances ou la perte délibérée et la destruction de preuves ne pouvaient pas être rattrapées. 89 – Le premier mois après que le secrétaire général eut déclaré la commission opérationnelle a consisté à mettre à jour les investigateurs sur le statut courant de l’enquête, et évaluer les mesures prises par les autorités libanaises. Beaucoup de temps a été consacré à l’analyse des éléments transmis à la commission par le procureur général, suivi d’interrogatoires pour clarifier les propos de témoins-clés, basés sur des éléments écrits concernant les sujets suivants : – La reconstitution des actions et déplacements de M. Hariri avant l’explosion. – Les résultats des actions menées par les autorités libanaises sur la scène du crime et les régions voisines. – La manipulation des preuves. – Les travaux de la route sur la scène avant l’explosion. – La piste Abou Adass. – La camionnette Mitsubishi Canter. – La collecte et l’analyse de listes téléphoniques. – La collecte et l’analyse de matériel CCTV, vidéo et photos collectés par divers propriétaires dépeignant la scène avant et après l’explosion. – Les transactions financières. 90 – Ces mesures tour à tour ont mené à de nouveaux témoins. Une « hot line » a été mise à la disposition de quiconque souhaite contacter la commission à propos de l’affaire : cette initiative a entraîné de nouveaux témoignages et de nouveaux indices qui ont eu besoin d’être suivis. 91 – La compilation et l’organisation des documents et des preuves ont pris du temps, notamment la maintenance et l’amélioration du système de stockage et d’enregistrement des données, des milliers de pages de documents et témoignages ainsi que de nombreuses vidéos et photos. Les questions judiciaires ont nécessité des recherches sur la loi criminelle libanaise et les procédures afin d’appliquer le protocole approprié pour les recherches, les arrestations, l’interrogatoire des suspects et les documents à charge. L’aide des autorités libanaises dans ce domaine a été précieuse. 92 – Le deuxième mois a été caractérisé par un changement de direction et de priorité dans les investigations, dans le sens où les enquêteurs ont suivi de nouvelles pistes et de nouveaux témoins en se basant sur les conclusions des mesures précédentes et de leur analyse professionnelle. Plusieurs sources différentes ont approché la commission et fourni des informations utiles. Une grande majorité de responsables haut placés au niveau des autorités libanaises a été interrogée pour clarifier l’attribution des compétences, le commandement, l’étendue de leurs implications, ainsi que les décisions prises (ou celles qui ont été négligées). Pendant cette période, la base de support de la commission a été renforcée et de nouveaux logiciels informatiques ont été installés, ce qui a rendu la base de données plus opérationnelle. 93 – Pendant le troisième mois, un examen à grande échelle de la scène a été mené par une équipe d’experts germano-anglo-japonaise sur le site et dans les régions voisines, incluant les fonds marins adjacents à la scène de l’explosion. Le but de cette opération était de trouver des preuves matérielles sur la scène du crime, de reconstruire le dispositif explosif improvisé (improvised explosive device IED) utilisé et d’identifier la camionnette Mitsubishi Canter. L’opération a été menée in situ en septembre. Planification de l’assassinat 94 – Dans le cadre des mesures et des efforts entrepris par la commission internationale d’enquête, aucune nouvelle trace concernant les motifs ou les raisons de l’assassinat de M. Hariri n’a émergé pour compléter celles qui peuvent être attribuées aux événements qui ont eu lieu au cours de la seconde moitié de 2004 et qui ont culminé avec la décision de M. Hariri de démissionner de son poste de Premier ministre et le pronostic des résultats des élections au Liban. De très forts indices concernant cette dernière question est la campagne électorale massive du Courant du futur ; la réaction des autorités libanaises concernant l’affaire de l’huile d’olive, en février 2005, lorsque les distributeurs ont été arrêtés (par les autorités libanaises alors qu’ils distribuaient gratuitement des olives selon les ordres de M. Hariri) (notes de l’enquêteur) : enfin les résultats des élections. De nouveaux témoins ont approché la commission, hésitant de prendre contact avec les autorités libanaises en raison de leur méfiance, et ont déclaré que l’assassinat de l’ancien Premier ministre ne pouvait pas avoir eu lieu à l’insu des autorités libanaises et sans l’approbation de la Syrie. 95 – La structure et l’organisation des services de renseignements libano-syriens au Liban au moment de l’attentat montrent un impact pesant sur la vie quotidienne du Liban. Des exemples probants demeurent les documents recueillis de l’ancien poste des services de renseignements syriens, villa Jabre, au Bois de Boulogne, et une conversation téléphonique interceptée entre le général Ghazalé et une éminente personnalité libanaise le 19 juillet 2004, à 09h45 (extraits) : « Ghazalé : Je sais qu’il est encore tôt, mais j’ai pensé que nous devons vous tenir au courant. Le président de la République m’a dit ce matin qu’il y a deux personnes qui régissent le pays, le Premier ministre et lui-même. Il a dit que les choses ne peuvent pas continuer de cette façon. Le Premier ministre ne cesse de l’irriter et nous sommes en train de le faire taire et nous lui hurlons dessus. Il a été clair que les choses ne peuvent pas continuer ainsi. (…) X : Ménagez-moi. Vous pouvez désigner un nouveau gouvernement maintenant ? Ghazalé : Oui, nous pouvons en désigner un. Quel est le problème ? Nous pouvons nommer Boutros Harb. (…) Ghazalé : Laisse-moi te dire un truc. Que des manifestations soient organisées le 20 à Solidere et à Koraytem. X : Reprenons. Doucement. Je dois prendre en considération les intérêts de la Syrie et du Liban. Ghazalé : Nous sommes soucieux des intérêts de la Syrie, mais je parle maintenant de Rafic Hariri. X : Alors, la décision est prise. Ghazalé : J’aimerais te dire une chose. À chaque fois que nous avons besoin de parler à Hariri, nous devons lui faire la lèche et il ne répond pas toujours. X : Qu’il aille au diable. Pourquoi dois-je me soucier de lui ? Ghazalé : Pourquoi dois-je me soucier de lui ? Le président ne peut pas le supporter, alors pourquoi devrais-je le faire ? X : Bon, qu’il brûle en enfer… (…) Ghazalé : Non. Qu’il soit la risée de tous et qu’on le désigne comme étant la personne qui a ruiné et endetté le pays. Que les gens manifestent à Koraytem et à Solidere ; que les manifestations continuent jusqu’à ce qu’il soit obligé à démissionner comme un chien. X : Que penses-tu d’une alternative. Je lui envoie un message lui disant : Démissionne, bon Dieu. Ghazalé : Non, ne lui envoie pas un message ni rien d’autre, il dira qu’on l’a obligé à démissionner. Que les manifestations… tu comprends ce que je veux dire. Sinon, il jouera cette carte avec ses maîtres américains et français. X : Alors, est-ce qu’il faut s’en remettre à la rue ? Ghazalé : C’est mieux. X : Fonçons alors. » 96 – Un témoin d’origine syrienne mais résidant au Liban, indique qu’environ deux semaines après l’adoption de la résolution 1559 par le Conseil de sécurité, de hauts responsables officiels libanais et syriens ont décidé d’assassiner Rafic Hariri. Il a prétendu qu’un haut responsable libanais de sécurité s’est rendu à plusieurs reprises en Syrie pour planifier le crime, se réunissant une fois à l’hôtel Méridien à Damas et plusieurs fois au palais présidentiel et au bureau d’un haut responsable syrien de sécurité. La dernière réunion s’est tenue à la maison du même haut responsable syrien de la sécurité environ sept à dix jours avant l’assassinat et comprenait un autre haut responsable libanais de sécurité. Le témoin entretenait des relations étroites avec des officiers syriens supérieurs en poste au Liban. 97 – Au début de janvier 2005, l’un des officiers supérieurs a dit au témoin que Rafic Hariri constituait un grand problème à la Syrie. Près d’un mois plus tard, l’officier a dit au témoin qu’un « tremblement de terre » se produira bientôt et qu’il aura pour effet de réécrire l’histoire du Liban. 98 – Le témoin a visité plusieurs bases militaires syriennes au Liban. Dans l’une de ces bases, à Hammana, il a remarqué une camionnette Mitsubishi de couleur blanche, avec une bâche blanche couvrant le plateau. Les observations ont été faites les 11, 12 et 13 février 2005. La Mitsubishi a quitté la base militaire de Hammana le 14 février 2005 au matin. La camionnette Mitsubishi Canter, qui avait été utilisée comme porte-bombes, est entrée au Liban en provenance de Syrie, par la frontière de la Békaa et une voie militaire le 21 janvier 2005, à 13h20. Elle était conduite par un colonel syrien de la dixième division de l’armée. 99 – Le 13 février 2005, le témoin a conduit les officiers syriens dans la région du Saint-Georges à Beyrouth dans une opération de reconnaissance, comme il l’a plus tard compris, après que l’attentat a eu lieu. 100 – En ce qui concerne M. Abou Adass, le témoin a déclaré qu’il n’a joué aucun rôle dans le crime, sauf qu’il a été un appât. Il a été détenu en Syrie et forcé sous la menace d’un pistolet d’enregistrer la vidéocassette. Plus tard, il a été tué en Syrie. La vidéocassette a été envoyée au Liban le 14 février 2005 au matin, et remise à Jamil al-Sayyed. Un civil au passé criminel et un officier de la Sûreté générale ont été chargés de mettre la cassette quelque part à Hamra et d’appeler ensuite Ghassan ben Jeddo, un reporter de la chaîne télévisée al-Jazira. 101 – Le général Jamil al-Sayyed, selon le témoin, a coopéré étroitement avec le général Moustapha Hamdane et le général Raymond Azar dans la préparation de l’assassinat de M. Hariri. Il a également coordonné avec le général Ghazalé (et, entre autres, des personnes proches de M. Ahmed Jibril au Liban). Le général Hamdane et le général Azar ont assuré le soutien logistique, l’argent, les téléphones, les voitures, les talkies-walkies, les armes, les cartes d’identité, etc. Ceux qui étaient au courant du crime à l’avance étaient, entre autres, Nasser Kandil et le général Ali Hajj. 102 – Quinze minutes avant l’assassinat, le témoin était dans les environs de la région du Saint-Georges. Il a reçu un appel téléphonique de l’un des hauts officiers syriens, qui lui avait demandé où il se trouvait. Quand il a répondu, il lui a conseillé de quitter la région immédiatement. 103 – Un autre témoin a approché la commission et déclaré qu’il a rencontré le général Hamdane à la mi-octobre 2004. Le général Hamdane a parlé négativement de M. Hariri, l’accusant d’être pro-israélien. Le général Hamdane a mis fin à la conversation, en déclarant : « Nous allons l’envoyer dans une promenade, bye bye Hariri. » Après l’assassinat, on lui a enjoint vivement de n’évoquer cette conversation avec personne. 104 – Un autre « témoin » qui est devenu par la suite un suspect, Zouheir ibn Mohammed Saïd Saddik, a donné des informations détaillées à la commission concernant le crime, plus particulièrement en ce qui concerne la phase de planification. Les paragraphes de 105 à 110 présentent les principaux points de la déposition de M. Saddik. 105 – L’un des principaux faits relevés de la déposition de M. Saddik était un rapport écrit, selon ses propos, par Nasser Kandil. Selon ce rapport, MM. Hariri et Marwan Hamadé se sont réunis en Sardaigne. À la fin du rapport, Kandil déclare qu’une décision doit être prise pour éliminer M. Hariri. Nasser Kandil a été chargé de planifier et de mettre à exécution une campagne visant à ruiner la réputation de M. Hariri sur les plans religieux et médiatique. Le parti Baas au Liban a décidé qu’il devait se débarrasser de M. Hariri par n’importe quel moyen et de l’isoler, puisque la tentative du président Lahoud visant à l’éloigner de la scène politique a échoué. 106 – M. Saddik a déclaré que la décision d’assassiner M. Hariri a été prise en Syrie, suivie par des rencontres clandestines à Beyrouth entre de hauts officiers libanais et syriens, qui ont été chargés de planifier et de paver la voie pour l’exécution de l’attaque. Ces réunions ont commencé en juillet 2004 et duré jusqu’en décembre 2004. Les sept hauts responsables syriens et les quatre hauts responsables libanais sont accusés d’être impliqués dans le complot. 107 – Les réunions de planification ont commencé dans l’appartement de M. Saddik à Khaldé et déplacées par la suite dans un appartement à Dahié, une banlieue de Beyrouth. Certains de ces individus ont visité la région entourant le Saint-Georges sous différents déguisements et à des heures différentes pour des buts de planification et de préparation de l’assassinat. 108 – M. Saddik a de même donné des informations concernant la Mitsubishi, notant que le chauffeur éventuellement engagé était un Irakien induit en erreur. On lui a fait croire que la cible était le Premier ministre irakien Iyad Allaoui (qui était à Beyrouth avant l’assassinat). 109 – M. Saddik a été informé que du TNT et d’autres explosifs spéciaux ont été utilisés afin de diriger les soupçons vers les groupes islamistes libanais, puisque ces genres d’explosifs ont été utilisés uniquement dans les opérations en Irak. 110 – Un voyage entrepris par M. Saddik en compagnie de Adbel-Karim Abbas a mené à un camp à Zabadane. Saddik a prétendu avoir vu la camionnette Mitsubishi Canter dans ce camp : des mécaniciens travaillaient dessus et vidaient les côtés. Les côtés du plateau de la voiture ainsi que les portières de la Mitsubishi ont été agrandis et remplis avec des explosifs, qui ont également été posés sous le siège du chauffeur. Au camp, il a vu un jeune homme qu’il a pu identifier comme étant M. Abou Adass, après avoir vu la vidéocassette à la télévision le 14 février 2005. 111 – Le 30 août 2005, la commission a envoyé une lettre officielle à la Syrie avec des questions relatives au camp de Zabadane. La réponse a été remise personnellement au commissaire à New York, confirmant l’existence du camp, mais niant qu’il soit utilisé pour d’autres buts que ceux visant l’organisation d’activités éducatives destinées aux enfants. Toutefois, selon d’autres informations données à la commission, de forts indices montrent qu’il y a eu des activités au sein du camp durant la période allant du 5 au 9 septembre 2005, visant à changer les caractéristiques et les opérations au sein des lieux. Des images satellitaires montrent aussi de hauts murs et des tours d’observation dans la région. 112 – Le 26 septembre 2005, des enquêteurs de la commission internationale d’enquête avaient une réunion avec M. Saddik. Le 27 septembre, M. Saddik a avoué dans un document écrit à la main qu’il a participé à la phase de planification immédiate avant l’assassinat (janvier et février 2005) et qu’il a joué le chauffeur pour plusieurs des suspects ci-haut mentionnés tout au long de la journée du 14 février. 113 – Par conséquent, le 13 octobre 2005, à la demande de la commission, le procurer général libanais a émis un mandat d’arrêt contre M. Saddik, qui a abouti à son arrestation le 16 octobre. 114 – Au stade actuel de l’enquête, un certain nombre d’informations données par M. Saddik ne peuvent être confirmées par d’autres preuves. 115 – L’épouse de M. Saddik a affirmé que, durant la période allant de juillet à décembre 2004, son mari a rencontré un grand groupe de personnes à différentes occasions dans leur maison située à Khaldé, comme dans d’autres endroits. Il ne voulait pas qu’elle soit présente à ces réunions, puisque ces personnes ne voulaient pas être identifiées. Elle a également affirmé que Dhafer al-Youssef a effectué plusieurs visites à leur domicile en compagnie de trois autres hommes qu’elle ne connaissait pas. 116 – Le fait que M. Saddik se dise impliqué dans l’assassinat, ce qui a abouti plus tard à son arrestation, renforce sa crédibilité. 117 – D’autres témoins ont informé la commission qu’un jour avant l’assassinat de M. Hariri, le défunt responsable de la protection de M. Hariri (M. Yehia al-Arab, alias Abou Tareq), a tenu une réunion avec le général Ghazalé. Il semble que M. al-Arab ait été très secoué par cette réunion. Au lieu de faire un rapport immédiat à M. Hariri comme à son habitude, il est rentré chez lui, a éteint son téléphone et est resté à la maison durant plusieurs heures. La version donnée par le général Ghazalé sur cette réunion n’est pas compatible avec l’information fournie par d’autres témoins à la commission. D’autres éléments devant être pris en compte 118 – D’autres circonstances devant être retenues sur la phase de planification du crime sont les mesures de surveillance exercées sur M. Hariri par les Forces de sécurité intérieure, et les écoutes sur les téléphones de M. Hariri effectuées par les services de renseignements de l’armée (voir la section Surveillance et écoutes téléphoniques sur M. Hariri). 119 – L’une des premières mesures prises par le général al-Hajj après sa nomination à la tête des Forces de sécurité intérieure a été de réduire de 40 à huit le nombre du personnel de sécurité officiel autour de M. Hariri en novembre 2004. La raison invoquée était une lettre du président et du Premier ministre libanais précisant que la loi libanaise devait être appliquée à tous les niveaux et en toutes circonstances. Selon un décret (n° 3509, datant de 1993), le nombre de personnel de sécurité pour une personne de la catégorie de Hariri devait être de huit. La commission n’a pu établir si le décret avait été appliqué sur d’autres personnalités. 120 – Des activités s’étant déroulées dans la rue Minet el-Hosn à Beyrouth peu avant l’explosion n’ont pas fait l’objet d’enquêtes approfondies, et pourraient fournir certains détails sur la planification, menant par le fait même aux coupables. 121 – L’enquête montre que huit numéros de téléphone et dix téléphones portables ont été utilisés pour exercer la surveillance sur M. Hariri et commettre l’assassinat. Les lignes ont été mises en circulation le 4 janvier 2005 au Liban-Nord, entre Terbol et Menié. Elles ont été utilisées quotidiennement pour surveiller les habitudes de M. Hariri, en grande partie dans la région de Beyrouth. 122 – Le 14 février 2005, six de ces lignes téléphoniques ont été utilisées dans le périmètre allant de la place du Parlement à l’hôtel Saint-Georges, et sur les axes de Zoqaq el-Blat et Bachoura. Les appels ont été effectués à 11h. Ils ont couvert toutes les routes menant du Parlement au palais de Koraytem. La ligne téléphonique localisée au Parlement a effectué quatre appels aux autres numéros à 12h53, heure à laquelle le convoi de Hariri a quitté la place de l’Étoile. Ces lignes n’ont plus été employées depuis l’explosion à 12h56. Elles ont seulement servi pour des appels entre elles pour toute la période allant de début janvier au 14 février 2005. 123 – En tenant compte de toutes ces circonstances, y inclus la conversation datant du 26 août 2004 précédemment rapportée, il est peu probable qu’une tierce partie ait pu exercer des mesures de surveillance et d’écoutes téléphoniques contre M. Hariri pour plus d’un mois avant l’explosion, tout en ayant pu continuer à avoir les ressources, la logistique et la capacité nécessaires pour prendre l’initiative de planifier et commettre un crime de cette ampleur, à l’insu des autorités libanaises compétentes. Cela inclut le fait de se procurer, de manipuler et d’entretenir une grande quantité d’explosifs très puissants et une camionnette Mitsubishi volée, ainsi que de recruter des ressources humaines et d’établir une station de base pour les préparations nécessaires. Conclusion : Il existe de bonnes raisons de croire que la décision d’assassiner l’ancien Premier ministre Rafic Hariri n’aurait pas pu être prise sans l’assentiment de responsables sécuritaires syriens haut placés, et n’aurait pas pu être menée plus avant sans la complicité de leurs homologues dans les services de sécurité libanais. Écoutes téléphoniques sur Hariri 124 – Selon un témoin, des ordres ont été donnés au personnel des FSI de garder M. Hariri sous surveillance à la fin de janvier et au début de février 2005. Aucune documentation à ce sujet n’a été trouvée durant l’enquête de la commission d’enquête internationale indépendante des Nations unies. 125 – Le colonel Ghassan Toufeili était responsable du département technique du service de renseignements de l’armée libanaise. Ce département comprend le service de télécommunications et d’écoutes téléphoniques. Il surveillait des personnalités politiques, militaires et des personnes suspectes. Son supérieur était le chef du service de renseignements de l’armée, le général Raymond Azar. Le colonel Toufeili recevait les ordres de son supérieur oralement et non par écrit. Plusieurs personnalités importantes tels des anciens présidents, Premiers ministres et députés étaient mises en permanence sous écoute. Même si M. Hariri n’était plus Premier ministre au début de 2005, il demeurait une figure politique et économique très importante au Liban et au Moyen-Orient. D’où le fait qu’il était constamment mis sous écoute. Le département technique surveillait et enregistrait les conversations. Une équipe de la Sûreté générale libanaise aidait l’unité militaire de Toufeili. Les protocoles étaient transmis quotidiennement au général Raymond Azar et au commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane. Le chef de la Sûreté générale, Jamil al-Sayyed, était également notifié des résultats. Selon les déclarations du colonel Toufeili, le général Raymond Azar envoyait les protocoles au président libanais et au général Ghazalé, le chef des services de renseignements syriens au Liban. 126 – Le colonel Toufeili a mentionné que la garde républicaine possédait également son propre service d’écoutes téléphoniques. Conclusion : À travers les écoutes continuelles sur les lignes téléphoniques de M. Hariri, les services de renseignements et de sécurité syriens et libanais étaient informés en permanence de ses mouvements et de ses contacts. Travaux de routes 127 – La commission a également investigué s’il y avait eu des travaux d’excavation sur la route devant l’hôtel Saint-Georges avant l’assassinat. Il avait été suggéré que d’inhabituels travaux de routes – comprenant l’installation de câbles et de bouches d’égout – avaient eu lieu sur la route devant l’hôtel Saint-Georges peu avant l’assassinat, ce qui induit que des individus impliqués dans l’assassinat auraient pu avoir l’opportunité d’installer une bombe ou un dispositif de bombe à télécommande sous la route, causant ainsi l’explosion. 128 – Les archives de la municipalité ont montré que les derniers permis de travaux dans le secteur proche de la scène du crime octroyés avant la déflagration avaient été délivrés en janvier 2005. Par exemple, du 3 au 8 janvier 2005, l’Office des eaux de Beyrouth s’était vu accorder des permis de creuser pour une conduite d’eau et de procéder à des excavations sur les routes principales autour de l’hôtel Saint-Georges. Ogero, la compagnie de télécommunications, s’était vu accorder un permis pour installer un câble de télécommunications entre le 13 et le 20 jjanvier 2005. Cependant, certains témoins ont déclaré qu’il a pu y avoir en fait des travaux de routes dans le secteur devant le Saint-Georges à une date plus rapprochée du jour de l’explosion, y compris la nuit d’avant. Par exemple, un chauffeur de taxi a rapporté qu’il avait déposé deux passagers à l’hôtel Phoenicia le 12 février 2005 à 06h15 du matin environ. Comme il tournait à gauche vers Minet el-Hosn, il a réalisé que la route était coupée juste devant l’hôtel Saint-Georges, en face de la banque HSBC, et que quelques travaux de routes étaient en train, comprenant deux regards devant le Saint-Georges, et que des ouvriers et des militaires étaient présents sur les lieux. Un autre témoin, un travailleur de marina, a noté que pendant que l’installation des câbles de téléphone avait commencé à la marina, ils n’étaient pas en service car ils n’avaient pas été connectés à un câble extérieur et qu’il n’y avait pas de câbles connectés pour la télévision ou les computers. Un autre individu a rapporté que dimanche après-midi, le jour avant l’assassinat, comme lui et sa femme s’approchaient du site de l’explosion, ils avaient vu trois jeunes gens travaillant au milieu de la route et glisser dans un trou dans le terrain près de l’hôtel Saint-Georges, ce qui semblait être un grabat, observant également que deux câbles noirs d’un inch de diamètre environ couraient du trou à l’hôtel Saint-Georges. Par contraste, d’autres témoins étaient sûrs qu’il n’y a pas eu de travaux de routes dans le voisinage les jours précédant l’explosion. Conclusion : La question de savoir s’il y a eu des excavations devant l’hôtel Saint-Georges demeure ouverte, la commission n’ayant pu la résoudre ni aller au-delà de certaines réminiscences de témoins qui n’ont pas été substantielles de manière indépendante. Les archives de la municipalité semblent apparaître comme rendant clair, cependant, que des excavations proches du lieu du crime n’étaient pas conduites par les détenteurs de permis délivrés par l’hôtel de ville. L’exécution de la déflagration 129 – Une branche de la banque HSBC est située près de la scène de l’explosion. Elle disposait de son propre système de sécurité CCTV, contrôle télévisé, qui a enregistré les mouvements du cortège Hariri immédiatement avant l’explosion, mais n’a pas enregistré la scène de la déflagration elle-même. En scrutant, la séquence enregistrée a montré un van blanc Mitsubishi Canter pénétrant dans le secteur de l’explosion peu avant le convoi de M. Hariri. 130 – L’enregistrement a montré clairement que cette Mitsubishi Canter évoluait à peu près six fois moins vite que tous les autres véhicules traversant le même tronçon. Une analyse chrono indique que pour environ 50 mètres de route couverte par la caméra, une voiture normale met 3-4 secondes, tandis qu’un poids lourd met 5-6 secondes pour couvrir la distance. La Mitsubishi Canter a mis à peu près 22 secondes pour traverser la distance et elle est entrée dans le secteur une minute et 49 secondes avant le convoi Hariri. 131 – Des échantillons recueillis sur la scène du crime pour des examens légistes ultérieurs ont réussi à identifier le van Mitsubishi Canter. À travers une partie du bloc moteur, trouvée et recueillie sur la scène du crime, l’on a pu conclure que le moteur vient d’un véhicule Mitsubishi volé le 12 octobre 2004 à Sagamathira City, Japon. 132 – La commission a interviewé tous les survivants qui se trouvaient dans le cortège Hariri, les témoins oculaires présents sur les lieux et dans les secteurs adjacents aussi bien que les propriétaires de magasins, les employés, les vendeurs, les résidents, etc. dans le voisinage de la scène du crime. 133 – Aucune des personnes interrogées n’a fait des observations sortant de l’ordinaire le 14 février 2005, dans la rue Minet el-Hosn ou dans les secteurs adjacents, concernant des activités différentes de la situation normale dans ces lieux. 134 – L’une des interrogations principales pour la commission était de déterminer comment l’on avait su que M. Hariri emprunterait la route côtière pour retourner de sa réunion parlementaire au palais de Koraytem. 135 – Il était notoire que M. Hariri allait assister à la séance de préélection au Parlement ce matin particulier. Il était également connu qu’il regagnerait le palais de Koraytem après la réunion, car il avait invité à déjeuner, au palais, plus de vingt personnes. 136 – De la place de l’Étoile à Koraytem, il y avait trois options de trajets. La décision de prendre la voie côtière a été prise juste avant le départ par un cadre supérieur de l’équipe de sécurité privée de M. Hariri et communiquée à la voiture de tête, mais il avait été envisagé le matin que si le convoi pouvait regagner Koraytem avant 14h00, ils choisiraient la voie côtière. Sinon, un autre parcours aurait été suivi. Le cortège a quitté la place de l’Étoile et a suivi la rue Ahdab et l’avenue Foch. À la jonction de l’avenue Foch et de la rue du Port, le convoi a été retardé pendant plusieurs minutes à la suite d’un encombrement de trafic. À la susdite jonction, le convoi a tourné à gauche et a pris la voie côtière vers Aïn Mreyssé et l’hôtel Saint-Georges. 137 – Le cortège se composait de six voitures. La première, une Toyota Land Cruiser, avait à son bord quatre officiers des Forces de sécurité intérieure, la seconde était une Mercedes S avec trois personnes de l’équipe de sécurité privée de M. Hariri. La troisième voiture était une Mercedes blindée conduite par M. Hariri, avec M. Fleyhane comme passager. La quatrième et la cinquième voiture étaient des Mercedes 500 S, chacune ayant trois éléments de la garde de sécurité privée de M. Hariri, et elles roulaient sur les flancs de la troisième voiture. La dernière voiture du convoi était une Chevrolet, complètement équipée en ambulance et transportant trois membres de l’équipe Hariri, dont deux étaient des paramédicaux. La deuxième, la quatrième et la cinquième voiture étaient équipées de systèmes de brouillage qui étaient ouverts et fonctionnaient. 138 – Quand le convoi a passé l’hôtel Saint-Georges rue Minet el-Hosn, une énorme explosion s’est produite, tuant M. Hariri et 21 autres personnes. De plus, plus de 220 personnes ont été blessées et les immeubles ou véhicules du voisinage ont subi de lourds dégâts. M. Hariri a été transporté à l’hôpital de l’Université américaine, où sa dépouille mortelle a été identifiée, la cause de la mort étant une immédiate lésion du cerveau consécutive à un arrêt cardiaque. 139 – Une Opel qui avait suivi le cortège de la place de l’Étoile à la jonction de l’avenue Foch et de la rue du Port n’a pas été identifiée. L’on devrait noter que parce que le cortège avait été retardé à un croisement, il avait pour un court moment emprunté un sens interdit dans une rue à sens unique allant de la place de l’Étoile à l’avenue Foch, suivi par l’Opel. La commission n’a pas réussi à savoir pour quelle raison le cortège avait été retardé au croisement. 140 – Le rapport Fitzgerald avait indiqué que dans les trois mois précédant l’explosion, M. Hariri avait emprunté la voie côtière à six reprises, mais il faut se souvenir que durant la même période il était apparu en public, dans la région de Beyrouth, moins d’une dizaine de fois. 141 – La commission n’a pas trouvé d’indications qu’il y ait eu des fuites, ou des complicités, parmi les proches membres de l’équipe de M. Hariri. Cependant, la commission a déterminé que M. Hariri était sous surveillance au moins un mois avant l’explosion, par des gens planifiant le crime (voir l’analyse téléphonique dans la section plus haut). 142 – La faiblesse des mesures initiales prises par les autorités libanaises et le traficotage des indices durant le premier examen de la scène du crime ont entravé l’identification du type d’explosifs utilisés dans la déflagration. Les premiers échantillons de résidus ont été testés dans un « itemizer », un indicateur de genre d’explosifs qui ne donne pas d’autres indications. Dans ce cas, il indiquait le TNT, mais il n’y a pas eu d’examen légiste en laboratoire des échantillons. Ce fait a entravé l’investigation car il a été impossible de retracer l’origine des explosifs, ce qui aurait pu conduire aux auteurs du crime. 143 – De plus, il n’y a pas eu dans le secteur de saisie, à part ceux de la banque HSBC, d’autres prises par CCTV, système de contrôle télé vidéo. Cette négligence aurait conduit à la perte d’indices importants. Conclusion : Il n’aurait pas été difficile pour des individus hors le premier cercle de Hariri de prévoir le trajet que son convoi devait suivre le 14 février 2005. Le van Mitsubishi Canter montré sur la vidéo du système de sécurité CCTV de la banque HSBC transportait les explosifs. La négligence des autorités libanaises à prendre les mesures d’enquête appropriées et un examen professionnel total de la scène du crime immédiatement après l’explosion ont rendu difficile la solution de questions-clés concernant l’exécution de l’attentat à la bombe, comme le type d’explosif utilisé, ou a pu produire la perte d’indices importants, comme d’utiles vidéos CCTV. L’utilisation de cartes de téléphone prépayées 144 – Les investigations des FSI et du renseignement militaire ont conduit à six cartes d’appel prépayées, avec des enregistrements téléphoniques montrant l’utilisation de ces instruments dans la planification de l’assassinat. Commençant à environ 11h00, le 14 février 2005, les complications de sites cellulaires montrent que des portables utilisant ces six cartes d’appel ont été localisés dans un secteur allant de la place de l’Étoile à l’hôtel Saint-Georges, dans un périmètre limité à quelques blocs, et ont communiqué plusieurs fois entre eux, et uniquement entre eux. Les téléphones étaient placés de manière à couvrir chaque route menant du Parlement au palais de Koraytem : les enregistrements cellulaires démontrent que ces appareils étaient placés pour couvrir tout parcours que M. Hariri aurait pu suivre ce jour-là. L’un des téléphones localisé près du Parlement a appelé quatre fois les autres lignes téléphoniques à 12h53, au moment où le convoi de M. Hariri quittait la place de l’Étoile. Les appels – et tout usage des cartes – ont pris fin à 12h53, le 14 février, quelques minutes avant l’explosion. Les lignes ont été toutes désactivées depuis lors. 145 – Des investigations supplémentaires ont révélé que ces six lignes – ainsi que deux autres – ont été mises en circulation le 4 janvier 2005, après qu’un numéro d’appel 1456 les eut activées. Elles ont été toutes enclenchées en un même lieu au Liban-Nord entre Terbol et Minié. Bien qu’elles aient été achetées début janvier 2005, jusqu’au moment de l’explosion, ces lignes n’ont communiqué qu’entre elles. Durant cette période jusqu’à l’assassinat, il semble qu’il y ait une corrélation entre leur localisation et les mouvements de Hariri, ce qui laisse penser qu’elles ont pu être utilisées pour suivre les mouvements de Hariri pendant cette période. 146 – La commission, en conjonction avec les autorités libanaises, a continué les investigations sur l’origine de ces lignes téléphoniques. Les six cartes prépayées, et quatre autres, provenaient de la Powegroupe Company, Beyrouth, un établissement possédé par un membre actif des Ahbache, étroitement lié à cheikh Ahmed Abdel-Al. Selon les livres de la compagnie, les lignes ont été délivrées au magasin de la branche de Tripoli. L’un des employés de ce magasin de Tripoli a rapporté que le 30 décembre 2004, il a reçu un appel téléphonique de Raed Fakhreddine, le propriétaire d’une autre échoppe de cellulaires à Tripoli, neveu de Tarek Ismat Fakhreddine, un notable homme d’affaires conseiller de l’ancien Premier ministre Omar Karamé. Selon les indications, Raed Fakhreddine avait urgemment besoin d’acheter 10 cartes prépayées ; l’employé du magasin de Tripoli a noté que la requête elle-même était inhabituelle, car Raed Fakhreddine n’achetait pas ordinairement des lignes du magasin de Tripoli et il n’avait pas non plus des échanges commerciaux avec cet établissement autres que les achats d’équipements de mobile. Cependant, les dix cartes d’appel portant ces lignes particulières ont été localisées et Raed Fakhreddine a envoyé un messager pour prendre ces cartes d’appel portant ces lignes du magasin de Tripoli. Le messager a indiqué à la commission qu’il a payé cash 700 dollars américains pour ces dix cartes au magasin de Tripoli et les a remises à Raed Fakhreddine.Cependant, les formalités légales requises pour acheter des lignes de cellulaire n’ont pas été remplies ce jour-là, mais quelque deux semaines plus tard après la vente, le 12 janvier 2005. L’identification de base requise pour l’achat fournie par Raed Fakhreddine est apparue falsifiée. Le 14 septembre 2005, les FSI ont arrêté Raed Fakhreddine, qui a été subséquemment interrogé en tant que suspect par la commission. Dans cet interrogatoire, il a admis avoir acheté les lignes mais a nié toute connaissance de l’utilisation de six d’entre elles en rapport avec l’assassinat de Hariri. 147 – Sur les dix téléphones mobiles utilisés en connexion avec ces dix cartes de cellulaire, cinq ont été retracés dans un magasin à Tripoli. Conclusion : L’investigation sur les cartes de téléphone prépayées est l’un des fils conducteurs les plus importants de l’enquête en termes de savoir qui était physiquement sur les lieux, exécutant l’assassinat. C’est une ligne d’investigation qui a besoin d’être suivie à fond. Les instruments de brouillage 148 – Le convoi de Hariri comprenait trois véhicules équipés d’instruments de brouillage ayant la capacité de fausser les signaux émis par les commandes à distance IED. 149 – La commission d’enquête internationale a reçu des informations d’une source, selon laquelle un proche de Hariri a manipulé les instruments de brouillage avant l’explosion, mais la commission n’a pas été capable de vérifier ces informations. De fait, tout porte à croire que ces instruments de brouillage étaient opérationnels et dans un bon état de fonctionnement au moment de l’attentat. Les personnes qui avaient la responsabilité de ces instruments ont affirmé qu’elles procédaient à des vérifications en détail de ces instruments chaque trois mois et que la dernière opération avait été effectuée au début de janvier 2005 sans qu’aucun problème ne soit détecté. De plus, le système a été vérifié par un membre de la garde de Hariri deux jours avant l’explosion et a été jugé en bonne condition. Des trois instruments de brouillage, l’un a été complètement détruit, un autre a été brûlé, mais a pu être réparé et est maintenu comme pièce à conviction. Quant au troisième, il était toujours opérationnel et, à la suite d’un test, a été trouvé en bon fonctionnement. De plus, le rapport établi par des experts néerlandais sur les deux appareils sauvés conclut sur le fait que l’appareil resté intact a été opérationnel. Enfin, les sociétés de télécommunications mtc touch et alfa ont affirmé que leurs réseaux ont été interrompus le 14 février entre 12h00 et 13h00 entre la place de l’Étoile et l’hôtel Saint-Georges. Les enquêteurs de la commission internationale ont procédé à une reconstitution, le 19 août 2005, en coopération avec mtc touch et alfa., en utilisant trois véhicules similaires à ceux du convoi de Hariri et en les équipant d’instruments de brouillage similaires. Les véhicules ont pris la même route que le convoi, de la place de l’Étoile à l’hôtel Saint-Georges. La reconstitution a abouti relativement aux mêmes conclusions concernant l’interruption provisoire des télécommunications qui s’est produite le 14 février, y compris en tenant compte d’autres facteurs qui auraient pu affecter les télécommunications dans le secteur. En conséquence, il peut être établi qu’au moins l’un des instruments de brouillage était opérationnel et fonctionnel au moment de l’explosion. 150 – Toutefois, même si au moins l’un des appareils était en fonction, l’enquête a révélé qu’il existe des moyens de passer outre ces instruments, de les éviter, d’y échapper ou même d’en utiliser. Les diverses possibilités incluent l’attaque-suicide, l’explosion sans fil utilisant des fréquences différentes de celles des instruments de brouillage, ou utilisant les mêmes fréquences, une explosion sans fil par le recours à un téléphone satellitaire de Thuraya, la seule compagnie de téléphone opérant sur le territoire libanais avec des liens satellisables, une explosion par câble TNT, ou bien une explosion par l’utilisation d’un autre type de câble comme, par exemple, une ligne de téléphone servant de câble de connexion. Bien qu’il apparaisse à la commission, sur la base de ses investigations conduites jusqu’ici, et plus spécifiquement des conclusions de l’enquête des experts néerlandais, qu’il est possible que l’explosion soit le fait d’une attaque-suicide, les autres possibilités réclament un surcroît d’investigation afin de savoir s’il était possible qu’un seul homme ait pu les mener ou bien s’il fallait le concours d’un kamikaze. Conclusion : Il apparaît que les instruments de brouillage dans le convoi de Hariri étaient opérationnels et fonctionnels le 14 février au moment de l’explosion. Un surcroît d’enquête pourrait fournir des informations sur la façon dont l’IED a été activé. Les interférences dans les télécommunications dans le centre de Beyrouth 151 – La commission d’enquête internationale a reçu des informations selon lesquelles des interférences ont été enregistrées le 14 février 2005 de 9h00 à 14h00 sur l’antenne de télécommunications couvrant le secteur de Riad el-Solh, comprenant le site du crime. La question a fait l’objet d’investigations avec le ministère des Télécommunications. Ces informations ont été confirmées par d’autres renseignements fournis par l’opérateur mtc touch. En conséquence, les usagers de téléphone mobile dans le secteur du crime n’étaient pas en mesure d’utiliser cette antenne et ont été déviés vers d’autres. Jusqu’ici, aucune preuve n’a été fournie établissant clairement l’existence d’une manipulation interne à mtc touch, mais une telle manipulation ne peut toujours pas être écartée. Il reste également possible qu’un individu de l’extérieur, une organisation criminelle, une compagnie ou une autorité ait pu générer ces interférences, par exemple avec des instruments de téléphonie mobile. Plus globalement, on ne peut écarter la possibilité d’un lien direct entre les interférences et l’attentat. Conclusion : Il apparaît qu’il y avait des interférences sur une antenne de télécommunications dans le secteur du crime et au moment du crime. Cela constitue une ligne d’enquête qui devra être approfondie. La scène du crime 152 – Jusqu’à la formation de la commission internationale d’enquête, les autorités n’avaient pas encore procédé à un examen approfondi de la scène du crime. Or un examen de ce type étant à la base de toute enquête criminelle, la commission a estimé nécessaire de réclamer l’assistance de l’ONU pour seconder les experts dans le but de déterminer, d’abord, et entre autres, si l’explosion s’était produite en surface ou sous terre. L’équipe médicolégale allemande 153 – Le 6 juillet 2005, l’équipe médico-légale allemande comprenant quatre experts soumit son rapport à la commission. Voici les conclusions des paragraphes les plus importants : « Les éléments et conclusions rassemblés par l’équipe d’experts suisses sont tout à fait crédibles. En raison de la distribution des pièces de la camionnette Mitsubishi retrouvées jusqu’à présent, on peut estimer que le véhicule a joué un rôle important dans le cours de l’action et a été probablement utilisé comme le véhicule porteur de la bombe. « Tout bien considéré, la possibilité la plus forte c’est qu’il s’agit d’une explosion en surface. Et dans ce cas, le poids de la matière explosive devait être d’environ 1 000 kilos. Un puissant explosif a été utilisé. Le résultat d’un échantillon-A du mur du cratère montre que du TNT a été utilisé. Mais ce résultat n’a pas été obtenu en présence d’un expert de la mission d’enquête de l’ONU (Fact finding mission) et doit donc être considéré comme préliminaire et non définitivement confirmé. Notre travail sur la scène du crime ne nous a pas permis de détecter quel type de détonateur a été utilisé. » L’équipe médicolégale hollandaise 154 – Entre le 12 août et le 25 septembre 2005, une équipe médicolégale hollandaise a effectué un examen de la principale scène du crime et de certaines surfaces périphériques d’intérêt. L’objectif était de retrouver des évidences matérielles du système de mise à feu de l’explosif. L’examen du site d’un crime presque six mois après les faits n’est pas chose commune. En outre, il est notoire que la scène du crime a été modifiée plus d’une fois. Cela réduit de façon significative les conclusions que l’on peut tirer des sites où les pièces ont été trouvées. On ne peut jamais exclure le fait que les pièces trouvées sur le site ont été manipulées par quelqu’un ou intentionnellement placées là où elles se trouvent. En dépit de ces réserves, il a paru utile d’effectuer une fouille exhaustive de la scène du crime, d’abord parce qu’il était probable que certaines parties de la scène du crime n’avaient pas été modifiées, comme par exemple les étages supérieurs des hôtels Byblos et Saint-Georges. Selon les FSI, la scène du crime avait été entourée d’un cordon de sécurité le 15 février 2005, et était gardée, depuis, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. 155 – L’équipe médico-légale hollandaise a été assistée par de nombreuses personnes dans l’enquête sur la scène du crime, par exemple par des membres de l’équipe médicolégale des FSI, une équipe de plongeurs britanniques, un expert français en explosif, un expert médicolégal d’Irlande du Nord, un ingénieur électricien allemand spécialisé dans les équipements de brouillage, une équipe japonaise d’enquête sur la scène du crime, un expert automobile allemand, un expert hollandais et un certain nombre de spécialistes libanais. 156 – Un rapport cohérent et exhaustif des résultats de la fouille de la scène du crime a été soumis à la commission. S’étalant sur 87 pages, le rapport offre quatre conclusions principales : 1. Détonation de puissants explosifs Les dégâts provoqués aux édifices, véhicules, réverbères et autres objets au voisinage du site démontrent que de grandes quantités d’un puissant explosif ont été mises à feu sur le côté gauche, en face de l’entrée principale de l’hôtel Saint-Georges, rue Minet el-Hosn. L’explosion a provoqué des incendies dans plusieurs véhicules situés à une distance de 20 ou 30 mètres du centre de la déflagration. Des dégâts provoqués, il est clair que l’explosif utilisé était très puissant. 2. La camionnette Mitsubishi Compte tenu des évidences matérielles retrouvées, des restes humains identifiés par l’équipe médicolégale libanaise, de la vidéo de la HSBC et des dégâts occasionnés aux véhicules garés sur la route, le scénario le plus vraisemblable c’est que le système de mise à feu placé dans la camionnette Mitsubishi a été actionné au passage du convoi de six véhicules de Hariri. Le numéro du moteur de la camionnette a été découvert parmi les débris sur la scène du crime. Ce numéro a permis de connaître le numéro matricule et la date de production du véhicule. Aucune trace du système de mise à feu n’a été retrouvée parmi les débris, à part les parties de la Mitsubishi où ce système avait été placé. Vu l’importance de la charge explosive, il n’y a là rien de surprenant. Quelques morceaux du circuit du tableau de bord ont été retrouvés, qui pourraient être en rapport avec l’activation du mécanisme. Toutefois, ces circuits doivent d’abord être examinés par des experts en électronique, qui pourraient fournir des indications sur leur utilisation. 3. Locations respectives du convoi et du véhicule piégé Quand l’explosion a été actionnée, la camionnette Mitsubishi était garée presque au même niveau que les autres véhicules garés sur la chaussée, en face du Saint-Georges. L’avant du véhicule était dirigé vers l’ouest. Il ne se trouvait pas tout à fait au niveau des autres voitures, à en juger par les marques laissées par le souffle de l’explosion sur la Ford rouge qui était probablement garée devant la Mitsubishi. Ce véhicule a été très sévèrement endommagé sur son côté arrière gauche, ce qui prouve que la Mitsubishi n’était pas garée tout à fait au même niveau qu’elle. Parmi les six véhicules du convoi, la Mercedes numérotée 404 était la plus proche du centre de l’explosion, au moment de la mise à feu. Les effets sur ce véhicule se situent sur le côté droit, ce qui signifie qu’il se trouvait au niveau de la Mitsubishi. De la configuration des dégâts, on peut conclure que les véhicules 400, 402 et 403, ce dernier emportant MM. Hariri et Fleyhane, venaient de dépasser la Mitsubishi quand l’explosion s’est produite. Les véhicules 405 et 406 ont été le plus gravement endommagés sur le côté droit avant, ce qui prouve qu’ils n’avaient pas encore passé la Mitsubishi quand l’explosion s’est produite. 4. L’activation du système de mise à feu Au regard des évidences physiques figurant dans ce rapport, du fait que de petits morceaux de restes humains ont été retrouvés et du fait qu’aucune partie du corps, jambes, pieds ou mains n’a été retrouvée, le scénario de mise à feu le plus vraisemblable c’est qu’il s’agissait d’un attentat-suicide. Une autre possibilité, un peu moins vraisemblable, est qu’il s’agissait d’un système de mise à feu télécommandé. Mais aucune trace de ce système n’a été retrouvée sur la scène du crime. L’équipe médicolégale britannique 157 – Le 5 septembre 2005, l’équipe médicolégale britannique a soumis son rapport à la commission. L’équipe britannique était formée de sept experts. La mission de l’équipe était d’effectuer une recherche du fond sous-marin et de la marina adjacents à la scène de l’explosion. Dans l’accomplissement de sa mission, l’équipe était assistée de plongeurs de la Défense civile libanaise. Quarante morceaux ont été retrouvés sous la mer, pour la plupart des morceaux de voitures. L’équipe médicolégale japonaise 158 – Le 27 septembre 2005, l’équipe japonaise a soumis son rapport à la commission. L’équipe était formée de quatre experts et d’un interprète. Sa mission était d’identifier la camionnette Mitsubishi. 159 – Les experts japonais ont examiné tous les indices recueillis sur la scène du crime et ont répertorié 69 morceaux apparternant à la camionnette Mitsubishi. De ces 69 pièces, 44 ont été formellement reconnues comme appartenant à une camionnette par la Mitsubishi Fuso Corporation, au Japon. 160 – La camionnette Mitsubishi a finalement été identifiée. Le véhicule a été volé à Sagamihara City (Japon), le 12 octobre 2004. Les experts électroniciens irlandais et français 161 – Ces experts étaient d’accord avec les commentaires et conclusions de l’équipe médicolégale hollandaise. Conclusion : L’explosion qui a tué M. Hariri et 22 autres personnes était en surface. À cette fin, une quantité d’explosif militaire non inférieure à 1 000 kg a été utilisée. Après le crime : Analyse et évaluation 162 – La commission avait entrepris des mesures extensives pour retracer les activités et les déplacements de M. Hariri avant le crime ainsi que d’éventuelles occurrences, afin de déceler les motifs et raisons derrière le crime. 163 – Des entretiens ont été menés auprès de ses proches, de ses employés, de ses associés, de ses amis et de ses collègues. Tous ces efforts n’ont mené qu’à la seule conclusion que M. Hariri n’allait plus occuper le poste de Premier ministre. 164 – Cette information a renforcé l’idée qu’il existait une relation tendue entre M. Hariri d’un côté et le président Lahoud et les autorités syriennes de l’autre. Ces arguments sont crédités par les entretiens téléphoniques entre le général Ghazalé et un responsable libanais haut placé, le 19 juillet 2004 ; la conversation entre le président Assad et M. Hariri le 26 août 2004 ; en Syrie, la consolidation de la sécurité de M. Hariri par Yehya el-Arab, Wissam el-Hassan et Salim Diab en octobre-novembre 2004 en raison de la tension politique régnante, et la réponse de M. Hariri, selon laquelle, « ils n’osent pas me toucher » ; la rencontre entre le général Ghazalé et Yehya el-Arab le 13 février 2005 ; et enfin la réponse des autorités libanaises à la question de la distribution d’huile d’olive en février 2005. 165 – Toutes les personnes-clés, et parmi elles les autorités libanaises, ont été interrogées, ainsi que leurs experts impliqués dans les mesures préliminaires de l’enquête. L’enquête préliminaire a montré que tout le monde avait prétendu ne pas avoir la moindre idée que la vie de M. Hariri était en péril. Les efforts déployés par la commission durant une période de temps limitée sont arrivés à une conclusion diamétralement opposée. M. Hariri a reçu de son entourage proche un certain nombre d’avertissements concernant sa sécurité après les événements du second semestre de 2004, à la lumière notamment des attentats visant précédemment d’autres personnalités libanaises. 166 – Le 30 août 2005, les autorités libanaises ont arrêté et placé en détention quatre hauts responsables de l’appareil sécuritaire libanais, conformément à des mandats d’arrêt émis par le procureur général libanais basés sur les recommandations de la commission. Cette dernière a souligné qu’il y avait un motif suffisant d’arrêter ces personnes et de les placer en détention pour complot et volonté de commettre un crime, en connexion avec l’assassinat de Rafic Hariri. Les individus placés aux arrêts étaient : le général Jamil al-Sayyed, ancien directeur général de la Sûreté générale, le général Ali Hajj, ancien chef des Forces de sécurité intérieure, le général Raymond Azar, ancien chef des services de renseignements militaires, et enfin le général Moustapha Hamdane, chef de la garde républicaine. 167 – Les quatre généraux ont été interrogés en présence de leurs avocats. Ces derniers ont continué à nier avoir participé à la planification ou éventuellement la mise à exécution de l’assassinat de Hariri, avoir pris connaissance au préalable d’une telle conspiration, et enfin avoir entrepris certaines actions ou donné des ordres pouvant entraver ultérieurement l’enquête. 168 – Comme dans toute investigation, les points de départ de l’enquête menée par la commission internationale ont été les victimes, la scène du crime et les témoins. En outre, la commission s’est penchée sur les sous-enquêtes suivantes : 1. Ahmad Abou Adass 169 – L’investigation menée par la commission d’enquête internationale concernant la piste Abou Adass a tablé sur les déplacements de M. Abou Adass en vue d’examiner l’éventualité de sa participation effective au crime en tant que kamikaze présumé. 170 – La commission d’enquête internationale n’a pas pu interroger le père de M. Abou Adass qui avait préalablement été interrogé par les autorités libanaises le 14 février 2005, car il est décédé le 7 mars 2005, soit peu de temps après avoir été convoqué par le juge d’instruction. 171 – La mère de M. Abou Adass, Nouhad Moussa, a été interrogée par la commission d’enquête internationale le 7 juillet 2005. Elle avait été auparavant interrogée à quatre reprises au moins par les autorités libanaises, notamment le 14 février 2005, la première fois. La mère de M. Abou Adass avait été détenue illégalement pendant 10 jours. Elle a affirmé devant la commission d’enquête avoir révélé aux autorités libanaises ce qui suit : M. Abou Adass a disparu le 16 janvier 2005 et personne n’a plus eu de ses nouvelles depuis. D’après elle, au début du mois de janvier 2005, M. Abou Adass lui avait dit avoir rencontré une personne sous le nom de « Mohammed », un chrétien qui voulait se convertir à l’islam avec l’aide de M. Abou Adass. Ce dernier avait affirmé que Mohammed semblait riche et disparaissait par moments pour une affaire d’une semaine. À l’occasion d’une de ses disparitions, le samedi 15 janvier 2005 au soir, Mohammed a appelé au domicile de M. Abou Adass. Il a affirmé à ce dernier qu’il viendrait le chercher le lendemain matin pour lui faire une surprise. M. Abou Adass a quitté avec Mohammed le dimanche 16 janvier 2005, indiquant à sa mère – qui lui avait demandé de l’aider à nettoyer un grand tapis – qu’il sortait pour quelques heures seulement. M. Abou Adass n’est plus jamais retourné chez lui. Lundi matin, la mère a reçu un appel téléphonique d’un inconnu lui disant de ne pas s’inquiéter pour Ahmad qui se trouvait à Tripoli, soulignant que leur voiture était tombée en panne et qu’ils attendaient qu’elle soit réparée. Mme Moussa a cru comprendre qu’il s’agissait du même « Mohammed » qui lui avait parlé au téléphone deux jours plus tôt. Elle lui a alors demandé à parler à son fils. L’inconnu lui a répondu que son fils attendait dans une maison où il n’y avait pas de téléphone, précisant qu’il appelait du garage. L’inconnu a affirmé à Mme Moussa que son fils serait de retour à temps pour aider au nettoyage du tapis. Le même jour à 21 heures, la mère a reçu un autre appel d’une personne du nom de « Mohammed », qui lui a affirmé qu’il n’y avait eu ni accident ni panne. Le correspondant a poursuivi en indiquant que M. Abou Adass voulait partir en Irak et qu’il ne reviendrait plus. Mme Moussa lui a fait part de son étonnement, précisant que son fils n’avait jamais exprimé un tel intérêt auparavant. Son correspondant lui a répondu qu’il tenterait de retrouver son numéro de téléphone pour le lui donner afin qu’elle puisse lui parler et lui faire changer d’avis. Le correspondant a raccroché et n’a plus jamais rappelé. La famille s’est rendue le 19 janvier auprès des FSI pour notifier de la disparition de M. Abou Adass. 172 – Dans une interview ultérieure accordée à la commission d’enquête internationale, Mme Moussa a ajouté que le meilleur ami de M. Abou Adass était un certain Ziad Ramadan, qui avait été son collègue dans une société d’informatique, deux ans auparavant. Le dernier contact qu’elle avait eu avec M. Ramadan, c’était plusieurs jours après la disparition de son fils, lorsque ce dernier avait appelé pour lui demander si elle avait eu de ses nouvelles. Lors de son interrogatoire par les autorités libanaises, Mme Moussa avait déclaré que son fils n’avait pas de permis de conduire et qu’il n’avait pas une connexion Internet à la maison. 173 – La commission internationale d’enquête n’a pas été capable de localiser Ziad Ramadan pour l’interroger. Après avoir été interrogé par les autorités libanaises, le 14 février 2005, il apparaît que M. Ramadan est retourné en Syrie avec sa famille. Dans l’interrogatoire réalisé par les autorités libanaises, M. Ramadan a indiqué qu’il connaissait M. Abou Adass depuis environ deux ans, car ils avaient travaillé ensemble dans la même entreprise durant deux mois. M. Ramadan a vu Abou Adass la dernière fois le jeudi ou le vendredi précédant sa disparition, alors qu’Abou Adass discutait des reliures de livres de son nouvel emploi. 174 – Une personne que ni la commission internationale d’enquête ni les autorités libanaises n’ont eu la possibilité d’interroger jusque-là est Khaled Medhat Taha, un autre religieux associé à M. Abou Adass, qui est significativement intéressant, vu le rapport sur ses voyages et l’apparition de certaines coïncidences inhabituelles. M. Taha a fait la connaissance de M. Abou Adass lorsqu’ils étaient étudiants à l’Université arabe. Ils se retrouvaient alors à la mosquée de l’université. Selon le rapport sur ses voyages, M. Taha a quitté l’aéroport international de Beyrouth pour les Émirats arabes unis le 21 juillet 2003. Il est retourné à Beyrouth le 17 octobre 2003. Le rapport suivant montre qu’il est entré au Liban en provenance de Syrie par voie terrestre le 15 janvier 2005, le jour précédant la disparition de Abou Adass. Le lendemain, M. Taha a quitté le Liban en direction de la Syrie par voie terrestre. Le rapport ne montre aucun départ à partir du Liban avant le 15 janvier 2005, ce qui indique qu’il est illégalement entré en Syrie avant cette date. Une investigation plus poussée a révélé que trois des adresses e-mail de M. Taha ont été créées à partir de Damas et que la quatrième a été créée à partir du Liban, alors qu’elle était présentée comme ayant été enregistrée à partir de la Turquie. De plus, la date de son départ définitif en Syrie à partir du Liban – 16 janvier 2005 – est la même date que celle de la disparition de M. Abou Adass. Cela suggère un lien possible entre le voyage de M. Taha au Liban et la disparition de M. Abou Adass. De plus, comme les autorités libanaises l’ont déclaré dans leur rapport, il n’a jamais été arrêté pour son apparente entrée illégale en Syrie avant le 15 janvier 2005, même à son retour en Syrie le 16 janvier 2005. Un événement inhabituel, qui suggère que son départ et son entrée le jour suivant ont été facilités par quelqu’un. Les autorités syriennes ont récemment été approchées par la commission internationale d’enquête pour obtenir des renseignements détaillés sur Khaled Taha, et plus précisément sur le rapport de ses rentrées et sorties de Syrie. 175 – Comme précédemment mentionné, les enquêteurs libanais ont, au cours de leurs investigations, inclus dans les interrogatoires les amis et associés de M. Abou Adass, ses anciens voisins, ses connaissances de la mosquée, et ses anciens collègues et camarades de classe. Nombre de ces personnes ont été de nouveau interrogées par la commission internationale d’enquête. Nul n’a jamais entendu parler de al-Nasra wal jihad, le groupe auquel était supposé appartenir M. Abou Adass, selon le message vidéo de l’attentat-suicide. Nombreux sont ceux qui ont rapporté des histoires similaires, racontant qu’ils ont été pris par les FSI, menottés, les yeux bandés, déshabillés et détenus durant un certain temps, alors qu’ils étaient interrogés sur M. Abou Adass et sur ses affiliations avec des groupes islamistes. D’autres ont rapporté qu’ils ont partagé avec leurs interrogateurs leur point de vue sur M. Abou Adass, selon lequel c’était un individu solitaire et introverti, qui n’avait pas l’intelligence nécessaire pour être capable de commettre un tel crime. 176 – En réponse à une demande effectuée à travers les autorités libanaises, le gouvernement syrien a informé la commission d’enquête internationale que leurs documents informatisés n’ont pas fourni des indications relatives à l’entrée ou à la sortie de Abou Adass de Syrie. Les autorités irakiennes ont pour leur part informé les autorités libanaises, à travers l’ambassade irakienne à Beyrouth, que Abou Adass n’a pas obtenu un visa pour l’Irak. 177 – La commission d’enquête a aussi soumis une demande détaillée auprès des organisations au Liban qui auraient pu surveiller Abou Adass, entre septembre 2004 et janvier 2005. Les documents obtenus en réponse à cette demande ont confirmé qu’il n’y a aucun département au Liban qui avait Abou Adass sous une quelconque surveillance durant cette période. 178 – Un certain nombre de sources, confidentielles et autres, ont fourni des informations à la commission d’enquête internationale sur le rôle et l’endroit où se trouve Abou Adass. Même si les informations fournies n’ont pas été vérifiées indépendamment et d’une manière significative, aucune information n’a soutenu la théorie selon laquelle c’était un kamikaze solitaire agissant pour le compte d’un groupement fondamentaliste islamique. En effet, toutes les informations fournies par les sources interrogées ont convergé vers la probabilité que Abou Adss a été utilisé par les autorités libanaises et syriennes comme bouc émissaire du crime, plutôt que d’en avoir été l’instigateur. Par exemple, un témoin a affirmé avoir vu Abou Adass dans le corridor menant au bureau du général Rustom Ghazalé en décembre 2004 à Anjar. Un autre témoin a affirmé que Abou Adass est actuellement emprisonné en Syrie et qu’il sera tué une fois l’enquête terminée. Selon lui, Abou Adass n’avait pas de rôle dans l’assassinat sauf qu’il a été utilisé comme un leurre et que la cassette vidéo a été enregistrée sous la menace des armes, environ 45 jours avant l’attentat. Il a ensuite indiqué que le général Assef Chawkat a forcé Abou Adass à enregistrer la cassette vidéo environ 15 jours avant l’assassinat, à Damas. Il a également indiqué que la cassette a été remise à la chaîne al-Jazira par une femme connue sous le nom de « Oum Alaa ». Un autre témoin a indiqué qu’au lendemain de l’assassinat, Fayçal al-Rachid a souligné que l’affaire est résolue et que celui qui a commis le crime est Abou Addas, qui est un kamikaze, et que le corps de Abou Adass se trouvait toujours sur la scène du crime. Zouheir Saddik a indiqué qu’au début de février 2005, il a vu Abou Adass dans le camp d’entraînement de Zabadane en Syrie, et qu’il avait des informations selon lesquelles Abou Adass avait initialement planifié l’assassinat, mais qu’il avait changé d’avis à la dernière minute. Il a indiqué que Abou Adass a été en conséquence tué par les Syriens et que son corps a été placé dans un véhicule contenant la bombe et qu’il a été ainsi détruit sur la scène du crime. 179 – Jusqu’à présent, aucune preuve d’analyse ADN pouvant être liée à Abou Adass n’a été trouvée sur la scène du crime. 180 – Malgré des mois d’investigations menées par la commission d’enquête et les autorités libanaises, M. Abou Adass demeure une figure mystérieuse. Quelques points significatifs peuvent cependant être relevés et liés à l’enquête Abou Adass. 181 – Mis à part la vidéocassette qui montrait en effet Abou Adass, il existe très peu d’éléments soutenant l’idée qu’il a commis l’attentat par le biais d’une bombe-suicide. Il n’existe pas de preuve, mis à part la vidéocassette, sur l’existence d’un groupe appelé Al-nasra wal jihad fi bilad al-Cham. Il n’existe aucune information relative à ce groupe auprès des sources disponibles avant le 14 février 2005, par exemple. Ni les autorités libanaises ni les amis et les connaissances de Abou Adass n’ont entendu parler de ce groupe avant le jour de l’attentat. Les autorités sécuritaires de pays voisins au Liban, qui ont été interrogées par la commission d’enquête pour fournir des informations relatives à l’assassinat, n’ont pas connaissance de ce groupe. De plus, la disparition de Abou Adass le 16 janvier 2005 n’a pas été expliquée d’une manière significative donnant à penser qu’il aurait pu être un kamikaze un mois plus tard. Notamment, aucun individu le connaissant bien estime qu’il puisse commettre un tel crime, vu sa nature et le niveau de son intelligence. Finalement, même s’il y a toujours une possibilité relative au fait qu’il n’existerait pas des traces ADN d’un kamikaze menant un important attentat, il est à noter qu’il n’y a aucune preuve d’ADN de Abou Adass sur la scène du crime ou encore aucune preuve, notamment des témoins, ayant affirmé qu’il était présent sur la scène du crime au moment de l’attentat. 182 – Cependant, un aspect de l’enquête jusqu’à ce jour est clair : la plupart des informations entourant Abou Addas et sa disparition pointent en direction de la Syrie. Les documents relatifs aux voyages particuliers de Khaled Taha, montrant une entrée au Liban à partir de la Syrie, un jour avant la disparition de Abou Adass, ainsi que la tentative de cacher sa présence en Syrie, en faisant en sorte de montrer que ses e-mails étaient émis de Turquie alors que réellement ils provenaient de Syrie, sont indicatifs du type de preuves qui pointent vers l’implication de la Syrie dans le sort qui a été réservé à Abou Adass et qui ne peuvent être mis sur le compte de simples coïncidences. De plus, l’information vague disponible au sujet de « Mohammed » indique qu’il était probablement syrien, ainsi que le retour soudain en Syrie du meilleur ami de Abou Adass, Ziad Ramadan, peu après avoir été interrogé par les autorités libanaises, tout cela suggère la présence de liens syriens avec la disparition de Abou Adass. Finalement, plus d’une source d’information relative au sort réservé à Abou Adass pointe vers la Syrie et des officiels syriens, et vers certains officiels libanais. Il est vrai que peu de sources d’information ont été corroborées de façon indépendante. Il est significatif qu’il n’existe pas d’informations qui pointent vers une autre entité comme étant impliquée dans sa disparition ou qu’il était un kamikaze. Bien que cela ne soit pas définitif, ces liens à répétition avec la Syrie nécessitent une enquête plus poussée. Conclusion : Il n’existe pas de preuve que Abou Adass appartenait au groupe Al-nasra wal jihad fi bilad al-Cham, comme cela a été affirmé dans la vidéocassette d’al-Jazira, ou même qu’un tel groupe ait jamais existé ou qu’il existe actuellement. Il n’existe aucune indication (mis à part la vidéocassette) qu’il a conduit le camion contenant la bombe qui a tué Rafic Hariri. Les preuves montrent que Abou Adass a probablement quitté sa maison le 16 janvier 2005 et qu’il a été amené, volontairement ou non, en Syrie, où il a disparu depuis. 2 – Analyse téléphonique 183 – L’un des aspects les plus importants de l’enquête a été l’analyse des communications téléphoniques. Un logiciel spécialisé a été utilisé pour analyser et enquêter sur de nombreux appels téléphoniques effectués par ceux qui ont été identifiés comme les plus importants dans l’enquête, ce qui a permis à la commission internationale de parvenir à un résultat optimal avec un personnel limité et des délais courts. L’assistance des compagnies de téléphone libanaises et des autorités était essentielle pour rendre cette analyse effective. Par exemple, les compagnies mtc touch et alfa ont rapidement répondu aux demandes d’informations sur les abonnés au cellulaire et les registres d’appels. Des informations similaires sur les lignes fixes ont été fournies à la commission par les services du ministère des Télécommunications. Cette assistance rapide a été d’une valeur immense, parce qu’elle a permis aux investigateurs d’analyser rapidement des appels téléphoniques spécifiques de la part de certains abonnés et d’établir des types de communication entre des groupes particuliers d’abonnés. Au total, la commission a demandé des informations sur environ 2 235 abonnés et a obtenu des données de connexion téléphonique sur environ 70 195 appels téléphoniques. L’analyse téléphonique, qui a déjà été décisive dans l’établissement des lignes directrices et dans la détermination de liens entre des figures-clés, continuera à être un aspect central de cette enquête, à mesure qu’elle évolue. 184 – Selon Ghassan ben Jeddo, directeur d’al-Jazira, la chaîne a reçu quatre appels dans l’après-midi du 14 février, avant la diffusion de la vidéo d’Abou Adass. Les enregistrements n’ont toutefois révélé que trois appels à al-Jazira cet après-midi-là, à 14h11, 15h27 et 17h04. 185 – Il n’a pas été possible d’identifier le temps ni l’origine du présumé quatrième appel à al-Jazira. 186 – Leila Bassem, de l’agence Reuters, a affirmé que l’agence a reçu un appel téléphonique le 14 février concernant la revendication de l’attentat par Abou Adass. L’enregistrement montre que cet appel a eu lieu à 14h11. 187 – Les enregistrements téléphoniques révèlent que tous les appels précédemment mentionnés à al-Jazira et Reuters proviennent de la même carte prépayée. Cette carte a été achetée à Beyrouth (…) le 10 février 2005. Les appels à al-Jazira et Reuters ont été faits à partir de quatre postes de téléphones différents, tous situés à Beyrouth. L’un d’eux se trouvait près du siège de l’Escwa, dans le centre-ville de Beyrouth, à près de deux kilomètres de la scène du crime. Cette carte prépayée a uniquement été utilisée pour appeler al-Jazira et Reuters et il n’existe aucun enregistrement montrant qu’elle aurait été utilisée pour d’autres appels. 188 – La vidéocassette d’Abou Adass avouant le crime a été placée dans un arbre faisant face à l’immeuble de l’Escwa. La commission a pu obtenir et visionner les enregistrements des caméras de surveillance de l’Escwa pour la journée du 14 février, dans le but d’identifier toute personne ou véhicule successible d’être lié au dépôt de la vidéocassette et les appels ultérieurs à al-Jazira. Après l’examen des images, cependant, il a été établi qu’il n’était pas possible d’identifier, à partir de cet enregistrement, des véhicules ou des individus approchant l’arbre en question. Les enquêteurs de la commission ont également interrogé les gardes de sécurité de Protectron Security, en charge des terrains de parkings situés à proximité des immeubles de l’Escwa et d’al-Jazira dans le centre-ville. Toutefois, aucun des gardes interrogés et qui étaient de service ce jour-là n’a constaté une quelconque activité inhabituelle relative au dépôt d’un objet sur un arbre en face de l’Escwa. Conclusion : Il n’a pas été possible jusqu’ici d’identifier l’individu ou les individus à l’origine des appels à al-Jazira et Reuters le 14 février, pas plus que l’individu ou les individus en charge de la vidéocassette d’Abou Adass. 3 – L’usage de cartes de téléphone prépayées 189 – Le juge d’instruction Élias Eid a obtenu des enregistrements et examiné tous les appels du 14 février à al-Jazira. Le juge Eid a noté qu’un appel à partir d’un téléphone mobile était particulièrement significatif : il s’agissait d’un appel à al-jazira à partir d’une carte prépayée le 14 février à 22h07. Cette même carte prépayée avait reçu un appel une minute après l’explosion, à 12h57, à partir d’un poste de téléphone situé à Tripoli, près d’un immeuble abritant les services de renseignements syriens. Le 30 janvier, un appel avait été effectué sur la ligne fixe au domicile d’Abou Adass du même poste téléphonique à Tripoli. 190 – La commission d’enquête internationale a obtenu et examiné les enregistrements de la carte prépayée n° 03925152 sur base de cette information fournie par le juge Eid. Les investigations de la commission ont révélé jusqu’ici qu’en dépit du fait qu’il n’existe pas d’abonné identifiable, la carte elle-même mène à des connexions significatives. Le 8 février 2005, par exemple, cette carte a eu un contact avec un numéro de téléphone mobile appartenant à Tarek Esmat Fakhreddine. M. Fakhreddine, un homme d’affaires important, est un associé proche du Premier ministre de l’époque, Omar Karamé. Ce même M. Fakhreddine a effectué des appels quelques heures après l’explosion aux généraux Hamdane, Azar et Hajj et à l’officier des SR syriens Jameh Jameh. De plus, il a eu un contact téléphonique avec son neveu Raëd Fakhreddine à 13h37 le 14 février. Raëd Fakhreddine est lourdement soupçonné d’avoir acheté les cartes prépayées qui ont été utilisées pour organiser l’attentat. La même carte prépayée a aussi eu des contacts avec un autre numéro de téléphone qui était lui-même en contact avec le mobile de Raëd Fakhreddine en décembre 2004 et en janvier, février et mars 2005. 191 – La carte prépayée a aussi été en rapport avec d’importants responsables officiels libanais et syriens. Par exemple, la carte a été en contact avec trois différents numéros qui, à leur tour, ont eu des contacts avec le mobile de Moustapha Hamdane en janvier, mars et juillet 2005. Deux jours avant l’explosion, le 12 février 2005, cette même carte prépayée était également en contact avec un numéro de mobile appartenant à l’ancien ministre Abdel Rahim Mrad. Le mobile de M. Mrad est, à son tour, entré en contact avec Ali Hajj après l’explosion. Les mobiles de M. Mrad et de Tarek Esmat Fakhreddine étaient en contact ensemble le 17 janvier 2005, le lendemain de la disparition d’Abou Adass. La carte prépayée a eu aussi des contacts avec un numéro de téléphone qui, à son tour, était en contact régulier avec le mobile appartenant à l’homme politique Nasser Kandil. La carte a également été en contact avec deux autres numéros mobiles en février et mars 2005 eux-mêmes ayant contacté les 14 et 17 février 2005 le numéro utilisé par l’officier syrien Jameh Jameh. 192 – La carte prépayée a eu le 5 janvier 2005 des contacts avec un numéro de téléphone qui était lui-même en contact avec le numéro de Younès Abdel-Al, des Ahbache, frère d’Ahmed Abdel-Al cité plus haut. La carte prépayée a aussi été en contact le 5 janvier avec un autre numéro de téléphone qui a eu deux contacts le 10 janvier avec un numéro appartenant à Walid Abdel-Al, frère de Younès et Ahmed et membre de la garde républicaine de Moustapha Hamdane. Conclusion : L’utilisateur ou les utilisateurs de cette carte prépayée le 14 février 2005 est ou sont significatif(s) et l’identification de cet individu ou de ces individus est une priorité pour cette enquête. 4 – L’enquête australienne 193 – Dans une interview à la commission, Adnane Addoum, ministre de la Justice à l’époque de l’attentat, a déclaré qu’il croyait nécessaire que les enquêteurs de la commission poursuivent leurs investigations et interrogent les six Australiens considérés comme suspects pour les motifs de leur voyage. Il a aussi indiqué son point de vue, selon lequel le fait que le véhicule présumé ayant été utilisé dans l’attentat avait le volant à droite (comme c’est le cas en Australie), il fallait mettre davantage de soupçons sur ces six suspects. Il a ajouté qu’à son opinion, « en raison de la pression exercée par les médias et les milieux religieux, le juge d’instruction n’a pas donné suffisamment d’importance à ce fait ». 194 – Les enquêteurs de la commission internationale ont examiné intensivement les résultats des enquêtes libanaise et australienne au sujet des six suspects et, comme expliqué plus loin, ont conclu qu’il n’y avait aucune base laissant croire à l’éventualité d’une implication de leur part dans l’assassinat de Hariri. En menant cet examen, les enquêteurs de la commission étaient aussi conscients de l’existence de six cartes SIM utilisées en relation avec l’attentat, et que le recours à ces cartes SIM a pris fin au moment de l’explosion. Prenant note du fait qu’il existait six suspects australiens, et six cartes SIM suspectes, ce qui constitue une singulière coïncidence, la commission a estimé qu’un examen des enquêtes libanaise et australienne dans ce domaine serait prudent. 195 – Ayant étudié de près le dossier, la commission est en mesure de mettre en relief les points suivants : – Les autorités libanaises ont demandé l’assistance d’Interpol pour localiser et interroger les suspects identifiés en accord avec le protocole établi. – Le protocole suivi par Interpol était correct. – Les autorités australiennes ont été contactées par le biais d’Interpol pour suivre l’affaire. – Les autorités australiennes ont procédé à des investigations intensives et ont présenté un rapport de leurs conclusions aux autorités libanaises. – Les autorités libanaises ont suspendu cette ligne d’enquête à la lumière du rapport présenté par les autorités australiennes. Conclusion : Sur la base de ce qui précède, l’enquête menée par les autorités australiennes et les résultats obtenus peuvent être considérés comme probants. Les soupçons de M. Addoum ne sont pas fondés ni étayés par une quelconque preuve. La poursuite de l’enquête sur cette voie a empêché les autorités libanaises de suivre d’autres voies. 5 – Ahmed Abdel Aal 196 – Cheikh Ahmed Abdel Aal, figure de proue des Ahbache, était responsable des relations publiques et des renseignements militaires des Ahbache, l’Association des œuvres de bienfaisance islamiques, un groupement libanais ayant historiquement des liens étroits avec les autorités syriennes. Il est apparu que Abdel Aal était un personnage important, à la lumière de ses liens avec plusieurs aspects de cette enquête et de son téléphone portable qui lui a servi à entrer en contact avec toutes les personnes importantes figurant dans cette enquête. En fait, nul plus que Abdel Aal n’était autant lié à tous les aspects de cette enquête. 197 – Abdel Aal a été entendu par la commission d’enquête internationale en tant que témoin puis de suspect. Par moment, son comportement et certaines de ses déclarations durant son audition permettent de croire à un recel d’informations. Ainsi, il a tenté d’occulter son nom en cédant, le 12 mars 2005, la puce prépayée de son téléphone mobile à son ami, Ahbache également, Mohammed Halouani, demandant que la carte soit enregistrée au nom de ce dernier. Durant son interrogatoire par la commission d’enquête internationale, il a hésité plusieurs heures avant de reconnaître que le numéro de téléphone en question était en fait utilisé par Ahmed Abdel Aal. En outre, selon sa déclaration, le 14 février 2005, Abdel Aal a quitté son domicile pour se rendre au bureau des Ahbache. Le relevé de ses contacts téléphoniques indique qu’à 11h 47 il a reçu une communication émanant d’un correspondant qui avait appelé son domicile plusieurs fois juste avant l’explosion – à 12 h 26, 12 h 46 et 12 h 47. Alors que Abdel Aal a indiqué à la commission d’enquête internationale avoir appelé chez lui peu après l’explosion, à 12 h 56, le relevé téléphonique indique que l’appel a été fait à 12 h 54, deux minutes avant l’explosion. Abdel Aal a affirmé n’avoir pas quitté le bureau des Ahbache, le jour de l’explosion, pour des raisons de sécurité. Le relevé de ses appels révèle quatre appels à l’officier des renseignements syriens Jameh Jameh, à 11 h 42, 18 h 14, 20 h 23 et 20 h 26. Selon un témoin, Abdel Aal se trouvait dans le bureau de Jameh Jameh à 19 h 30 le soir de l’attentat, pour parler de M. Abou-Adass. En outre, peu après s’être rendu dans le bureau de Jameh Jameh, le téléphone portable de Abdel Aal a enregistré un appel adressé à 19 h 56 au général Ghazali. Abdel Aal a tenté par ailleurs d’aiguiller l’enquête sur la piste de M. Abou-Adass non seulement en fournissant aux autorités libanaises, peu après l’explosion, d’amples informations sur celui-ci, mais aussi en déclarant à la commission d’enquête internationale que le service de sécurité des Ahbache avait noté la présence de M. Abou-Adass, avant l’assassinat, dans le camp de Aïn el-Héloué en compagnie d’Abou-Obeida, l’adjoint du chef du groupe terroriste Esbat al-Ansar. 198 – Il y a eu également de nombreux contacts, le jour de l’explosion, entre Ahmed Abdel Aal et la Sécurité d’État libanaise. Par exemple, il téléphonait presque quotidiennement au général de brigade Fayçal Rachid, chef de la sécurité pour la ville de Beyrouth. Le 14 février 2005, ils ont eu des contacts par téléphone à 10 h 35, 20 h 08, 21 h 13, 21 h 40 et 22 h 16. Ahmed Abdel Aal a eu des contacts avec le suspect Raymond Azar, de l’armée libanaise, le 14 février 2005 ainsi que les 16 et 17 février 2005. Il y a eu un appel téléphonique à partir du portable d’Albert Karam, un autre membre des services de renseignements de l’armée libanaise, et Ahmed Abdel Aal le 14 février à 12 h 12, près de 44 minutes avant l’explosion. 199 – À partir du téléphone de Abdel Aal, de très nombreux contacts ont été établis avec la ligne de Moustapha Hamdane et 97 appels ont été enregistrés entre ces deux, entre janvier et avril 2005. Parmi ces appels, quatre ont été effectués le 14 février 2005 après l’explosion. Ahmed a eu deux contacts téléphoniques avec son frère, Walid Abdel Aal, un membre de la garde républicaine, le jour de l’explosion à 16 h 15 et à 17 h 29. En outre, Abdel Aal a reçu un appel le 11 février 2005 à 22 h 17 à partir de la cabine téléphonique utilisée pour appeler al-Jazira peu après l’explosion, le 14 février. Il a également reçu un appel le 14 février 2005 à 19 h 34 et le 26 février 2005 à 9 h 33 à partir de la cabine utilisée pour appeler Reuters peu après la déflagration. 200 – Abdel Aal était en fréquent contact avec son frère Mahmoud Abdel Aal, qui est un membre actif des Ahbache. Les appels téléphoniques effectués à partir du numéro de Mahmoud Abdel Aal sont eux aussi intéressant : il a effectué un appel quelques minutes avant l’explosion, à 12 h 47, au téléphone portable du président libanais Émile Lahoud puis à 12 h 49 au téléphone portable de Raymond Azar. 201 – Abdel Aal avait des attaches notables avec une cache d’armes découvertes au sud de Beyrouth en juillet 2005 où une descente des Forces de sécurité intérieure a été effectuée le 26 juillet 2005. Cinq personnes avaient alors été arrêtées, ayant des liens étroits avec l’ancienne milice des mourabitoun. L’une des personnes arrêtées était le garde du corps et chauffeur de Majed Hamdane, frère de Moustapha Hamdane, qui dirige une société fournissant du personne de sécurité à l’hôtel Saint-Georges. Abdel Aal aurait trouvé un emploi d’électricien au palais présidentiel à l’une de ces personnes arrêtées. De plus, immédiatement après ces arrestations, une autre personne avait réussi à s’enfuir et avait téléphoné à Ahmed Abdel Aal. Conclusion : Les preuves, y compris ses liens avec d’autres noms importants, notamment Moustapha Hamdane et la garde présidentielle, ses appels téléphoniques et son implication dans l’enquête sur M. Abou-Adass font d’Ahmed Abdel Aal un élément-clé de toute enquête à venir. VI. CONCLUSIONS 202 – Il est de l’avis de la commission que l’attentat du 14 février 2005 a été réalisé par un groupe disposant d’une organisation étendue et de ressources et de possibilités considérables. Le crime avait été préparé pendant plusieurs mois. À cette fin, les mouvements de M. Rafic Hariri avaient été surveillés, et les itinéraires de son convoi notés de manière détaillée. 203 – Compte tenu des résultats de la commission et des investigations libanaises à ce jour, sur la base du matériel et des preuves écrites rassemblées ainsi que des fils de l’enquête suivis jusqu’ici, il existe des preuves convergentes montrant à la fois l’implication libanaise et syrienne dans cet acte terroriste. C’est un fait bien connu que le renseignement militaire syrien a eu une présence envahissante au Liban au moins jusqu’au retrait des forces syriennes, à la suite de la résolution 1559. Les anciens hauts responsables de la sécurité au Liban étaient désignés par lui. Vu l’infiltration des institutions et de la société libanaises par les services de renseignements syrien et libanais œuvrant en tandem, il serait difficile d’imaginer un scénario où un complot en vue d’un assassinat aussi complexe aurait pu être mené à leur insu. 204 – Il est également de l’avis de la commission que l’assassinat de M. Hariri s’est déroulé dans un contexte de polarisation et de tension politiques extrêmes. Les accusations et les contre-accusations visant principalement M. Hariri au cours de la période précédant son assassinat corroborent la conclusion de la commission que le motif probable de l’assassinat était politique. Cependant, puisque le crime n’était pas l’œuvre des individus mais plutôt d’un groupe sophistiqué, il est fort possible que la fraude, la corruption et le blanchiment d’argent aient également constitué des raisons pour que certains individus participent à l’opération. 205 – La commission considère que l’enquête doit se poursuivre durant un certain temps. Durant la période de temps courte de quatre mois, plus de 400 personnes ont été interrogées, 60 000 documents ont été passés en revue, plusieurs suspects identifiés et quelques fils conducteurs principaux établis. Cependant, l’enquête n’est pas complète. 206 – La commission conclut que l’enquête continue devrait être poursuivie et poussée par les autorités judiciaires et sécuritaires appropriées, qui ont prouvé durant l’investigation qu’avec l’aide et le soutien internationaux, elles peuvent aller de l’avant et parfois prendre l’initiative d’une façon efficace et professionnelle. En même temps, les autorités libanaises devraient examiner l’ensemble des ramifications de l’affaire, y compris les transactions bancaires. L’explosion du 14 février doit être prise en compte dans le cadre de la série d’attentats qui l’ont précédé et qui ont suivi, puisqu’il pourrait y avoir des liens entre certains d’entre eux, sinon entre tous. 207 – La commission est donc d’avis qu’un effort soutenu de la part de la communauté d’enquête internationale pour établir une plate-forme d’assistance et de coopération avec les autorités libanaises dans le domaine de la sécurité et de la justice est essentielle, si les autorités libanaises le souhaitent. Ceci renforcera considérablement la confiance des Libanais dans leur système de sécurité, tout en restaurant leur propre confiance dans leurs capacités. 208 – La décision récente de procéder à de nouvelles nominations de hauts responsables sécuritaires a été bien accueillie par toutes les parties libanaises. C’était une étape importante vers l’amélioration de l’intégrité et de la crédibilité de l’appareil sécuritaire. Cependant, cette étape s’est produite après un mois de vide sécuritaire et au terme d’un long débat politico-communautaire. Beaucoup doit être fait pour surmonter les divisions sectaires, pour démêler la sécurité de la politique, et pour restructurer l’appareil sécuritaire, dans le but d’éviter les interférences dans les prérogatives et l’action menée, pour accroître l’efficacité de cette action. 209 – Après avoir interrogé des témoins et des suspects de la République arabe syrienne et établi que beaucoup d’indices conduisent directement à une implication de responsables sécuritaires syriens dans l’assassinat, la commission conclut qu’il incombe à la Syrie de clarifier une partie considérable des problèmes restés sans solution. Si les autorités syriennes ont coopéré à un certain degré avec la commission après avoir hésité au départ, plusieurs personnes interrogées ont tenté de fausser le cours de l’enquête, en donnant des déclarations erronnées ou imprécises. Il s’est avéré que la lettre adressée à la commission par le ministre syrien des Affaires étrangères de la République arabe syrienne contenait des informations fausses. Tous les tenants et les aboutissants de l’assassinat ne peuvent être déterminés que par une enquête exhaustive et crédible qui devrait être conduite de manière entièrement transparente, de façon à satisfaire pleinement la volonté internationale de rigueur. 210 – En conséquence de l’enquête menée par la commission à ce jour, un certain nombre de personnes ont été arrêtées et accusées de conspiration de meurtres et de crimes liés à l’assassinat de M. Hariri et de vingt-deux autres personnes. La commission est naturellement d’avis que toutes les personnes, y compris celles chargées de crimes sérieux, devraient être considérées innocentes jusqu’à ce que leur culpabilité soit établie et prouvée à l’issue d’un procès équitable.
Les investigations nécessiteront des mois, pour ne pas dire des années, afin d’être menées à leur terme

Le rapport de 54 pages remis jeudi soir par le juge Detlev Mehlis au secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, n’est qu’un résumé très succinct de l’ensemble des documents se rapportant aux résultats enregistrés à ce jour par la commission internationale d’enquête....