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La révision des relations libano-syriennes: nécessités et obstacles

L’histoire des relations libano-syriennes est jalonnée de périodes de coopération et de paix, et de périodes de tension et d’animosité, témoin de multiples contradictions entre les deux pays. Malgré la proximité géographique qui est généralement un facteur de rapprochement entre pays voisins, ces relations ont souvent été marquées par la tension. Ainsi, l’on se demande toujours si le Liban est reconnu comme indépendant et souverain par la Syrie, voire même s’il existe. En effet, pourquoi Damas n’a-t-elle pas encore décidé d’établir des relations diplomatiques entre les deux pays ? Une question qui se pose toujours, surtout après le retrait des troupes syriennes du territoire libanais en mai dernier. En effet, après la signature de l’accord de Taëf en 1989 et le début de la mainmise syrienne au Liban, un traité de fraternité, de coopération et de coordination avait été signé entre le Liban et la Syrie, en mai 1991, portant création d’un conseil supérieur libano-syrien. Il sera suivi d’autres accords qui découleront de la logique même de ce dernier. La révision du statut et de la fonction du Conseil supérieur et des accords bilatéraux post-1991 est d’actualité. Un changement dans les relations libano-syriennes n’est envisageable que par une remise en question des traités économiques, culturels, sociaux, etc., signés entre les deux pays après 1991. Quel peut être l’avenir de ces traités ? Et dans quelle mesure peut-on dire que le Conseil supérieur serait compatible avec l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays ? Le traité de fraternité, de coopération et de coordination signé en mai 1991 avait constitué un tournant dans les relations entre les deux pays, il est le fondement du Conseil supérieur et de tous les traités conclus entre les deux pays après 1991. Ce traité est inégal ; le Liban avait été contraint de le signer en raison des pressions exercées par la Syrie et de son hégémonie sur le Liban. Selon Quoc Dinh, dans son ouvrage Droit international public, les caractéristiques d’un traité inégal sont au nombre de trois, à savoir : l’inégalité dans les négociations, le risque d’atteinte au droit fondamental d’autodétermination et l’absence de réciprocité réelle dans les prestations et les obligations - trois critères auxquels répond le traité libano-syrien de mai 1991. Par ailleurs, ces traités sont le fruit d’un rapport de force qui dépend du contexte régional et des circonstances internationales. Par conséquent, toute modification de ces circonstances devrait donner lieu à une renégociation du traité ou même à son annulation. L’accord de coopération comprend un préambule et quelque six articles. Une analyse des termes qui amorcent le préambule donne la nette impression qu’il s’agit en fait d’une union entre les deux pays. L’article premier est un article général qui parle de la nécessité d’une coopération entre les deux pays « comme garantie de leur devenir commun ». Comment deux pays distincts peuvent-ils avoir un avenir commun en n’étant pas unis ? L’article 2 reprend le leitmotiv de la coordination entre les deux pays. On pourrait même s’interroger sur l’utilité de sa rédaction, vu qu’il ne fait que paraphraser l’article qui le précède. L’article 3 impose dans son premier alinéa des contraintes internes au gouvernement libanais lequel doit veiller en quelque sorte à la sécurité de la Syrie, ce qui n’est pas en soit une atteinte à la souveraineté. Mais dans le second alinéa, la Syrie s’arroge le droit de promettre ou non une quelconque action militaire ou sécuritaire sur le territoire de son voisin sans même demander une autorisation préalable au gouvernement libanais. L’article 4 traite de la question de la présence armée syrienne, qui a cessé d’exister au pays. L’article 5 aborde quant à lui « la politique étrangère arabe et internationale de deux États ». On y retrouve une énumération limitative des principes sur lesquels repose cette politique étrangère. Cet article constitue une violation non seulement de l’indépendance du Liban, mais aussi de celle de la Syrie puisque les points abordés englobent toutes les questions relatives aux affaires étrangères, et rien ne semble avoir été laissé à la discrétion d’une des deux parties. Par ailleurs, il est nécessaire de réaliser que le volet économique du document reste secondaire et subordonné au volet politique et sécuritaire. En vertu de l’article 6, le Conseil supérieur libano-syrien est institué. Sa mission a trait à la coopération politique dans tous les domaines. Un nombre important de traités ont été conclus entre le Liban et la Syrie suite aux réunions du Conseil supérieur. Ces traités n’ont pas été le résultat d’un libre consentement libanais. Cependant, les différents traités libano-syriens ne disposent ni d’une procédure de révision ni d’un mode de règlement des différends. C’est la raison pour laquelle il est aujourd’hui inconcevable de parler de leur révision. Ils doivent être annulés. Le resserrement des liens entre le Liban et la Syrie est toujours nécessaire à condition que la souveraineté et l’indépendance des deux États soient respectées. Des relations diplomatiques normales conformes au droit international public doivent être établies. La tâche première qui attend l’actuel gouvernement libanais consiste à traiter sérieusement le sujet du Conseil supérieur et des accords entre les deux pays. Le Conseil supérieur doit être aboli et remplacé par l’établissement de relations diplomatiques. Pour le traité de fraternité, de coopération et de coordination, et tous les traités conclus par la suite, les deux pays devraient ou bien les annuler et négocier de nouveaux textes, ou bien encore mettre en place une procédure de révision de manière à les rendre acceptables par les deux parties. Ainsi, le Liban et la Syrie sont appelés à ouvrir une nouvelle page dans leurs relations sur des bases de sécurité, de confiance et de respect réciproques. Ils sont parmi les pays les mieux placés pour contribuer à faire du Moyen-Orient une région de dialogue et de communication entre les différentes cultures et populations, un dialogue devenu indispensable après les événements du 11 septembre 2001 et ses multiples répercussions. Youssef Nouhad JABRE Doctorat en droit – Université de Paris 11 Président de l’amicale des étudiants de sciences politiques à l’USJ

L’histoire des relations libano-syriennes est jalonnée de périodes de coopération et de paix, et de périodes de tension et d’animosité, témoin de multiples contradictions entre les deux pays. Malgré la proximité géographique qui est généralement un facteur de rapprochement entre pays voisins, ces relations ont souvent été marquées par la tension. Ainsi, l’on se demande toujours si le Liban est reconnu comme indépendant et souverain par la Syrie, voire même s’il existe. En effet, pourquoi Damas n’a-t-elle pas encore décidé d’établir des relations diplomatiques entre les deux pays ? Une question qui se pose toujours, surtout après le retrait des troupes syriennes du territoire libanais en mai dernier. En effet, après la signature de l’accord de Taëf en 1989 et le début de la mainmise syrienne au...