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HISTOIRE - L’amiral chinois est l’objet d’un véritable culte L’Asie célèbre les 600 ans des expéditions de Cheng Ho (photo)
le 09 août 2005 à 00h00
Le temple chinois de Sam Po Kong, dans le port javanais de Semarang, est zébré de guirlandes de lampions. Depuis plusieurs jours est célébré l’accostage ici même, il y a 600 ans, de Cheng Ho, le plus fabuleux navigateur chinois. Également connu sous le nom de Zheng He, l’amiral eunuque et musulman est l’objet d’un véritable culte dans plusieurs villes du monde malais, autour de la mer de Java ou du détroit de Malacca. « À Semarang, la population l’appelle Sam Po Kong. Il symbolise l’amitié, le commerce, la culture, la religion. Les taoïstes et les bouddhistes le prient, les musulmans, eux, viennent en pèlerinage », explique Suratman Ajong, le guide du temple.
Depuis la semaine passée, des milliers de visiteurs, bâtonnets d’encens à la main, se prosternent devant les tables chargées d’offrandes à Sam Po Kong, sous les toits aux bords relevés. L’explorateur a débarqué en 1405 à l’emplacement du temple, le site étant à l’époque recouvert par la mer. Une vaste jonque de pierre rappelle ce moment historique. Une fresque sculptée relate l’épopée du marin, lorsqu’il a réconcilié grâce à son entregent le Siam (Thaïlande) et l’ancienne Malaisie. Ou encore quand, arrivé jusqu’aux côtes africaines, il a reçu en cadeau une girafe. « Cheng Ho est aussi fameux que Christophe Colomb », affirme Diana, 38 ans, une employée des télécoms. Elle n’est pas chinoise, mais se félicite de la contribution chinoise à l’Indonésie grâce à Cheng Ho.
Nettement antérieurs à Colomb, les voyages de Zheng He avaient une dimension incomparable : ils impliquaient plus de 25 000 personnes, marins, soldats, savants, interprètes, embarqués sur plus de deux cents jonques immenses.
« Les Chinois ont apporté beaucoup de nouveautés dans la poterie, le textile, la médecine », rappelle Ivan Haris Prikurnia, chargé de réaliser un documentaire sur Cheng Ho pour la télévision privée SCTV. Son reportage sera diffusé pour le ramadan en Indonésie, dont les 220 millions d’habitants sont musulmans à 90 %. Cela afin de souligner que Cheng Ho était musulman et que l’islam s’est diffusé à Java dans son sillage. Ce point est important dans un immense archipel où il est souvent répété que l’islam est entré par la province d’Aceh, la « véranda » de l’islam à l’extrémité de Sumatra, tout à l’ouest. « Il y a neuf hommes qui ont introduit l’islam en Indonésie. Parmi eux, quatre étaient chinois », affirme M. Prikurnia en suggérant que cette réalité ne plaît pas à tout le monde.
Toute l’originalité du respect syncrétique suscité par Cheng Ho tient justement en cela : les indigènes le révèrent en tant que musulman, les immigrants chinois en tant que grand homme ayant fait rayonner l’influence de l’empire du Milieu. La même dévotion à l’explorateur se vérifie ailleurs : dans la grande ville de Surabaya par exemple, une pièce de bois massif censée provenir d’un bateau du marin est conservée sous verre, telle une relique.
Aujourd’hui encore, Cheng Ho sert de trait d’union dans la mosaïque ethno-religieuse javanaise. Le puissant Golkar, le parti politique de l’ancien dictateur Suharto, l’a bien compris en organisant un colloque centré sur l’amiral. « Nous voulons montrer notre attention envers cette communauté (des Chinois musulmans) », a confié à l’AFP Bambang Sadono, qui préside le Golkar dans la province. Il estime que 10 à 20 % des Chinois de la région sont musulmans.
Le consensus attaché à Cheng Ho n’a pas toujours été de mise entre les Malais et les Chinois très minoritaires en Indonésie. Ces derniers, relégués à un statut de citoyens de seconde classe sous le régime autoritaire de Suharto, avaient été la cible d’une vague de violence en 1998, avec de nombreux meurtres et pillages.
Le temple chinois de Sam Po Kong, dans le port javanais de Semarang, est zébré de guirlandes de lampions. Depuis plusieurs jours est célébré l’accostage ici même, il y a 600 ans, de Cheng Ho, le plus fabuleux navigateur chinois. Également connu sous le nom de Zheng He, l’amiral eunuque et musulman est l’objet d’un véritable culte dans plusieurs villes du monde malais, autour de la...
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