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Actualités - OPINION

commentaire - Une issue pour l’Irak

Par Carolyn HAYMAN La situation en Irak en est arrivée au point où tout le monde désire ostensiblement la même chose : le départ des forces de coalition. La divulgation récente d’une note confidentielle du ministère de la Défense britannique sur le retrait des troupes vient souligner cette aspiration. La seule question est de savoir comment la satisfaire. Tant que les forces de la coalition resteront, la violence ne fera qu’augmenter. Cependant, si elles partent, l’escalade de violence aura lieu quand même, et plus vite encore. La vraie question est de savoir comment parvenir en Irak à organiser une armée et une police à qui l’on peut faire confiance pour faire respecter la loi et l’ordre. Il reste beaucoup de chemin à faire pour approcher ce but. Malgré le courage de nombreux Irakiens qui rejoignent les rangs de la police ou de l’armée, cela ne surprend personne que certains aient des motivations moins que pures. Dans le nord de l’Irak, on règle de vieux comptes et la ségrégation ethnique est introduite de fait dans certaines zones traditionnellement mélangées, comme Irbil. Dans d’autres régions, la charia est imposée. Comment l’Irak peut-il créer des corps susceptibles de faire appliquer la loi avec efficacité et impartialité, sans considération d’ethnie, de religion ni de genre ? La réponse traditionnelle est de recruter, former, et inculquer les « bonnes valeurs ». Mais le temps manque. Il faut trouver d’autres moyens. En l’absence d’un système de valeur profondément enraciné, l’Irak a besoin d’associations ancrées dans la société civile, à qui la police et l’armée devront rendre des comptes. Elles pourraient prendre diverses formes, mais le plus important est qu’elles soient vraiment étendues au niveau local, et qu’elles disposent du soutien des autorités du district, de la région et du pays lorsqu’elles signalent des abus. Si une surveillance locale est mise en place, complétée et reconnue au niveau national, alors la plupart des membres des forces militaires et policières se comporteront sans doute de façon appropriée, et dans le cas contraire, il sera plus simple de les identifier et de les gérer. De telles mesures peuvent apparaître démesurément optimistes, et pourtant, en Afghanistan, un pays qui ressemble à l’Irak sous beaucoup d’aspects, de nombreux groupes travaillent ainsi. La Cooperation for Peace and Unity (CPAU) donne un modèle de la façon d’opérer. En Afghanistan, comme en Irak, la priorité des gens ordinaires a été de réduire la violence. La CPAU a travaillé dans tout le pays au cours des trois dernières années pour mettre en place des comités de paix au niveau des districts, soutenus par des Conseils de paix satellites dans les villages. Cette initiative affronte une culture dans laquelle la violence est si profondément ancrée que les enfants, à une époque, apprenaient l’arithmétique en comptant les soldats soviétiques morts. Les comités ont donc essayé de rassembler tous les groupes de la communauté, notamment les enseignants, les dirigeants tribaux, les chefs religieux, les femmes, la police, les juges et les hommes d’affaires, afin de concevoir des manières de résoudre les conflits sans violence. Même si les comités ne jouaient pas officiellement un rôle de contrôle jusqu’à présent (c’est prévu à l’avenir), le simple fait que la police, l’armée et la justice en fassent partie les met en contact avec le reste de la communauté, permet un retour d’informations et contribue à l’établissement de relations de confiance. Certains résultats sont remarquables. Dans un des ateliers, le commandant militaire local est venu passer quelques heures par courtoisie et a fini par rester toute la semaine. Il est parti en s’excusant pour son passé violent et s’est engagé à désarmer son armée privée de 2 000 hommes. Il rend aujourd’hui régulièrement visite aux bureaux du comité. En Irak, des projets comme le Humanitarian Liaison Center de Kirkouk commencent à remplir une fonction de surveillance en offrant à la population aux diverses ethnies l’opportunité d’exposer ses doléances et d’obtenir une aide pour résoudre ses problèmes. Mais, trop souvent, même dans le cas d’un procès, le jugement n’est pas appliqué, car les victimes cèdent à la menace. Les forces américaines et britanniques ont déjà bien œuvré à renforcer la société civile. Pourtant, nous n’entendons pas parler des ateliers d’émancipation des femmes, ou du succès de l’organisation d’élections locales à petite échelle dans le pays. Mobiliser la société civile représente un énorme défi, particulièrement quand, comme en Irak, cela doit se faire rapidement et à grande échelle. Les forces militaires restent nécessaires, mais tout autant que les encouragements au désarmement, qui peuvent prendre la forme de perspectives d’opportunités économiques plus fructueuses que le crime et le vol. Fort heureusement, une telle organisation de la société civile est aussi peu onéreuse qu’importante. L’association Humanitarian Liaison Center traite tout Kirkuk pour un coût annuel de 75 000 $US. Avec 10 millions de dollars, on pourrait mettre en place une centaine de centres du même genre, et il resterait de la monnaie. Il s’agit maintenant de s’engager dans cette direction, de soutenir sans faillir le peuple courageux qui relève le défi de demander des comptes au pouvoir. À défaut, le peuple irakien risque de ne pas connaître la sécurité dont il a désespérément besoin après tant d’années de souffrance. Carolyn Hayman dirige le projet Peace Direct. © Project Syndicate, 2005. Traduit de l’angais par Bérengère Viennot.
Par Carolyn HAYMAN

La situation en Irak en est arrivée au point où tout le monde désire ostensiblement la même chose : le départ des forces de coalition. La divulgation récente d’une note confidentielle du ministère de la Défense britannique sur le retrait des troupes vient souligner cette aspiration. La seule question est de savoir comment la satisfaire.
Tant que les forces de la coalition resteront, la violence ne fera qu’augmenter. Cependant, si elles partent, l’escalade de violence aura lieu quand même, et plus vite encore. La vraie question est de savoir comment parvenir en Irak à organiser une armée et une police à qui l’on peut faire confiance pour faire respecter la loi et l’ordre. Il reste beaucoup de chemin à faire pour approcher ce but. Malgré le courage de nombreux Irakiens qui rejoignent les rangs...