L’armée israélienne craint un phénomène croissant de désobéissance aux ordres d’évacuer les colons de la bande de Gaza, après qu’un soldat eut mis la crosse en l’air dimanche devant les caméras. Le caporal Avi Bieber, lui-même colon de Cisjordanie, a été condamné hier à 56 jours de prison ferme pour refus d’obéir aux ordres et menaces envers l’un de ses officiers. Bieber a fait la une de la presse après avoir été filmé scandant des slogans nationalistes hostiles au retrait et refusant de participer à la démolition de bâtiments près de Rafah, région du sud de la bande de Gaza frontalière de l’Égypte. Cette opération a tourné au pugilat avec des colons ultras, que le Premier ministre Ariel Sharon a qualifiés hier d’ « extrémistes qui violent la loi et mettent en péril l’existence d’Israël comme État juif démocratique en appelant à la désobéissance » à l’armée. « Ces débordements doivent cesser, il faut éviter qu’une minorité d’extrémistes, qui ne représente pas les colons, remette en question les décisions du gouvernement et de la Knesset (Parlement) », a ajouté M. Sharon qui a initié le « plan de désengagement » de Gaza. Le chef d’état-major Dan Haloutz, qui doit appliquer le plan de retrait, a même reçu une lettre de menaces anonyme à son bureau émanant des milieux extrémistes, a indiqué la police. Selon Y-Net, le journal en ligne du Yediot Aharonot, les menaces visent surtout la famille du général Haloutz. Les colons et l’extrême droite font campagne sur le thème « un juif n’évacue pas un juif », pour protester contre l’évacuation à partir de la mi-août de la bande de Gaza des soldats et quelque 8 000 colons israéliens, de même que 400 colons de quatre implantations isolées du nord de la Cisjordanie. Dans un fascicule très largement distribué, ils recommandent aux soldats : « Persuadez vos camarades de refuser d’obéir. Dites à votre commandant que vous refusez, même au risque d’être emprisonné. Dites que vous ne pouvez pas participer à ce genre de mission, ou faites-vous tout simplement porter malade. » Un témoin a raconté avoir récemment vu à plusieurs reprises un ruban orange, la couleur des colons de Gaza devenue celle des opposants au retrait, accroché aux jeeps de l’armée circulant près du Goush Katif, le principal bloc d’implantations de la bande de Gaza. « La désobéissance est un phénomène dangereux, et l’armée y fera face avec toute la sévérité requise », a affirmé dans un communiqué le ministre de la Défense, Shaoul Mofaz. Outre le caporal Bieber, cinq militaires ont refusé depuis janvier d’obéir à des ordres liés au retrait, mais un seul a été démis de ses fonctions et les autres n’ont pas été punis, a indiqué le quotidien Maariv. Selon le journal, au moins 25 militaires, dont huit membres des unités combattantes du contingent, les autres étant des parachutistes ou des fantassins réservistes, ont indiqué qu’ils refuseraient de participer au retrait et ont pris contact avec un cabinet d’avocats. Le Haaretz a signalé que des membres d’une unité de réservistes dépendant du rabbinat de l’armée ont fait savoir qu’ils ne répondraient pas à leur rappel sous les drapeaux en vue du transfert en territoire israélien des cimetières et synagogues des colons appelés à être évacués. Ils risquent de 28 jours à deux ans de prison ferme. Contacté par l’AFP, le porte-parole de l’armée n’a pas été en mesure de confirmer ou démentir ces informations. Dans les prochaines semaines, des dizaines de psychologues de l’armée « prépareront mentalement » les soldats et la police au retrait, selon le lieutenant-colonel Tsur Keren, chef du département psychologie des forces terrestres. Charly WEGMAN/AFP