Le non sans appel à la Constitution européenne a mis en lumière les fractures sociales de la France, et la coupure profonde entre les électeurs et leurs dirigeants politiques qui avaient appelé à voter oui.
Plus qu’un refus de l’Europe, le rejet avec près de 55 % des suffrages du traité traduit avant tout les craintes des Français quant au chômage et à la situation économique, un terrain sur lequel leurs dirigeants, le président Jacques Chirac en tête, ont été impuissants à les rassurer.
Ces craintes révèlent un profond clivage entre la « France d’en bas », plus rurale et populaire, inquiète de son avenir, et celle des « élites », plus citadines, plus riches et plus optimistes.
Un sondage réalisé après le vote par l’institut TNS-Sofres et Unilog est à ce sujet révélateur. La première raison invoquée (à 46 %) par les électeurs ayant voté non est que le traité « va aggraver le chômage en France », qui atteint déjà 10,2 % de la population active. En deuxième position (40 %), les électeurs qui ont voté non ont voulu exprimer un « ras-le-bol vis-à-vis de la situation actuelle ».
Pour les partisans du oui, la principale motivation n’était pas d’ordre social, mais de « renforcer l’Union européenne » face aux puissances comme les États-Unis, la Chine et l’Inde, avec 52 % de réponses.
Ce sont sans surprise les ouvriers, les agriculteurs, les chômeurs et les salariés touchant moins de 3 000 euros par mois, dont les emplois sont souvent les plus menacés par les délocalisations d’entreprises vers les nouveaux pays membres de l’UE, qui ont rejeté en bloc le traité, selon un sondage de l’Institut Ipsos.
Les retraités et les étudiants ont à l’inverse dit oui au traité. Mais selon les tranches d’âge, seuls les plus de 65 ans lui ont été majoritairement favorables.
« Quand il s’agit d’Europe, on n’est plus dans le clivage gauche-droite », a estimé Pascal Perrineau, directeur du Centre d’études de la vie politique française, même si les sympathisants de gauche ont majoritairement voté non. « C’est beaucoup plus un clivage entre ce qu’on pourrait appeler une société qui fait confiance à l’ouverture politique et économique, et une société inquiète qui a tendance à se replier davantage sur la nation », a-t-il expliqué à la télévision.
Pour le chef de file du non de gauche, l’ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius, il y a deux France, non pas « celle d’en haut – les élites de Paris – et celle d’en bas – le peuple de province », mais la France « qui envisage son avenir et celui de ses enfants avec confiance » et celle « dépossédée de son destin, comme privée d’espérance ».
Paris n’a pas du tout voté comme la province. Le oui a obtenu plus de 66 % des voix dans la capitale et fait de bons scores dans les autres grandes villes, à l’exception d’agglomérations plus « ouvrières » comme Marseille (Sud) ou Lille (Nord).
À l’opposé, le non a raflé la mise presque partout dans les zones rurales, avec le symbole du petit hameau de Balignac (Sud), au cœur de la « France profonde », où les électeurs ont rejeté le traité à 100 %.
De nombreuses régions de l’Alsace, frontalière de l’Allemagne, ou des Pyrénées, limitrophes de l’Espagne, qui avaient dit oui à Maastricht en 1992, ont basculé dans le non.
Enfin, les 1,5 million d’électeurs des territoires français des Antilles ou de Polynésie, la Nouvelle-Calédonie, l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon au large de Terre-Neuve (Canada), ont approuvé le traité, à l’instar des Français vivant à l’étranger, sauf l’île de la Réunion qui l’a rejeté.
Sylvie BRIAND (AFP)
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Le non sans appel à la Constitution européenne a mis en lumière les fractures sociales de la France, et la coupure profonde entre les électeurs et leurs dirigeants politiques qui avaient appelé à voter oui.
Plus qu’un refus de l’Europe, le rejet avec près de 55 % des suffrages du traité traduit avant tout les craintes des Français quant au chômage et à la situation économique, un terrain sur lequel leurs dirigeants, le président Jacques Chirac en tête, ont été impuissants à les rassurer.
Ces craintes révèlent un profond clivage entre la « France d’en bas », plus rurale et populaire, inquiète de son avenir, et celle des « élites », plus citadines, plus riches et plus optimistes.
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