BOGOTA, de Roméo LANGLOIS et Pascale MARIANI
Trafiquants de drogue, pornographes, mais aussi chauffards, et maintenant vendeurs d’armes aux escadrons de la mort... Ces derniers temps, les soldats américains en mission en Colombie se sont illustrés dans les affaires les plus sordides. Et à l’indignation générale, le scénario est invariable : protégés par une immunité diplomatique à toute épreuve, ils échappent systématiquement à la justice de ce pays.
La semaine dernière, un nouveau scandale a achevé d’écœurer les Colombiens. Un lieutenant-colonel et un sergent américains ont été arrêtés dans un complexe touristique en possession d’un important stock de munitions made in USA. Les balles étaient censées servir à l’entraînement des soldats colombiens dans le cadre de la lutte antidrogue et antiguérilla. Mais les enquêteurs sont formels : les deux instructeurs de tir s’apprêtaient à les vendre aux paramilitaires d’extrême droite, convaincus de narcotrafic et responsables de milliers d’assassinats de civils soupçonnés de collaborer avec la guérilla.
Contre l’avis du ministère public, les deux ressortissants américains ont été promptement remis à leur ambassade. L’ambassadeur William Wood, pour qui « immunité ne veut pas dire impunité », a certes promis un châtiment exemplaire. Mais les Colombiens commencent à trouver indécent cet accord de 1962 qui consacre l’immunité juridique du personnel américain opérant sur leur sol dans le cadre des programmes de coopération militaire. « C’est un comble, s’insurge à Bogota une jeune avocate. On extrade à tour de bras aux États-Unis nos concitoyens accusés de narcotrafic et les gringos, chez nous, se croient tout permis. »
Huit cents soldats et six cents « conseillers civils » encadrent aujourd’hui dans les bases colombiennes la guerre sans fin contre les groupes « narcoterroristes ». Le 28 mars, quatre d’entre eux, des instructeurs antidrogue, ont atterri au Texas avec 16 kg de cocaïne à bord d’un avion militaire en provenance de Colombie. Les services de renseignements du pays andin, qui avaient pourtant décelé un trafic de grande ampleur remontant à 2003, avaient dû les laisser décoller. Les « narcosoldiers », selon l’expression de la presse nationale, ont ainsi fait l’économie d’une honteuse comparution devant une cour colombienne. Au même titre que ce militaire américain ivre au volant accusé d’avoir écrasé deux soldats colombiens. Ou que cette épouse de diplomate qui, en 1999, envoyait de la cocaïne à New York par la valise diplomatique.
Protagonistes de quelques affaires vite étouffées, les « contractuels » civils ne sont pas en reste. Des pilotes de la Dyncorp, une société d’aviation privée chargée par le Pentagone de déverser des milliers d’hectolitres de défoliants sur les champs de coca, ont été impliqués en 2000 dans un trafic d’héroïne, et l’un d’eux serait mort d’overdose dans une base amazonienne. Dans un tout autre genre, en 2004, la commercialisation sous le manteau de DVD pornos mettant en scène de jeunes Colombiennes et des militaires américains avait été du plus mauvais effet.
De plus en plus de personnalités colombiennes réclament aujourd’hui la révision des accords d’immunité en vigueur, jetant dans l’embarras le gouvernement du président Alvaro Uribe. Le plus docile allié régional de Washington n’a guère l’intention de mettre en péril les 700 millions de dollars annuels d’aide militaire américaine.
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