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CINÉMA - Un voyage au bout de soi Katia Jarjoura, l’amour, la mort, la guerre (photo)

Son dernier film, un documentaire intitulé L’appel de Kerbala, vient d’être diffusé sur Arte. Surprenant, fort, il est surtout franc, courageux et objectif. Comme sa réalisatrice, Katia Jarjoura. Qui ne craint rien, ni les mots, ni les images, ni toutes ces aventures qui l’ont menée d’Inde en Iran et d’Irak en Palestine et au Liban, avec pour seuls compagnons, un sac à dos, une caméra et une rage presque inconsciente de pousser ses propres limites jusqu’à l’extrême. Du Canada où elle a passé la plus grande partie de sa vie, elle a gardé un léger accent, des souvenirs d’enfance et l’envie de partir voir comment le monde est fait. L’autre monde, celui de sa famille, libanaise; celui de tous ces conflits, de toutes ces victimes qui n’avaient pas de visages, pas encore d’histoires. Caméra au poing et une détermination presque suicidaire dans le ventre, Katia Jarjoura a vécu et filmé ses périples, jusqu’à l’épuisement. Aujourd’hui, après L’appel de Kerbala, qui fut l’ultime épreuve, elle affirme: «Une partie de moi est morte en Irak, je ne suis plus la même.» Pourtant, cette femme pleine d’énergie, de mots clairs qui se bousculent, semble déjà renaître à la vie, à ses envies. Mais avec une prudence de mise. La révélation «Je suis née avec la guerre civile libanaise, confie Katia, un mois après son déclenchement. Mon père est libanais, ma mère franco-québécoise. Je suis venue la première fois au Liban à 2 ans, puis à 11.» Après une première année en médecine, et parce qu’elle voulait devenir médecin sans frontières, elle part en Inde, seule, comme toujours. «C’était révélateur. Je me suis laissée emporter par ce royaume encore inconnu.» Elle se rend à Calcutta, travaille auprès de Mère Térésa dans le tristement célèbre «mouroir». «J’aidais les gens à mourir. Chaque expérience me faisait vieillir de dix ans.» Tombe elle-même malade, frôle la mort et se remet à la vie. Son retour, et après une parenthèse d’une année où elle fait le tour des USA en auto-stop, à la recherche «d’états d’être», Katia décide d’entreprendre des études de journalisme et de politique, stimulée surtout par l’amour du voyage et de l’écriture. «À 21 ans, j’ai commencé à prendre conscience que j’étais libanaise et que je portais cette guerre en moi. L’identité est une chose que l’on s’approprie.» Intéressée, puis fascinée par le Moyen-Orient, elle dévore les livres, multiplie les recherches. Les premières se feront sur l’invasion israélienne du Liban. Sur le terrain, c’est au Liban-Sud qu’elle se rend et découvre le chiisme et en est toute imprégnée. «C’est comme quand on tombe amoureux, un vrai coup de foudre dans ma vie.» Le terrain, ce sera aussi, et bien évidemment, la frontière israélienne, l’Iran et, enfin, l’Irak. Naîtront des rencontres et puis des films: Entre deux fronts, réalisé en 2001-2002, qui parle de quatre personnages, deux collaborateurs et deux résistants qui subissent l’occupation israélienne, ou encore Princes de la guerre, seigneurs de la paix, un documentaire de 52 minutes qui donne la parole à quatre leaders politiques libanais, faisant ainsi avec eux un bilan, 12 ans après la fin de notre guerre. En octobre 2003, Katia repart à la recherche d’images fortes, d’individus saisissants, fascinée par la légende de Hussein. «Une vraie passion, comme la passion du Christ.» Ce film, elle le fera. Même seule, même sans argent. L’appel de Kerbala, qui traite du pèlerinage des chiites sur la route de Kerbala pour le rituel anniversaire de la mort de Hussein, devient un appel et un pèlerinage personnel et intime qui la transportent au-delà du raisonnable. «J’ai eu des problèmes de santé, mon cameraman m’a plaquée à minuit, la veille du départ, je n’avais pas d’équipements, j’étais dans une vraie situation de survie.» Katia part quand même, accompagné d’un écrivain et d’un poète. «J’ai été trop loin dans ma démarche. Je voyais trop grand.» Le film, qui, dit-elle, n’est pas à la hauteur de ses ambitions et de ses souffrances, «ne devait que donner un grand film. Or c’est un film plaisant, informatif». Il reste tout de même, pour le spectateur objectif que nous sommes, un film intéressant et prenant. «Je n’ai pas envie de passer seulement pour une personne téméraire. Ce que je fais, je le fais aussi pour cet échange qui se crée entre les êtres, dans des conditions difficiles. Pour connaître la douleur des autres, donner et prendre.» À peine sortie de cette dernière épreuve, Katia, qui vit à présent au Liban, pense prudemment à ses deux nouveaux projets, un long-métrage et l’adaptation d’une nouvelle de Marguerite Duras. Ils parleraient, encore une fois, de «l’amour, la mort, la guerre, trois thèmes qui reviennent tout le temps dans mes histoires» et dans sa vie. «Je les ai choisis, c’est plus fort que moi. C’est une pulsion de vie, une pulsion de mort.» Carla HENOUD Filmographie – 2001: Assistante à la réalisation et seconde caméra pour un documentaire intitulé Holy Land Divided pour le National Geographic. – 2001-2002 : Réalisation et coproduction de Entre deux fronts, un documentaire de 52 minutes. Ce film a obtenu le prix du meilleur film libanais au Festival des films arabes de Beyrouth, al-Cinama’iya, et le prix du meilleur documentaire au Festival ismaélien en Égypte. Réalisation de Princes de la guerre, seigneurs de la paix, un documentaire de 52 minutes. – 2004 : Réalisation de Décalage, un court-métrage de fiction de 7 minutes. Réalisation de L’appel de Kerbala, un documentaire de 70 minutes.

Son dernier film, un documentaire intitulé L’appel de Kerbala, vient d’être diffusé sur Arte. Surprenant, fort, il est surtout franc, courageux et objectif. Comme sa réalisatrice, Katia Jarjoura. Qui ne craint rien, ni les mots, ni les images, ni toutes ces aventures qui l’ont menée d’Inde en Iran et d’Irak en Palestine et au Liban, avec pour seuls compagnons, un sac à dos, une...