Par le passé, la précipitation intentionnelle de la mort d’un individu a toujours été considérée comme un crime, quelles que soient les circonstances. Mais les attitudes publiques ont changé. Assister une personne qui a explicitement demandé à mourir est de plus en plus vu comme une action justifiable, tout particulièrement dans le contexte d’une maladie...
Actualités - OPINION
Commentaire - La mort assistée : de « devons-nous le faire ? » à « qui doit le faire ? »
Par Bosshard Georg , le 19 avril 2005 à 00h00
Par le Dr Georg Bosshard*
Par le passé, la précipitation intentionnelle de la mort d’un individu a toujours été considérée comme un crime, quelles que soient les circonstances. Mais les attitudes publiques ont changé. Assister une personne qui a explicitement demandé à mourir est de plus en plus vu comme une action justifiable, tout particulièrement dans le contexte d’une maladie en phase terminale. Telle est la conclusion qui ressort de tous les sondages d’opinion réalisés dans les pays occidentalisés.
Les corps législatifs sont néanmoins prudents lorsqu’ils envisagent des possibles amendements à la loi. Jusqu’à présent, seuls les Pays-Bas, la Belgique et l’État de l’Oregon aux États-Unis ont mis en place une législation explicite. Mais des débats politiques sérieux sur des changements légaux similaires sont organisés dans plusieurs autres pays, notamment le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud et l’Australie.
Comme l’opposition inflexible à la réglementation légale de la mort assistée s’affaiblit, les problèmes «d’applicabilité» pratique prennent par là même plus d’ampleur. Reste, bien-entendu, la question de savoir qui sera habilité à pratiquer une mort assistée. Cela devrait-il être uniquement la personne malade en phase terminale? Les stades précoces de la maladie d’Alzheimer devraient-ils, par exemple, être considérés? Ou même toute maladie ou handicap grave et incurable? Et en ce qui concerne les personnes qui veulent mourir pour une raison qui n’a strictement aucun lien avec leur état médical?
Demeure également une autre question essentielle qui n’a pas encore reçu l’attention qu’elle mérite : qui doit en fait endosser la responsabilité d’une telle assistance ? Les débats publics suggèrent souvent que c’est là une tâche dévolue au corps médical. Ils font également parfois référence à la pratique hollandaise qui permet aux médecins de mettre fin à la vie de leurs patients si ceux-ci le demandent explicitement, tant que certaines conditions préalables de pratique normale sont remplies. L’assistance à la mort dispensée par un individu non médecin demeure illégale. Dans un tel cadre médicalisé, il est moralement et légalement presque hors de propos de savoir qui administre finalement le médicament mortel : si les médecins participent étroitement au processus, il n’existe aucune raison les empêchant d’administrer le médicament mortel eux-mêmes.
Bien que la Belgique ait récemment adopté le mode hollandais de réglementation de l’euthanasie active volontaire dans un cadre strictement médicalisé, c’est précisément ce type de réglementation qui est de plus en plus contesté. Les médecins ont souligné que, tout en reconnaissant qu’une majorité grandissante de la population souhaite la mise en place d’un tel service, la précipitation intentionnelle de la mort reste toujours incompatible par sa nature avec les objectifs premiers de la médecine.
À cet égard, la loi Death with Dignity (La mort avec dignité) de l’État de l’Oregon constitue une loi intéressante. Bien évidemment, toute réglementation dans ce domaine requiert au minimum l’implication d’un médecin, mais cette loi reconnaît le dilemme fondamental auquel sont confrontés les médecins face à la demande d’un patient et elle s’efforce de garder cette implication à un degré minimum.
Les médecins en Oregon peuvent rédiger une ordonnance pour une substance mortelle à la demande explicite d’un patient en phase terminale, sous réserve qu’ils puissent confirmer le pronostic fatal et la capacité décisionnelle du patient, et qu’ils aient informé le patient des autres alternatives réalisables possibles comme les soins palliatifs ou le contrôle de la douleur. Les médecins ne sont pas obligés d’être présents lors du suicide et ils ne sont pas autorisés à administrer le médicament mortel.
En Oregon, le patient décide, indépendamment du médecin, du lieu et du moment où il souhaite mourir, ou même pas du tout. Compassion in Dying, une société pour le droit de mourir et une ONG non médicale, se penche de manière consultative sur la plupart de ces cas.
De manière tout à fait intéressante, des recherches menées sur la logique des individus qui ont légalement précipité leur mort dans le cadre de la loi Oregon Death with Dignity révèlent que la peur de la douleur et d’autres symptômes pénibles ne constituaient pas une préoccupation majeure dans la plupart des cas. Les questions d’indépendance personnelle, de conservation du contrôle et de volonté de ne pas devenir un fardeau pour la famille, les amis ou les soignants se sont plutôt révélées être les principales raisons de leur choix.
De récents développements aux Pays-Bas ont également montré que l’euthanasie est débattue davantage dans le contexte de l’autonomie, du contrôle et du choix rationnel plutôt que de celui des symptômes médicaux incontrôlables. La décision, dans ce genre de cas, est fondée essentiellement sur des considérations personnelles et sociales plutôt que sur des considérations médicales.
Étant donné que ce cadre s’étend bien au-delà de toute expertise médicale, il n’est pas surprenant de voir qu’aucune association médicale dans le monde entier n’a jusqu’à présent adopté la réglementation hollandaise. Tandis que la Royal Dutch Medical Association ne s’oppose pas au rôle du corps médical dans la pratique de l’euthanasie, des preuves actuelles suggèrent une réticence continue de la part des médecins hollandais à signaler des cas d’assistance à la mort aux autorités, et un retour à des pratiques plus proches d’un contexte médical, telles que la sédation terminale.
De grandes tensions se manifestent ainsi dans les pays entre la manière dont le public et dont les médecins envisagent un possible contrat dans le domaine de la mort assistée. La situation actuelle pourrait être décrite comme une lutte de pouvoirs pour savoir qui sera chargé d’un service demandé par de plus en plus d’individus, mais pour lequel aucun degré d’expertise professionnelle ne peut garantir entièrement la justesse de la décision. Au même moment, toute décision erronée comporte des conséquences d’une portée considérable et irréversible.
Il a été dit que la mort assistée joue un rôle central dans le débat sur la définition d’une « bonne mort » ; elle est également au cœur de la relation entre le corps médical et la société dans son ensemble.
*Le Dr Georg Bosshard est chercheur à l’Institut de médecine légale de l’Université de Zürich.
© Project Syndicate – Traduit par Valérie Bellot.
Par le Dr Georg Bosshard*
Par le passé, la précipitation intentionnelle de la mort d’un individu a toujours été considérée comme un crime, quelles que soient les circonstances. Mais les attitudes publiques ont changé. Assister une personne qui a explicitement demandé à mourir est de plus en plus vu comme une action justifiable, tout particulièrement dans le contexte d’une maladie...
Par le passé, la précipitation intentionnelle de la mort d’un individu a toujours été considérée comme un crime, quelles que soient les circonstances. Mais les attitudes publiques ont changé. Assister une personne qui a explicitement demandé à mourir est de plus en plus vu comme une action justifiable, tout particulièrement dans le contexte d’une maladie...
Les plus commentés
La nouvelle ère sera aussi celle des chiites... ou ne sera pas
Entre Salam et le Hezbollah, la glace est officiellement brisée
« Ils n'ont rien voulu entendre » : entre Bassil et le Hezbollah, le fossé ne cesse de se creuser