Par Abbas EL-HALABI *
Pour parler de Jean-Paul II, je me permets de reprendre l’une de ses plus célèbres formules. Le pape a dit « le Liban est plus qu’un pays, il est un message par son pluralisme ». À mon avis, il n’est point exagéré de dire que le pape lui-même était plus qu’un pape, il représentait un message de tolérance, d’amour et de rencontre avec l’autre.
Il est impossible de parler de notre époque si riche en événements et bouleversements sans y voir la marque de cet évêque venu de Pologne, devenu pape sous le nom de Jean-Paul II. Son action marquera l’histoire de l’humanité pour des décades, voire des siècles.
La relation de Sa Sainteté avec notre patrie est ce qui nous intéresse peut-être le plus actuellement, ainsi que sa relation avec les musulmans en général et les druzes en particulier.
Le Liban occupait une place très importante dans le cœur du pape. La convocation d’une assemblée spéciale du synode des évêques, à la fin de la guerre civile, et l’approbation du document de l’entente nationale manifestent l’intérêt qu’il portait à notre pays. La convocation du synode ne s’est point limitée aux chrétiens, mais elle s’adressait à toutes les personnes de bonne foi. D’où sa dimension humaine.
Les confessions musulmanes ont répondu à cette noble initiative pour que les Libanais ne ratent pas cette occasion de rencontre et d’échanges sur leur destin commun, après une époque difficile au cours de laquelle ils se sont entretués, détruisant leur pays et ouvrant la voie à l’ingérence extérieure qui consacrera des conjonctures politiques dont nous continuons de souffrir.
L’intérêt porté par Sa Sainteté aux relations islamo-chrétiennes se reflète aussi dans l’importance qu’il accordait au document Nostra Aetate du concile Vatican II. D’aucuns considèrent que ce document n’a pas suffisamment évoqué l’islam en tant que religion, mais selon un texte qui lui est postérieur, Lumen Gentium, le salut englobe ceux qui reconnaissent le Créateur et, en premier lieu, les musulmans, qui héritent de la foi d’Abraham.
Partant de cette règle théologique, le pape a aussi développé la position du Vatican face à l’islam et l’a clarifiée dans un grand nombre d’initiatives et d’événements. C’est ainsi qu’il a ouvert des canaux de dialogue avec les centres musulmans les plus importants au monde, tels al-Azhar, l’Iran, l’Arabie saoudite et d’autres pays musulmans.
L’ouverture du pape Jean-Paul II à toutes les religions fut concrétisée par sa convocation à la rencontre des religions célestes et non célestes, en 1986, à Assise où il fut entouré par les représentants de toutes ces religions. Cette date constitue un tournant et une étape fondamentale vers le renouveau des relations entre les catholiques d’une part, et les autres religions d’autre part.
Sur le plan personnel, j’ai pu faire la connaissance de Sa Sainteté à l’occasion du synode sur le Liban, où j’ai représenté la communauté druze. Je ne peux oublier le dîner auquel j’ai assisté avec six autres invités dans son appartement privé, au cours duquel Jean-Paul II, en signe de respect à l’égard de ses convives musulmans, s’est abstenu d’offrir du vin. Je fus impressionné par la vivacité de sa conversation et sa maîtrise des langues, de même que par sa connaissance profonde de la situation au Liban, des détails de la vie des Libanais et des relations entre ses diverses communautés.
Je témoigne que cet homme pieux, rayonnant de foi, dont la spiritualité paraît dans la personnalité et les œuvres, est un saint.
Avec la disparition du pape Jean-Paul II, l’homme nous quitte, son message demeure.
* Représentant de la communauté druze au sein du comité national pour le dialogue islamo-chrétien.
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