Les opérations de conversion de la livre libanaise vers le dollar ont porté sur un peu moins de 7 000 milliards de livres en un mois, soit environ 4,5 milliards de dollars. C’est ce qui apparaît à la lecture de l’évolution de la masse monétaire (cf. tableau ci-dessous), en particulier l’agrégat M2 qui est passé, de 25963 milliards de livres le 10 février, à 25 841 milliards de livres le 17 février, à 18 744 milliards de livres le 17 mars. En soustrayant 18 744 milliards de 25 841, on obtient 7 097 milliards de livres. Pour avoir le chiffre exact des conversions il faudrait pourvoir déduire le montant de la monnaie locale en circulation. Résultat, le taux de dollarisation des dépôts a atteint les 80 %, comme l’a déclaré avant-hier le président de l’Association des banques, Joseph Torbey.
Le phénomène n’est pas inquiétant outre mesure, tant que la masse monétaire globale reste stable, c’est-à-dire tant que les transferts de fonds vers l’extérieur restent limités. Ces derniers n’excéderaient pas 1,5 milliard de dollars, selon Makram Sader, secrétaire général de l’Association des banques. En revanche, les opérations de conversion et les pressions qu’elles occasionnent sur le marché des changes ont un coût. Les banques assument une grande partie de ce coût, mais les dernières opérations de swaps sont destinées à en reporter une partie sur le Trésor et la Banque centrale, explique Makram Sader.
Les banques ont en effet relevé les taux qu’elles offrent aux déposants sur la livre pour les inciter à conserver leurs dépôts en monnaie locale. En moyenne, elles leur versent du 9 %, sachant que certains très gros déposants obtiennent du 12 %. En contrepartie, elles ne perçoivent pas plus de 7 % en moyenne sur leurs placements en livres.
Depuis septembre dernier, les rendements sur les bons du Trésor avaient en effet atteint des plus bas historiques, à 5,22 % pour les bons à trois mois, 6,31 % pour les bons à six mois, 6,69 % pour ceux à un an, 7,74 % à deux ans et 8,68 % à trois ans.
Ce manque à gagner risque de se répercuter à terme sur la rentabilité des banques, or « préserver le secteur bancaire est tout aussi important que préserver la stabilité monétaire », estime Makram Sader. Les autorités monétaires ont donc pris l’initiative d’alléger une partie de ce fardeau à travers des swaps sur les bons du Trésor et les certificats de dépôts de la Banque centrale. Celle-ci a annoncé que tous les bons d’État et les certificats de dépôts seraient escomptés avec une prime de 1 %, 2 % et 3 % pour toute nouvelle souscription à des papiers dont l’échéance est respectivement allongée d’un, deux ou trois ans. De plus, des bons du Trésor seront émis à quatre ans et à cinq ans, avec des rendements respectifs de 10,3 % et de 11,3 %.
« Il faut noter que ces swaps ne portent que sur 3 000 à 4 000 milliards de livres, c’est-à-dire 20 % de la masse monétaire en livres libanaises, alors que l’effort consenti par les banques porte sur la totalité des dépôts en monnaie locale », souligne Makram Sader. Cette contribution permet en tout cas de ne pas reporter pour l’instant la pression sur les taux débiteurs, car un relèvement de ces taux risquerait d’aggraver le marasme économique.
Sibylle RIZK
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