Par Martin LEE*
Le 4 avril marque le 15e anniversaire de la promulgation de la Constitution de Hong Kong par l’Assemblée populaire nationale chinoise. Encore appelée Loi fondamentale, elle est supposée définir un cadre politique conforme au principe « un pays, deux systèmes » formulé par feu Deng Xiaoping qui accorde une grande part d’autonomie à Hong Kong.
Selon ce principe, le système économique capitaliste en vigueur à Hong Kong, l’État de droit et le style de vie devaient être préservés. Il prévoyait également que le chef de l’Exécutif et le Conseil législatif seraient issus du suffrage universel. Hormis la défense et les Affaires étrangères, Hong Kong devait rester maître de son destin.
En dépit de la promesse de suffrage universel qu’elle comporte, la Loi fondamentale restreint la vie démocratique sur les dix premières années qui suivent la rétrocession de Hong Kong à la Chine. Il en résulte que l’exercice effectif de la démocratie ne peut être envisagé avant 2007.
Lors de mon premier discours devant le Conseil législatif en 1985, j’ai dit que le principe « un pays, deux systèmes » ne peut fonctionner en l’absence de démocratie. Ainsi que Deng l’a dit au sujet de la Chine, « avec un bon système, même un homme diabolique ne peut faire le mal, mais si le système est mauvais, même le meilleur des hommes peut être forcé de faire le mal ».
En ce qui concerne Hong Kong, le seul bon système est la démocratie. Car dans un système démocratique, les dirigeants savent que c’est le peuple qui les a mis au pouvoir et qu’il pourra le leur retirer s’ils donnent l’impression de servir les intérêts de Pékin plutôt que ceux de Hong Kong.
Mais la mise en œuvre de la politique de Deng dépend de la bonne volonté de Pékin. Non seulement la Chine n’aurait pas dû se mêler des affaires intérieures de Hong Kong, mais elle aurait dû encourager la population de Hong Kong à défendre son système, bien petit en regard du sien.
Malheureusement, Pékin a d’autres projets. Le 1er juillet 2003, date du 6e anniversaire de la rétrocession, près d’un million de personnes sont descendues dans les rues de Hong Kong pour manifester pacifiquement contre un projet de loi restreignant la liberté de la presse, de religion et d’association. Cette manifestation a conduit à la suspension du projet de loi et finalement à son retrait, ainsi qu’à la démission du secrétaire à la Sécurité qui le proposait.
Mais cette manifestation a provoqué un changement radical de la politique de la Chine à l’égard de Hong Kong. Jusqu’alors, la Chine intervenait discrètement et non sans subtilité, laissant croire à l’opinion publique que c’était le chef de l’Exécutif, Tung Chee-hwa, qui était aux commandes. Mais à partir de ce moment-là le gouvernement chinois a adopté une approche beaucoup plus directe pour que la population de Hong Kong sache où est véritablement le pouvoir. Ainsi, le 4 avril 2004, la Chine a annoncé qu’elle avait décidé unilatéralement que Hong Kong ne connaîtrait pas la démocratie avant 2007, ceci sans fixer d’autre date.
Dernier épisode en date, Tung vient d’annoncer sa démission en mars. On pense généralement qu’il a été fortement incité à le faire ou carrément démis de ses fonctions par Pékin. Il avait été choisi par l’ex-président Jiang Zemin en 1996 qui l’a ensuite appuyé pour un second mandat en 2002. Mais il était impopulaire, car l’opinion publique estimait qu’il était une marionnette entre les mains de la Chine et qu’il était acoquiné avec de gros promoteurs, notamment avec Li Ka-shing, l’homme le plus riche de Hong Kong.
Même si l’élection du prochain chef de l’Exécutif ne doit pas avoir lieu avant juillet, la Chine a fait savoir que le choix se portera sur Donald Tsang qui assure actuellement l’intérim à ce poste. Et bien que la Loi fondamentale prévoie un mandat de cinq ans, la Chine insiste pour que le prochain chef de l’Exécutif ne reste en place que jusqu’au terme initialement prévu du mandat de Tung, le 30 juin 2007. Le message est clair : après presque huit ans de souveraineté chinoise, les dirigeants chinois n’ont suffisamment confiance en personne pour un mandat de cinq ans.
Cela en dit long sur la politique chinoise à l’égard de Hong Kong depuis 1997. Mais c’est le système qu’il faut changer, pas simplement les dirigeants. Le progrès, ce serait plus de confiance et de démocratie et non pas davantage de contrôle et de répression, ce qui transforme la Loi fondamentale en un simple chiffon de papier. L’application de la politique de Deng, c’est la démocratie qui est exprimée par le principe « un pays, deux systèmes » inscrit dans la Loi fondamentale.
« Le monde a le regard fixé sur nous », a déclaré en 1984 Margaret Thatcher qui était Premier ministre britannique, au sujet de la rétrocession de Hong Kong alors en préparation. Ce n’est peut-être plus vrai aujourd’hui, mais Taïwan au moins observe de près la situation.
* Martin Lee est le président fondateur du Parti démocratique de Hong Kong.
© Project Syndicate. Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Veuillez vous connecter pour visualiser les résultats
Les plus commentés
Et les armes alors ?
Entre la France et le Hezbollah, les relations sont maintenues malgré les critiques
Pour Trump, l’Amérique d’abord… même au détriment d’Israël ?