Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

commentaire Le point de vue d’un professeur de l’Université de Stanford Le directoire de la BCE doit s’ouvrir à tous les pays membres de l’UE

Par Melvyn KRAUSS * L’économiste en chef de la Banque centrale européenne (BCE), Otmar Issing, ne devrait pas prendre sa retraite avant mai 2006. Mais dans les coulisses, les manœuvres et les tractations politiques liées à la désignation de son successeur vont bon train. Si l’on en reste à la pratique en cours, le choix du titulaire de ce poste-clé se fera sur la base de sa nationalité et non de son mérite. Aujourd’hui, la seule certitude quant au successeur de M. Issing est sa nationalité : ce sera un Allemand. Cette situation tient au fait que les grands pays se comportent comme s’ils étaient propriétaires de leur siège au directoire de la BCE, considérant qu’il y a un siège pour l’Allemagne, un pour l’Espagne, un pour l’Italie, et ainsi de suite. Ils abusent ainsi de leur pouvoir, car le traité de Maastricht exclut la nationalité comme critère de choix. Cette manière de faire n’est que trop apparente. Il y a d’abord eu la nomination controversée de l’Espagnol Jose Manuel Gonzales-Paramo qui a remplacé son compatriote Domingo Solans au directoire en mai 2004. Et cette année, en mai, l’Italien Lorenzo Bini-Smaghi va remplacer un autre Italien, Tommaso Padoa-Schioppa, qui doit partir à la retraite. Quels que soient les mérites des uns et des autres, ces nominations constituent un dangereux précédent. La procédure est manifestement inéquitable, car lorsqu’un siège se libère, elle exclut les candidats des petits pays. Elle manque aussi de sagesse, car aujourd’hui comme hier, plusieurs parmi les meilleurs fonctionnaires de la BCE sont originaires des petits pays. Attribuer les sièges du directoire exclusivement à des ressortissants des grands pays fondateurs de l’UE diminue l’efficacité potentielle de cet organe. Le processus de désignation des membres du directoire permet aux grands pays de s’attribuer des sièges permanents et de contrôler ainsi la BCE. Il serait plus difficile de nommer un fantoche si toutes les candidatures étaient véritablement prises en compte. Il serait désastreux que le poste-clé de M. Issing revienne à un protégé du chancelier allemand Schröder. Certes, permettre aux ressortissants de tous les pays membres de concourir à un siège du directoire ne suffit pas à garantir que ce sera le candidat politiquement indépendant le plus qualifié qui va l’emporter, mais la probabilité s’en trouverait augmentée. Quoi qu’il en soit, les chefs d’État ou de gouvernement des pays de la zone euro vont continuer à nommer les membres du directoire, une nomination essentiellement politique. Et s’ils choisissent de mauvais candidats, on ne pourra rien y faire. Malgré tout, l’ouverture des candidatures, même si elle s’accompagne d’inévitables marchandages politiques et de compromis, devrait permettre d’améliorer la composition du directoire. Sachant que Schröder risque de choisir un candidat douteux pour succéder à Issing, les hauts responsables de la BCE cherchent à le court-circuiter. Ils envisagent deux solutions. La première consisterait à transférer une partie des responsabilités de l’économiste en chef à un autre membre du directoire et la deuxième à ne pas attribuer obligatoirement le poste d’économiste en chef au membre allemand du directoire. Mais l’Allemagne risque de proclamer que le poste d’économiste en chef et un siège au directoire lui reviennent tous deux. Jusqu’à présent, les grands pays ont réussi à prendre le contrôle de la BCE parce que les petits pays manquent de l’unité nécessaire pour contre-attaquer. Ainsi, la Belgique qui se plaint constamment de ne pas être représentée au sein du directoire est plus intéressée à revendiquer l’égalité de traitement avec la Hollande au sein de la BCE qu’à poursuivre une stratégie commune avec elle pour lutter contre la mainmise injustifiée des grands pays sur le directoire. L’enjeu est particulièrement important pour les pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est qui ont rejoint récemment l’Union européenne. Un jour ou l’autre, beaucoup parmi les petits pays qui rejoignent l’UE vont adopter l’euro et voudront disposer d’un siège au directoire. Si c’est impossible parce que les grands pays fondateurs de l’UE ont mis la main sur les six sièges du directoire, l’opinion publique européenne – elle dépasse largement les frontières de l’Allemagne, de la France, de l’Espagne et de l’Italie – pourrait se retourner contre la BCE. Cette raison à elle seule justifie d’ouvrir la candidature aux quelques sièges du directoire à tous les membres de l’UE. * Melvyn Krauss est chargé de recherche à la Hoover Institution, Université de Stanford. © Project Syndicate, 2005. Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz.
Par Melvyn KRAUSS *

L’économiste en chef de la Banque centrale européenne (BCE), Otmar Issing, ne devrait pas prendre sa retraite avant mai 2006. Mais dans les coulisses, les manœuvres et les tractations politiques liées à la désignation de son successeur vont bon train.
Si l’on en reste à la pratique en cours, le choix du titulaire de ce poste-clé se fera sur la base de sa nationalité et non de son mérite. Aujourd’hui, la seule certitude quant au successeur de M. Issing est sa nationalité : ce sera un Allemand. Cette situation tient au fait que les grands pays se comportent comme s’ils étaient propriétaires de leur siège au directoire de la BCE, considérant qu’il y a un siège pour l’Allemagne, un pour l’Espagne, un pour l’Italie, et ainsi de suite. Ils abusent ainsi de leur pouvoir, car le traité de...