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Actualités - REPORTAGE

Les États-Unis s’obstinent dans leur refus de ratifier, la Russie sauve l’accord Le Protocole de Kyoto au secours d’une planète qui étouffe

Depuis son entrée en vigueur, le 16 février, le sort du Protocole de Kyoto sur le réchauffement climatique est enfin scellé. Après sept années de discussions et d’interprétations interminables entre experts de tous pays, d’hésitations et de tergiversations multiples de la part des nations riches et moins riches, le principal accord sur la limitation des gaz à effet de serre est entré en vigueur. Menacé d’être relégué aux oubliettes après la rétractation des États-Unis en 2001, il a été sauvé in extremis par la ratification russe en novembre 2004. Le point sur un sujet d’actualité dont on parle beaucoup, mais qu’on connaît très peu. Depuis la révolution industrielle et la découverte des combustibles fossiles, et plus tard l’extension du modèle capitaliste suivie d’une croissance démographique galopante, la pollution de l’environnement ne fait que prendre de l’ampleur. Développement économique oblige, le problème a pendant longtemps été occulté par les pays développés. Mais avec la multiplication des catastrophes industrielles et naturelles, il est devenu urgent de prendre des dispositions pour protéger la Terre. La planète est en danger, et le réchauffement climatique en est une manifestation. Le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro de 1992 s’est attaqué au problème et a donné lieu à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique. Le Protocole de Kyoto sur les dégâts causés par les gaz à effet de serre adopté le 11 décembre 1997 s’inscrit dans ce contexte. Qu’est-ce au juste le réchauffement planétaire ? La combustion des énergies fossiles tel le pétrole ou le charbon rejette dans l’atmosphère de nombreux gaz, dont le principal est le CO2. Ces gaz s’accumulent, et, comme les vitres d’une serre, ils emmagasinent la chaleur en empêchant les rayons infrarouges, émis par la Terre à partir de l’énergie solaire, de s’échapper vers l’espace. Ayant souvent une longue durée de vie, ils restent longtemps dans la basse atmosphère après avoir été émis. Ce qui fait que même si l’on parvient aujourd’hui à stabiliser les rejets, la concentration de ces gaz continuera d’augmenter pendant des centaines d’années. Les conséquences du phénomène ont déjà commencé à se faire ressentir, avec la multiplication des inondations, sécheresses, canicules et autres dérèglements climatiques observés un peu partout dans le monde. Le problème est donc planétaire, mais ses sources proviennent en grande partie des pays industrialisés. Ce sont eux qui ont donc été sollicités en premier pour aider à trouver un début de solution. Dispositions contraignantes pour les pays industrialisés Pour lutter contre le réchauffement, le Protocole de Kyoto impose donc légalement aux pays industrialisés des réductions d’émissions de six gaz à effet de serre : le CO2 ou gaz carbonique, le méthane, le protoxyde d’azote, ainsi que trois gaz fluorés. Son but est de pousser ces pays à diminuer l’usage des énergies « fossiles » ou « non renouvelables » et à les remplacer progressivement par des énergies « propres » ou « renouvelables ». Le volume des réductions varie selon les pays industrialisés, seuls concernés par l’accord, les pays en développement n’ayant que des obligations d’inventaire. Mais l’utilisation des énergies fossiles augmentant avec la croissance économique, il est difficile de contraindre les pays ayant une croissance galopante à se conformer à des restrictions environnementales qui pourraient constituer un frein à leur développement. Voilà pourquoi le protocole permet l’attribution d’unités de crédits sous la forme de « droits d’émettre » des gaz à effet de serre, commercialisables auprès des pays industriels qui dépassent leur quota d’émission. Ainsi, en prenant un exemple fictif, si le Canada n’arrive pas à réduire ses propres émissions de gaz, et que la Grande-Bretagne, elle, réussi à diminuer les siennes dans des proportions supérieures à ce qui lui est demandé, elle pourra vendre cet « excédent de réduction » au Canada, qui les retirera alors de son quota à lui. Le même principe s’applique au « mécanisme de développement propre » (MDP), qui invite les pays riches à aider au financement et à la réalisation de projets de réductions d’émissions dans les pays du Sud, en échange de quoi ils se voient attribuer des droits d’émissions supplémentaires correspondants à ces émissions « évitées ». Ainsi par exemple, si la France aide à financer la création d’un parc éolien au Maroc, permettant ainsi de faire des réductions de gaz à effet de serre, le montant des réductions évitées sera déduit du quota de la France. Les États peuvent aussi gagner ces « droits à polluer » en plantant des « puits de carbones », des arbres capables d’absorber le CO2. Création de nouveaux marchés financiers Résultat : la création de nouveaux marchés financiers, où les industriels ayant des excédents de quotas pourront les vendre à ceux jugeant trop chères les réductions à réaliser. L’atmosphère cesse donc d’être gratuite, et devient échangeable sur un marché international. Le droit d’émettre une tonne de CO2 s’échange ainsi actuellement à environ 7,2 euros. Les pays de l’Union européenne ont mis en place, depuis janvier 2005, une bourse du gaz carbonique. Ce système est rentable pour des pays en plein développement comme la Chine ou l’Inde, qui pourront ainsi attirer les investisseurs intéressés par la création de projet dans le cadre du MDP. Il l’est beaucoup moins par exemple pour les états insulaires et les états polaires, qui, peu pollueurs, ne sont donc pas d’un grand intérêt pour les investisseurs pollueurs, malgré le fait qu’ils soient les premiers à subir de plein fouet l’effet de serre. Les États prennent position La force du Protocole de Kyoto est également son caractère obligatoire. Mais pour ce faire, il doit entrer en vigueur après avoir satisfait à deux exigences : être ratifié par au moins 55 États représentant au moins 55 % des émissions de CO2 des pays développés. C’est ainsi qu’un problème à la base essentiellement environnemental va donner lieu, au cours des années à venir, à un débat international économico-politique de poids. En effet bien que la menace soit globale, les pays se divisent sur la solution, et aux dissensions entre le Nord, industrialisé et pollueur, et le Sud, au développement inégal, viennent se greffer des divisions nord-nord et sud-sud. L’Union européenne, le Japon, le Canada se sont fermement engagés contre l’effet de serre, aux côtés de 141 autres pays. La Grande-Bretagne et la France veulent même en faire « une priorité ». Mais certains États, tels les États-Unis ou l’Australie, ont refusé de ratifier le protocole, bloquant pendant longtemps son application et réduisant à néant l’espoir d’une baisse de 5,2 % d’ici à 2012. L’Administration Bush a en effet rejeté l’accord dès son arrivée au pouvoir en 2001, et reste inflexible sur sa position malgré des critiques internes de plus en plus vives. Elle invoque le coût exorbitant de ces restrictions et leur effet négatif sur une croissance américaine qui s’envole, et considère que les engagements pris par l’équipe Clinton en faveur de Kyoto avaient sous-estimé les efforts à consentir pour le respecter. De plus, l’Administration US trouve « injuste » que les nations industriellement émergentes soient exonérées, malgré le fait qu’elles deviennent de plus en plus polluantes, et continue à émettre des doutes sur l’étendue de la contribution humaine au réchauffement planétaire. Il lui fallait également prendre en compte l’influence déterminante des lobbies économiques qui représentent les firmes américaines. Au Sud, les pays émergeant industriellement, à l’image de la Chine ou de l’Inde, ne veulent pas entendre parler de réductions d’émissions tant que les pays riches ne se seront pas acquittés de leurs obligations. Restent les victimes du réchauffement, à l’instar des îles Maldives ou des populations du Groenland, qui militent pour des solutions rapides et efficaces. Le salut est venu de la Russie qui, soucieuse d’améliorer son image au niveau international et auprès d’une Union européenne à ses portes, a finalement ratifié l’accord en novembre 2004 et permis de remplir les exigences requises, donnant à la convention une force juridiquement contraignante. Il était grand temps, car si les États traînent les pieds et tergiversent, le changement climatique est, lui, déjà à l’œuvre. Irréversiblement. Mariam SEMAAN

Depuis son entrée en vigueur, le 16 février, le sort du Protocole de Kyoto sur le réchauffement climatique est enfin scellé. Après sept années de discussions et d’interprétations interminables entre experts de tous pays, d’hésitations et de tergiversations multiples de la part des nations riches et moins riches, le principal accord sur la limitation des gaz à effet de serre est entré en vigueur. Menacé d’être relégué aux oubliettes après la rétractation des États-Unis en 2001, il a été sauvé in extremis par la ratification russe en novembre 2004. Le point sur un sujet d’actualité dont on parle beaucoup, mais qu’on connaît très peu.
Depuis la révolution industrielle et la découverte des combustibles fossiles, et plus tard l’extension du modèle capitaliste suivie d’une croissance démographique...