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Commémoration - 150e anniversaire de la mort du poète « surnaturaliste » Gérard de Nerval, souverain d’un univers mythique et féminin (Photo)

Poésie pure et folie. La place de Gérard de Nerval dans le patrimoine littéraire international a longtemps été éclipsée et reléguée dans le poussiéreux dossier des « écrivains mineurs » du XIXe siècle flamboyant. Or, l’écriture de Gérard de Nerval, né Labrunie le 22 mai 1808 et mort le 26 janvier 1855, a dû attendre un certain Marcel Proust (lire l’encadré) pour retrouver les lettres de noblesse qu’elle mérite. Entre deux crises de démence, « El Desdichado » a rédigé des merveilles éternelles. À l’âge de deux ans, Gérard Labrunie, né à Paris, est orphelin de mère. Cette dernière, épouse d’un médecin militaire dans les campagnes napoléonniennes, a tenu à suivre son mari en Allemagne, où elle s’est éteinte. L’enfant est confié à son grand-père maternel, grand amateur de livres et installé à Mortefontaine, un village du Valois. Dans ce cadre magnifique, peuplé de forêts vaporeuses et de châteaux de l’époque de Louis XIII, le futur poète tombe amoureux de Sophie Dawes, jeune aristocrate anglaise qui le hante à la manière d’une vision. De cette période valoise naîtront les beaux textes Fantaisie, Chansons et légendes du Valois et Sylvie, l’un des plus célèbres éloges de la rêverie éveillée. À 12 ans, il entre au collège Charlemagne. Il y fait la connaissance d’un certain Théophile Gautier. Et à 18 ans, sans vraiment maîtriser la langue allemande, il fait paraître une traduction du Faust de Goethe, que l’auteur a reconnue officiellement pour sa beauté et qui encore aujourd’hui fait autorité. En 1828, il fait activement partie du Cénacle littéraire et participe à la bataille d’Hernani, pièce révolutionnaire d’un point de vue dramatique, de Victor Hugo. En 1834, à la mort de son grand-père qui lui laisse un héritage de près de 30 000 francs, le jeune bohème est riche. Il part aussitôt pour l’Italie. La même année, il connaît son deuxième choc amoureux, en la personne de Jenny Colon, actrice aux Variétés. Le Monde dramatique, la revue littéraire qu’il fonde l’année suivante et qui fait faillite à une vitesse record, est tout entière vouée à la gloire de la comédienne. Après un voyage en Belgique avec son ami Théophile Gautier, il avoue son amour à l’objet de sa flamme. En guise de réponse, elle épouse, en 1837, le flûtiste Louis-Gabriel Leplus. Une expérience poétique 1838-1839 : ce sont les années de voyage (Allemagne, Autriche, Suisse). Il s’attelle à l’écriture d’un drame, Leo Buckhardt. Il rencontre Franz Liszt et tombe passionnément amoureux pour la troisième fois : elle s’appelle Marie Pleyel. En 1840, il traduit le second Faust et voyage en Belgique. Il apprend la mort de Sophie Dawes. Sa vie bascule en 1841, année de ses 33 ans. Après sa première crise d’hallucination et de délire, au cours de laquelle il associe des images de la femme mythique qui vivait en lui à un univers imaginaire dont il se croyait le souverain, il est interné à la clinique du docteur Blanche, de février à novembre. Il a considéré cette expérience comme poétique, un franchissement des « portes de corne et d’ivoire qui nous séparent du surréel ». Après la mort de Jenny Colon, en 1842, il part pour un long voyage en Orient (Égypte, Liban, Rhodes, Syrie et Turquie), dont il revient avec un admirable Voyage en Orient, publié en 1851. Suivent, en 1844, de nouveaux périples en Belgique et en Hollande. En 1846, Berlioz met en musique sa Damnation de Faust. Les années suivantes sont difficiles, ponctuées de petits travaux de journalisme et d’édition. Après la publication, en 1848, dans La Revue des deux mondes, de poèmes de Heine, il a une nouvelle attaque de folie. Il continue à voyager, surtout en Allemagne, la « terre-mère», dans le Valois et en Hollande, quand ses crises le lui permettent, parce qu’elles sont de plus en plus fréquentes (janvier-février 1852, février-mars 1853, août 1853-mai 1854 et fin 1854). C’est la période la plus faste du poète qui publie, en 1852, Les Illuminés, en 1853, Petits châteaux de Bohême et son plus célèbre poème, El Desdichado. Les Filles du feu et les Chimères sont écrits alors que Gérard de Nerval vit dans une pauvreté extrême. Au moment où Aurélia commence à paraître en revue, le poète est retrouvé pendu à une grille de la rue Basse-de-la-Vieille-Lanterne, dans « le coin le plus sordide qu’il ait pu trouvé », note Baudelaire. D.G. Sources Internet : site-magister.com, poetes.com et remue.net Extrait de « Sur Gérard de Nerval », de Marcel Proust « Fou, non pas d’une folie en quelque sorte purement organique et n’influant en rien sur la nature de la pensée, comme nous en avons connu de ces fous, qui en dehors de leurs crises avaient plutôt trop de bon sens, un esprit presque trop raisonnable, trop positif, tourmenté seulement d’une mélancolie toute physique. Chez Gérard de Nerval, la folie naissante et pas encore déclarée n’est qu’une sorte de subjectivisme excessif, d’importance plus grande pour ainsi dire, attachée à un rêve, à un souvenir, à la qualité personnelle de la sensation, qu’à ce que cette sensation signifie de commun à tous, de perceptible pour tous, la réalité. Et quand cette disposition artistique, la disposition qui conduit, selon l’expression de Flaubert, à ne considérer la réalité que “pour l’emploi d’une illusion à décrire”, et à faire des illusions qu’on trouve du prix à décrire une sorte de réalité, finit par devenir la folie, cette folie est tellement le développement de son originalité littéraire dans ce qu’elle a d’essentiel, qu’il la décrit au fur et à mesure qu’il l’éprouve, au moins tant qu’elle reste descriptible, comme un artiste noterait en s’endormant les étapes de conscience qui conduisent de la veille au sommeil, jusqu’au moment où le sommeil rend le dédoublement impossible. »
Poésie pure et folie. La place de Gérard de Nerval dans le patrimoine littéraire international a longtemps été éclipsée et reléguée dans le poussiéreux dossier des « écrivains mineurs » du XIXe siècle flamboyant. Or, l’écriture de Gérard de Nerval, né Labrunie le 22 mai 1808 et mort le 26 janvier 1855, a dû attendre un certain Marcel Proust (lire l’encadré) pour retrouver...