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Actualités - OPINION

COMMENTAIRE Le point de vue d’un responsable américain Pour saisir la chance qui se présente au Proche-Orient

par Richard N. HAASS* Il y a longtemps que les mots « chance » et « Proche-Orient » n’étaient pas réunis dans la même phrase. Mais voilà qui est fait. Et cet optimisme est peut-être même un peu ancré dans la réalité. L’un des facteurs importants de ce changement est naturellement la disparition de Yasser Arafat. Comme le baron de Cawdor dans Macbeth, « rien dans sa vie ne lui fit plus d’honneur que son départ ». Arafat n’a jamais évolué au-delà de l’homme apparu aux Nations unies il y a plusieurs décennies, muni d’un rameau d’olivier et d’un fusil. Son refus de tourner le dos au terrorisme pour embrasser la diplomatie a causé sa perte, alors qu’il perdait toute légitimité aux yeux d’Israël et des États-Unis. En conséquence, il n’y a pas eu d’État palestinien. Toutefois, le départ de Arafat n’est pas la seule raison d’espérer. Il existe aujourd’hui un dirigeant palestinien élu, qui semble rejeter le terrorisme comme moyen de parvenir à des fins politiques. Mahmoud Abbas (Abou Mazen) s’est distingué en contestant le bien-fondé de l’intifada, qui a coûté trop de vies et n’a engendré que malheur et destruction pour les deux camps opposés dans ce long conflit. Certains changements en Israël contribuent aussi à ce regain d’optimisme. Les Israéliens comprennent de plus en plus que la situation actuelle – l’occupation illimitée de territoires à population majoritairement palestinienne – est en contradiction avec la détermination de leur pays, qui se veut sûr, prospère, juif et démocratique. La formation d’un nouveau gouvernement israélien, plus centriste dans sa composition et ses appuis, est également une évolution positive. Israël est maintenant un pays dirigé par un Premier ministre en mesure de faire des choix historiques et soutenu par son gouvernement. L’histoire du Proche-Orient abonde en exemples d’occasions manquées de faire la paix. Il faut aujourd’hui rompre avec ce modèle pour faire des espoirs une réalité. Pour cela, le succès du retrait israélien de Gaza et de certaines zones de Cisjordanie est indispensable. En l’occurrence, ce « succès » signifie bien plus que le départ des Israéliens : les Palestiniens devront aussi montrer qu’ils peuvent gouverner de façon responsable et mettre fin au terrorisme en provenance de leur territoire. La situation à Gaza après le retrait aura des répercussions majeures sur la politique israélienne. Si Gaza est livrée à la violence et devient une base pour les attaques contre les Israéliens, il sera extrêmement difficile de persuader Israël de se retirer d’autres territoires aujourd’hui occupés. En revanche, si les Palestiniens de Gaza se montrent capables de se gouverner et de se comporter en bons voisins, alors Israël perdra l’un de ses arguments majeurs pour justifier le maintien de l’occupation ailleurs. Les Palestiniens auront besoin d’aide pour que l’opération réussisse. Les États-Unis, l’Europe et les pays arabes, comme l’Égypte, ainsi que la Russie et l’Onu doivent tous aider Abou Mazen. Les Palestiniens ont besoin d’un soutien financier et technique pour se doter d’un dispositif de sécurité unifié et efficace, relancer une économie moribonde, et construire un système politique moderne et transparent. Il importe aussi que le retrait de Gaza soit le début, et non pas la fin, du processus politique. Pour que Mazen puisse convaincre la majorité des Palestiniens que la diplomatie et les compromis valent mieux que la violence et les confrontations, il faut établir un lien entre Gaza et la résolution de la question palestinienne dans son ensemble. Là aussi, les États-Unis ont un rôle important à jouer. En fait, ils sont déjà sur la bonne voie. Dans un courrier adressé en septembre 2004 au Premier ministre Ariel Sharon, le président George W. Bush rassurait les Israéliens, affirmant qu’il n’était pas réaliste de penser que les négociations sur le statut final puissent aboutir à un retour complet aux frontières de 1949. La situation des réfugiés palestiniens devrait selon lui être résolue dans le cadre de la création d’un État palestinien, où ces réfugiés pourraient s’installer plutôt qu’en Israël. Ces assurances ont beaucoup compté pour Sharon, confronté à des difficultés politiques internes. Il faut maintenant que Bush envoie un courrier correspondant à Abou Mazen en détaillant l’engagement des États-Unis en faveur d’un État palestinien viable, souverain et indépendant dans les frontières de 1967. Les États-Unis s’engageraient également à contribuer à la construction d’une société et d’une économie modernes, et à aider les réfugiés palestiniens à s’installer en Palestine, dans d’autres pays arabes ou, dans certains cas, pour des raisons humanitaires, en Israël. En échange, les Palestiniens devraient promettre de renoncer une fois pour toutes à la violence et au terrorisme. Cependant, les États-Unis ne devraient pas faire de l’établissement d’une démocratie palestinienne à part entière une condition préalable à la paix et à la restitution de territoires. Repousser les négociations en attendant que la démocratie palestinienne soit plus mûre ne servirait qu’à persuader les Palestiniens que la diplomatie est une ruse et à fournir un prétexte à la violence. Après plus d’un demi-siècle de conflit, il sera suffisamment difficile de saisir la chance qui se présente aujourd’hui. Inutile donc d’ajouter des exigences supplémentaires qui, si elles sont souhaitables, ne sont pas essentielles. * Richard Haass, ancien directeur de la planification politique au département d’État américain, préside actuellement le Council on Foreign Relations. © Project Syndicate. Traduit de l’anglais par Emmanuelle Fabre.

par Richard N. HAASS*

Il y a longtemps que les mots « chance » et « Proche-Orient » n’étaient pas réunis dans la même phrase. Mais voilà qui est fait. Et cet optimisme est peut-être même un peu ancré dans la réalité.
L’un des facteurs importants de ce changement est naturellement la disparition de Yasser Arafat. Comme le baron de Cawdor dans Macbeth, « rien dans sa vie ne lui fit plus d’honneur que son départ ».
Arafat n’a jamais évolué au-delà de l’homme apparu aux Nations unies il y a plusieurs décennies, muni d’un rameau d’olivier et d’un fusil. Son refus de tourner le dos au terrorisme pour embrasser la diplomatie a causé sa perte, alors qu’il perdait toute légitimité aux yeux d’Israël et des États-Unis. En conséquence, il n’y a pas eu d’État palestinien.
Toutefois, le...