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Le chef du Kremlin lamine les candidats de l’opposition après avoir mis au pas les « oligarques » Poutine en passe d’asseoir son pouvoir absolu (photos)

L’élection présidentielle russe s’est déroulée hier sans grands problèmes pour Vladimir Poutine, qui a été réélu au premier tour du scrutin avec 69 % des voix, selon un sondage à la sortie des urnes. Pour aboutir à cette situation plus que confortable, le chef du Kremlin a misé sur un bilan sécuritaire et économique positif et une structure médiatique complètement assujettie, après avoir mis au pas les « oligarques », ces magnats des matières premières désireux de peser sur la politique après avoir bâti des fortunes colossales. Dès octobre dernier, le chef du Kremlin a lancé la chasse aux oligarques en évoquant les irrégularités commises lors des grandes privatisations des années Eltsine, à l’époque où des hommes d’affaires en herbe achetaient les firmes d’État pour une bouchée de pain. Par ailleurs, le populiste chef d’État peut compter sur l’antipathie qu’éprouve la population envers ces nouveaux riches sortis de nulle part qui, plus est, appartiennent dans leur grande majorité à la minorité juive, considérée toujours, dans une Russie fièrement orthodoxe, comme « étrangère ». Le « Tsar du Nord » avait déjà donné le ton en chassant deux des oligarques les plus voyants, Boris Berezovski et Vladimir Goussinski, tandis que les autres, comme Roman Abramovitch et Mikhaïl Fridman, étaient priés de courber l’échine devant le nouveau prince. Un autre « non-Russe », Oleg Tchernoï, coule des jours paisibles à l’abri de la justice... en Israël. Après quoi, Poutine fit emprisonner Mikhaïl Khodorkovski, première fortune du pays, et propriétaire du géant pétrolier Ioukos. Ce « pogrom » des oligarques assoit par ailleurs la puissance du clan Poutine dans un Kremlin divisé entre les membres de la « famille », celle de l’ancien président Boris Eltsine, défenseur invétéré des gros capitalistes, et les « solovki », les hommes des « forces » (armée, services secrets, polices), anciens membres du KGB et originaires, comme le président, de Saint-Pétersbourg. Quant aux opposants politiques, ni le Parti communiste, aux abois, ni les candidats indépendants ne peuvent se mesurer au score « soviétique » de Poutine. Roger BARAKEH Dans une interview à « L’Orient-Le Jour », l’académicienne française prend la défense du chef du Kremlin Pour Hélène Carrère d’Encausse, Poutine a réussi à rendre leur honneur aux Russes Dans une interview à L’Orient-Le Jour, l’Académicienne et historienne française Hélène Carrère d’Encausse prend résolument la défense de Vladimir Poutine en présentant un bilan positif de ses quatre années au pouvoir. « L’histoire ne se répète pas en Russie », dit-elle d’emblée, en refusant d’assimiler le système Poutine au tsarisme et au stalinisme. « On est dans le cadre d’une histoire de type nouveau : les Russes ont opté pour la démocratie il y a 10 ans, seulement la démocratie a besoin d’un temps pour s’installer après des années de totalitarisme », affirme l’historienne, et d’ajouter : « Le système totalitaire soviétique a formé uniquement les hommes qui accaparent actuellement le pouvoir. Le problème de la Russie actuelle, c’est que les hommes de formation nouvelle ne sont pas encore sortis de l’ombre ». Pour ce qui est du chiffre de 80 % des intentions de vote, que d’aucuns considèrent comme indigne d’une vraie démocratie, Mme Carrère d’Encausse affirme que ce chiffre n’est pas truqué et que « les électeurs russes vont voter pour un homme qu’ils considèrent comme convenant à leur espérance ». « C’est une situation tout à fait nouvelle pour la société russe, affirme-t-elle, une société qui considère que Vladimir Poutine, un homme formé par le système soviétique, a réalisé deux choses que celle-ci souhaitait : premièrement, pour les Russes, la fin de l’Empire soviétique était un traumatisme, une humiliation, un empire diminué, réduit a un État qui ne compte pas pour le reste du monde. Poutine a pu en l’espace de quatre ans redresser la situation par une diplomatie adroite, par sa capacité à saisir les opportunités, et à essayer de réintroduire la Russie comme un partenaire qui compte de nouveau sur la scène internationale. » « Pour les Russes, c’est considérable. C’est l’homme qui a rendu l’honneur à la Russie », affirme-t-elle. « Deuxièmement, la fin du communisme a amené l’anarchie. On est passé d’une société entièrement contrôlée et administrée à une société que personne ne contrôle et n’administre. C’est vrai que Poutine n’a pas réussi à réduire la corruption ni à trouver une solution à l’affaire tchétchène, mais, malgré tout, il a obtenu que la loi sur la propriété soit votée, et a réussi à asseoir le rôle de l’État », affirme Mme Carrère d’Encausse avant d’ajouter : « Les Russes ont besoin de savoir que s’ils payent leurs impôts, ils peuvent compter sur les services de l’État car, durant le communisme, il n’y avait pas d’administration, il y avait le Parti communiste. » L’Académicienne affirme par ailleurs que « le problème, c’est qu’il n’y a pas d’opposition, mais la faute incombe, selon elle, à celle-ci car elle est incapable d’émerger et de s’entraider ». « Les leaders de l’opposition sont des gens de très grande qualité, mais incapables de tirer la population derrière eux », ajoute-t-elle. « La politique ne s’improvise pas, affirme-t-elle, il faut avoir vécu dans une société politique, ce qui n’était pas le cas de la société soviétique. Les opposants actuels n’ont en effet pas appris le métier », indique-t-elle. Mme Carrère d’Encausse affirme en outre que « ce sont des aspirations populaires qui font la popularité de Poutine ». Pour ce qui est de l’asservissement de la télévision pour le compte du Kremlin, Mme Carrère d’Encausse rappelle que les médias étaient contrôlés par les « oligarques », ces « hommes astucieux qui ont accaparé la richesse publique du pays ». « Poutine en a mis deux en prison, les autres à la porte. Il faut bien reconnaître que ces hommes astucieux sont toujours là avec leur argent. Poutine a constaté que la première chose qu’ils ont faite, c’est de mettre la main sur les médias pour se protéger de la politique. Il faut que les médias appartiennent à l’État et pas aux gens qui on volé et pillé le pays et qui, grâce à l’impunité, pouvaient se lancer dans la politique avec une fortune qui appartient a la société russe ». L’Académicienne admet en outre que la situation actuelle n’est pas idéale, mais, ajoute-t-elle, « c’est une démocratie qui se construit lentement et difficilement et rien n’annonce une dictature ». « Le problème n’est pas le système qui se forme, mais dans la jeunesse du système », poursuit-elle. « La nouvelle génération est là et elle émerge. La démocratie est là et elle se forme », affirme-t-elle. Sur le plan économique, Mme Carrère d’Encausse affirme que « Poutine a aussi réussi à assainir la situation et qu’il y a un développement économique certain. C’est une réalité en Russie. Une société de consommation est en train d’émerger, et même si on est loin du niveau de vie des sociétés occidentales, les revenus augmentent et on commence à penser que puisque le gouvernement paye les pensions et les salaires, la vie devient plus normale ». Propos recueillis par R. B. Un bilan contrasté après quatre ans de pouvoir En entamant son premier mandat il y a quatre ans, Vladimir Poutine voulait « un État fort et puissant, fondé sur le respect de la démocratie », mais la poursuite des réformes et la restauration du pouvoir central se sont accompagnées d’une dérive autoritaire qui grève son bilan. Le contrôle par le Kremlin du Parlement a permis l’adoption de lois confortant la Russie dans la voie des réformes. Cela a été le cas avec la « révolution fiscale » et son taux unique d’imposition de 13 % sur les revenus, le code foncier introduisant la propriété privée de la terre, le lancement de la réforme du régime des retraites, l’adoption d’un code du travail et d’un projet de réforme de l’électricité. L’envers de la médaille est que « le Parlement ne remplit plus sa fonction naturelle qui est de contrôler les activités du gouvernement », a noté le politologue Alexandre Bim. Peu importe à une population préoccupée avant tout par son niveau de vie, après la pénurie des années soviétiques et le grand chamboulement des années Boris Eltsine. « Aidés » par la mainmise du pouvoir sur les médias, les Russes ont accordé au parti pro-Kremlin Russie unie les deux tiers des sièges aux législatives de décembre dernier. La lutte contre la pauvreté, priorité économique du premier mandat, a vu le taux de la population vivant avec moins que le minimum vital tomber de 32 % à l’automne 2000 à 22 % trois ans plus tard. C’est le résultat d’un taux de croissance élevé, plus de 7 % l’an dernier, qui doit autant à la hausse des cours mondiaux du pétrole, dont la Russie est gros exportateur, qu’à la politique des réformes. Le bilan sur deux autres mots d’ordre, l’établissement d’une « verticale du pouvoir » et de la « dictature de la loi », est nettement plus mitigé. Les « super-préfets », représentant le Kremlin dans sept districts couvrant le pays et institués pour mettre les gouverneurs au pas, n’ont eu qu’une influence limitée. Quant à la dictature de la loi, qui devait notamment contribuer à juguler l’arbitraire administratif, tout reste à faire. Pour l’avenir, « la plus grande crainte touche les problèmes anciens de corruption, de bureaucratie, l’attitude sélective et imprévisible des organes gouvernementaux, y compris judiciaires », remarque Boris Fiodorov, ex-ministre des Finances. Une référence directe aux poursuites engagées l’an dernier contre les dirigeants du groupe pétrolier Ioukos, dont le PDG Mikhaïl Khodorkovski est incarcéré notamment pour fraude fiscale. Le zèle du parquet à son encontre doit aussi bien aux ambitions politiques prêtées à l’homme d’affaires qu’à une campagne populiste de lutte contre les richissimes « oligarques ». Une offensive dans la ligne de celles ayant poussé à l’exil deux autres milliardaires, Boris Berezovski et Vladimir Goussinski, après l’arrivée de M. Poutine au pouvoir. La part la plus sombre du bilan de Poutine reste le musellement des grands médias et la poursuite du conflit en Tchétchénie. Les deux chaînes d’État, RTR et Pervy Kanal, sont aux ordres, et la chaîne privée NTV, passée sous le contrôle du géant Gazprom, a abandonné toute critique. Quant au conflit tchétchène, engagé en 1999, il se poursuit sous forme d’accrochages réguliers et d’attentats sanglants. En politique extérieure enfin, la Russie n’a que peu bénéficié de sa coopération avec les pays occidentaux à la lutte contre le régime des talibans. Impuissante, elle a subi aussi bien l’abandon par les États-Unis du traité antimissile ABM, que l’expansion jusqu’à ses frontières de l’Otan. Quant aux efforts d’intégration d’ex-républiques soviétiques dans une nouvelle union, ils ont été contrecarrés par l’attirance croissante de ces pays vers l’Union européenne et l’Alliance atlantique. Formellement correcte, la démocratie russe pèche sur le fond Vladimir Poutine a affiché au cours de son premier mandat sa détermination à réformer la Russie, mais cette volonté d’ancrer le pays dans le XXIe siècle s’est accompagnée d’accrocs à la démocratie, même si le maître du Kremlin s’est attaché le plus souvent à respecter les formes. L’absence du débat démocratique, des médias aux ordres, une justice sélective et politisée sont les maux – que l’on espère passagers – du système politique russe. Ils touchent en premier lieu les différentes consultations électorales. D’ailleurs, M. Poutine a montré implicitement cette semaine qu’il n’attachait pas une importance démesurée à l’expression du vote populaire, en nommant un gouvernement quelques jours avant la présidentielle, affichant ainsi sa certitude d’être reconduit et son peu d’intérêt pour ses adversaires. C’est une démocratie « dirigée, ou plutôt manipulée », estime le sociologue respecté Iouri Levada. « Cela ressemble peu à la démocratie authentique, mais il y a des élections, il y a des expressions d’opinion différentes », relève-t-il. Certes, il existe une opposition, mais elle est impuissante face au parti du pouvoir, Russie Unie, qui a transformé la Douma et le Conseil de la fédération en chambres d’enregistrement et qui monopolise notamment les chaînes de télévision nationales. Cette situation n’est pas due au hasard, mais à une stratégie du Kremlin, qui a successivement éliminé ou mis au pas les télévisions d’opposition, NTV, puis TV6, tout en prenant soin d’invoquer des raisons d’ordre légal ou économique. Or, l’apprentissage de la démocratie dans un pays marqué par 70 ans de régime communiste est impensable sans un débat politique accessible aux plus vastes couches sociales. Mais aux yeux de M. Poutine et de ses collaborateurs, fort souvent issus comme lui du KGB, la « consolidation » de la société – un des mots-clés de son discours – passe avant la discussion. Typiquement, il a renoncé aux joutes télévisées prévues par la loi électorale. S’y ajoute un recours massif à « l’arme administrative », autrement dit aux pressions de l’appareil de l’État en faveur du Kremlin. Ces phénomènes sont d’autant plus surprenants que M. Poutine, immensément populaire, et le parti qui le soutient, Russie Unie, n’en ont pas besoin pour remporter haut la main toute élection. Du moins dans l’immédiat. Mais il est possible que c’est en pensant à la présidentielle de 2008 qu’il a lancé – ou permis de lancer – la campagne judiciaire contre le géant pétrolier Ioukos dont le patron, Mikhaïl Khodorkovski, manifestait des ambitions politiques. Là aussi, la forme est sauve : les dirigeants de Ioukos sont poursuivis pour fraude fiscale et détournements présumés commis lors des privatisations des années 1990. Le problème est que si l’on appliquait cette règle à l’ensemble du milieu des affaires, l’économie du pays serait paralysée. Par ailleurs, certes circonscrit géographiquement à une petite république caucasienne, reste le problème tchétchène, furoncle purulent sur la face de la démocratie russe. Il ne s’agit pas tant du caractère inconstitutionnel – selon les puristes – du recours à l’armée pour régler un problème que l’on dit interne, mais de la tolérance d’une zone de non-loi, où des membres des forces de l’ordre se livrent en toute impunité à des violences, meurtres et enlèvements sur la population suspectée de favoriser la rébellion. Reste à savoir si les Russes ont besoin aujourd’hui de la démocratie à l’occidentale. « Pas trop, répond Iouri Levada, les gens optent pour l’ordre et la stabilité, et ceux qui ne sont pas d’accord ont peu de chance d’être entendus. » La Russie, plus grand pays du monde, traversée par 11 fuseaux horaires, organise le 14 mars une élection présidentielle. – SITUATION : 17 millions de km2. La Russie s’étend de la frontière ukrainienne à l’ouest jusqu’à Vladivostok et la mer de Béring en Extrême-Orient, incluant la Sibérie. Elle est entourée par les pays Baltes au nord-ouest, et par les États du Caucase et ceux de l’Asie centrale et de la Chine au sud. L’océan Arctique la borde au nord. – POPULATION : 145,2 millions (octobre 2002). Depuis 1989, la population a baissé d’environ 1,8 million. L’alcoolisme et un système de santé publique défaillant depuis la chute de l’URSS en 1991 sont notamment à l’origine d’un taux de mortalité élevé, en particulier parmi la population masculine. – CAPITALE : Moscou. – LANGUE OFFICIELLE : russe. – RELIGION : majoritairement orthodoxe. – HISTOIRE : en 988 conversion de Vladimir, grand prince de Kiev, et de la Russie au christianisme. 1613: règne du premier Romanov. Octobre 1917 : révolution bolchevique. La République socialiste fédérative de Russie, créée fin 1917, fait partie de l’URSS, créée en 1922. En juin 1991, Boris Eltsine devient le premier président de la Fédération de Russie élu au suffrage universel. Dissolution de l’URSS le 8 décembre 1991, naissance de la CEI (Communauté des États indépendants) comprenant la Russie et les autres républiques ex-soviétiques, à l’exception des pays Baltes. 1994-96: première guerre de Tchétchénie, qui a proclamé son indépendance en 1991. Les accords de paix, signés en août 1996, laissent en suspens la question du statut de la république. Le 1er octobre 1999, Moscou fait entrer ses troupes sur le territoire tchétchène, dans « une opération antiterroriste » déclarée après des attentats qui ont fait 293 morts en Russie en août et septembre. Prise de la capitale tchétchène, Grozny, le 6 février 2000, mais la guérilla se poursuit, dans la république et avec des opérations terroristes jusqu’à Moscou. – INSTITUTIONS : adoption d’une Constitution en 1993. Le 31 décembre 1999, le président Boris Eltsine démissionne, laissant le poste de chef de l’État à son Premier ministre Vladimir Poutine, qui cumule les deux fonctions par intérim. Il est élu à la présidence le 26 mars 2000. Les élections législatives du 7 décembre 2003 voient la victoire du parti pro-Poutine Russie unie. – ÉCONOMIE : depuis 1999, l’économie russe connaît une forte croissance. Après des années d’effondrement, le PIB a gagné 10 % en 2000, 5 % en 2001, 4,3 % en 2002 et 7,3 % en 2003. – DETTE : 119 milliards de dollars. – DÉFENSE : l’armée russe (environ 1,1 million d’hommes) est engagée dans une réforme pour sa modernisation. – RELATIONS INTERNATIONALES : la décision de soutenir la campagne antiterroriste des États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 a permis un rapprochement spectaculaire entre la Russie et l’Occident. Le 28 mai 2002, les dirigeants des dix-neuf pays membres de l’Alliance atlantique et le président Poutine ont signé un accord créant le nouveau conseil conjoint Otan-Russie.
L’élection présidentielle russe s’est déroulée hier sans grands problèmes pour Vladimir Poutine, qui a été réélu au premier tour du scrutin avec 69 % des voix, selon un sondage à la sortie des urnes.
Pour aboutir à cette situation plus que confortable, le chef du Kremlin a misé sur un bilan sécuritaire et économique positif et une structure médiatique complètement assujettie, après avoir mis au pas les « oligarques », ces magnats des matières premières désireux de peser sur la politique après avoir bâti des fortunes colossales.
Dès octobre dernier, le chef du Kremlin a lancé la chasse aux oligarques en évoquant les irrégularités commises lors des grandes privatisations des années Eltsine, à l’époque où des hommes d’affaires en herbe achetaient les firmes d’État pour une bouchée de pain. Par...