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LIRE EN FRANÇAIS ET EN MUSIQUE RENCONTRE - Table ronde, aujourd’hui, autour de « Fils de la parole , un poète d’islam » Salah Stétié, l’homme fait discours (Photo)
Par GHANDOUR Maya, le 02 novembre 2004 à 00h00
Pour tout interlocuteur l’ayant côtoyé, Salah Stétié est un personnage. Comme décrit à la fois par ses admirateurs et par ses détracteurs, il serait « attachant », « agaçant », « charmeur », « arrogant, « chaleureux » et « cassant ». De prime abord, il a l’air sérieux, peut-être un peu même soucieux. Puis vient la poignée de main, généreuse, spontanée. C’est normal, se dit-on, un peu méfiants, l’homme a une longue carrière de diplomate qui doit encore lui coller aux gestes. Puis c’est le sourire. Qui pulvérise toutes les barrières et les préjugés. Le visage poupin s’arrondit encore plus, les yeux ne sont plus que deux traits lumineux de malice. Fringant, pétillant d’esprit, c’est ainsi que se dévoile Salah Stétié, un personnage qui pourrait être tiré d’un roman.
Panache, grandiloquence sont également des mots qui nous viennent à l’esprit après 90 minutes d’entretien dans son « paquebot », une suite dans un hôtel de charme à Beyrouth. Il parle de son parcours, de sa philosophie, de la poésie, de politique régionale, de petits et grands soucis, bref de la vie. Des thèmes qui reviennent en leitmotiv dans un ouvrage qui vient de paraître aux éditions Albin Michel, Fils de la parole, un poète d’islam en Occident, entretiens avec Gwendoline Jarczyk.
Présenté au Salon Lire en français et en musique, ce livre – dont la traduction arabe vient également de paraître aux éditions Dar an-Nahar – sera l’objet d’une table ronde cet après-midi à 18h, au Biel. Autour de Stétié, on retrouvera Adonis, Ghassan Tuéni, Mgr Georges Khodr et Mosbah el-Samad (auteur de la traduction arabe).
Salah Stétié, c’est l’homme fait discours. Paroles et paroles... Comme en témoigne le titre de Fils de la parole. Pour le poète, trois dimensions au mot parole. « Il y a d’abord la parole divine, puis celle qui se décline comme lieu de dialogue entre les hommes et, enfin, la parole de l’engagement, comme on dit un homme de parole. » Il est clair que Stétié remplit ces trois définitions. Mais il précise toutefois que « poète de l’islam » est à prendre au sens non pas religieux mais culturel. C’est ainsi qu’il voudrait traduire sa volonté d’aller vers l’Occident porteur non pas d’un message mais bien d’une… parole.
Car si Salah Stétié est poète avant d’être penseur, essayiste, traducteur... et d’embrasser la carrière de diplomate pour l’état civil, c’est qu’il doit user de mots pour s’exprimer. Alors il a choisi la poésie, cette musique de l’âme plus proche du cœur que nulle autre.
Avant tout poète, donc (seize recueils), il a également écrit des essais qui lancent des ponts entre les cultures du Proche-Orient et celles de l’Occident. Il a chanté le désert, la femme, la nuit, l’eau et, par-dessus tout, grâce à l’intensité et la musicalité de sa langue, a redonné à la poésie la fonction essentielle d’être l’expression du mystère même de la vie.
Cet immense poète libanais n’écrit qu’en français, comme pour nous rappeler que l’on peut être arabe, musulman, profondément méditerranéen et humaniste tout à la fois, et avoir choisi la langue de Voltaire pour laisser une empreinte sur le sable fin de la vie.
L’amour de la langue
Ancien ambassadeur, notamment aux Pays-Bas et au Maroc, Stétié a aussi représenté le Liban à l’Unesco, à Paris, et a été directeur des affaires politiques et secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. Parallèlement à sa carrière diplomatique, il s’est efforcé dans son œuvre littéraire, notamment poétique, de concilier les visions orientale et occidentale du monde, rêvant d’un bassin méditerranéen espace de rencontre et non de conflit. Son essai Les Porteurs de feu (1972) a ainsi été une étude approfondie des racines spirituelles du monde arabe, ainsi que de son possible avenir.
Grand Prix de l’Académie française (1995) pour l’ensemble de son œuvre, il a été fait il y a une quinzaine de jours, à Paris, commandeur de la Légion d’honneur par le ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin. Dans son discours, le ministre avait insisté sur « l’amour de la langue » de ce « veilleur et passeur entre monde réel et imaginaire ».
Et voilà, aujourd’hui, ces entretiens longs et approfondis avec Jarczyk. Comment cet ouvrage est-il né ? « Jean Mouttapa, directeur de la section spiritualité vivante d’Albin Michel – ndrl : où il avait déjà publié plusieurs œuvres, dont la biographie de Mohammed en livre de poche, ainsi que des essais sur l’imaginaire de l’islam –, souhaitait avoir mon point de vue et mes attitudes fondamentales devant à la fois le monde dans ses transformations actuelles et aussi mes attitudes théoriques, mes regards ». Un balayage horizontal de tout cela, mâtiné d’un regard perpendiculaire vers la dimension spirituelle. « J’ai trouvé en Gwendoline Jarczyk, dont la formation est essentiellement philosophique mais aussi spirituelle et engagée dans le débat du siècle, une interlocutrice de grande qualité », poursuit Stétié.
Il engage donc avec elle un dialogue passionnant, intense, où il analyse d’une manière claire et lucide des sujets très variés.
Le Proche-Orient, la Palestine, l’Irak, le choc des civilisations, le débat entre l’islam, le judaïsme et le christianisme, « autant de débats qu’un penseur libanais peut comprendre et analyser de l’intérieur, surtout s’il a mon âge», ajoute le poète diplomate qui n’a de cesse de combattre « l’obscurantisme imbécile que certains, sous le couvert de la religion, tentaient de dresser entre les peuples. »
Cet ambassadeur qui taquine la muse dans la droite ligne de ses aînés Paul Claudel, Saint-John Perse et Pablo Neruda écrit donc sur sa religion pour mieux la démystifier et la rendre plus compréhensible au profane.
À noter également la parution, aux éditions Seghers, les poètes d’aujourd’hui, d’un ouvrage consacré à Salah Stétié et ses écrits, par Marc Henri Arfeux, où l’auteur interroge, en philosophe, « la profondeur d’une œuvre qui transcende l’éphémère et la sensualité pour atteindre ce qu’il y a d’universel en l’homme ».
Pour nous dévoiler, un petit peu plus, une partie de ce regard unique que porte l’homme de plume sur l’un des moyens d’expression de son art.
Maya GHANDOUR HERT
Pour tout interlocuteur l’ayant côtoyé, Salah Stétié est un personnage. Comme décrit à la fois par ses admirateurs et par ses détracteurs, il serait « attachant », « agaçant », « charmeur », « arrogant, « chaleureux » et « cassant ». De prime abord, il a l’air sérieux, peut-être un peu même soucieux. Puis vient la poignée de main, généreuse, spontanée. C’est normal, se dit-on, un peu méfiants, l’homme a une longue carrière de diplomate qui doit encore lui coller aux gestes. Puis c’est le sourire. Qui pulvérise toutes les barrières et les préjugés. Le visage poupin s’arrondit encore plus, les yeux ne sont plus que deux traits lumineux de malice. Fringant, pétillant d’esprit, c’est ainsi que se dévoile Salah Stétié, un personnage qui pourrait être tiré d’un roman.
Panache,...
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