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10 000 à 12 000 orpailleurs illégaux sillonnent inlassablement l’immense forêt à la recherche de quelques grammes du précieux métal jaune Les chercheurs d’or clandestins dans le collimateur des autorités françaises en Guyane (photos)

À six heures de pirogue de Régina, dernière ville reliée par la route à Cayenne, l’eau du fleuve vire à la boue jaunâtre. Un bruit de moteur au cœur de la forêt tropicale signale la présence d’«orpailleurs» illégaux, qui pompent le sable pour arracher à la rivière quelques poussières d’or. Deux semaines après une opération massive de «nettoyage» des chantiers illégaux par les forces de l’ordre, les chercheurs d’or clandestins sont déjà de retour sur l’Approuague, en pleine réserve naturelle des Nouragues. Soixante opérations «Anaconda» – du nom de ce serpent qui étouffe ses proies – lancées depuis 2002 par la gendarmerie n’ont pu venir à bout de l’invasion: 10000 à 12000 clandestins, pour la plupart brésiliens, sillonnent inlassablement la forêt de ce département français grand comme le Portugal, à la recherche de quelques grammes d’or. «Ils opèrent de la rive, ou sur la rivière à partir de barges flottantes», explique l’adjudant de gendarmerie Didier Kurtz. Les orpailleurs pulvérisent les berges avec leurs lances à eau, aspirent la boue avec une pompe vers une table de lavage, où les paillettes d’or sont amalgamées au mercure. Le métal toxique est rejeté directement dans la rivière avec la boue. «C’est un désastre écologique, comme si on passait les berges au “karcher”», témoigne l’adjudant. Déforestation, empoisonnement au mercure des poissons, et donc des Indiens dont c’est la principale nourriture, trafics, paludisme, sida: pour le colonel Jean-Philippe Danède, «c’est tout ce qui accompagne l’orpaillage qui est dangereux». Le département détient le record français d’homicides et tentatives d’homicides (51 de janvier à octobre 2004 pour 174000 habitants), pour les 3/4 liés à l’orpaillage. Des corps décapités sont retrouvés en forêt, victimes de quelque règlement de comptes. Des villages entiers, avec casino, maison de passe et dentiste, poussent en pleine forêt. «C’est le Far West», témoigne le capitaine Daniel Didnee. Ses hommes sont postés à l’embouchure de la rivière Mana (ouest) pour couper les voies d’approvisionnement des sites clandestins. Toutes les pirogues sont contrôlées. Mais les clandestins contournent le barrage, «courent s’il le faut en tongues, avec des bidons de gazole attachés au front comme des coolies». Les autorités jouent la carte d’opérations éclair de destruction des sites, accompagnées de barrages sur les fleuves pour étrangler l’approvisionnement des chantiers. Mais la guérilla est loin d’être gagnée. «Difficile de reprendre les choses en main, après quinze ans de laisser aller», dénonce Olivier Tostain, du collectif «Quel orpaillage pour la Guyane». La gendarmerie, qui assure en priorité la protection du Centre spatial de Kourou, ne s’est jetée dans la bataille qu’en 2002. Depuis, deux escadrons «Anaconda» de 75 hommes chacun ont renforcé les effectifs. Au total 700 gendarmes, et un seul hélicoptère, pour surveiller 730 km de frontière avec le Brésil, 520 km avec le Surinam, et 95% de forêt pour l’essentiel inaccessible par la route. En face, les clandestins utilisent hélicoptères, pelleteuses, communications radios. Un bulldozer a été trouvé en pleine forêt sur le site de Dorlin en juin, «prêté» par un orpailleur légalement autorisé. C’est l’autre grand chantier des autorités: remonter les filières, trouver les commanditaires. Deux cent cinquante enquêtes de police judiciaire sont en cours. «Entre orpaillage légal et illégal, il y a l’épaisseur d’un papier à cigarette», répète à l’envi le capitaine Daniel Viard, laissant entendre que derrière les «fourmis» brésiliennes pourraient se cacher des intérêts bien guyanais.
À six heures de pirogue de Régina, dernière ville reliée par la route à Cayenne, l’eau du fleuve vire à la boue jaunâtre. Un bruit de moteur au cœur de la forêt tropicale signale la présence d’«orpailleurs» illégaux, qui pompent le sable pour arracher à la rivière quelques poussières d’or. Deux semaines après une opération massive de «nettoyage» des chantiers illégaux...