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Actualités - OPINION

Justice sociale - Un mythe généreux plutôt qu’une réalité Le poids de l’économie fausse la balance

La Bible dit : « Ne laisse pas le champ dormir sans avoir rétribué le glaneur. » Ou encore : « Ne remets pas au lendemain le salaire de l’employé. » L’abbé Pierre remarque que « beaucoup de progrès sont faits pour ceux qui ne manquent de rien. Et très peu pour ceux qui manquent de tout. » Est-ce vraiment exact ? Le portable ou la voiture ne servent-ils qu’aux riches ? Mais peu importe. La défense du faible est toujours juste. Même quand elle use de slogans approximatifs. Sauf qu’elle doit éviter le piège des bons sentiments tournant à vide. Chercher un certain degré d’efficacité. Loin des clichés larmoyants et des exigences mal appréhendées dans leur finalité. La nécessité d’un peu plus de réalisme s’impose tout particulièrement au niveau de ce mythe qu’est la bien-pensante justice sociale. Fille putative de ce couple pareillement virtuel qu’est l’État providence. Un objectif spectral qui, comme l’horizon, s’éloigne au fur et à mesure qu’on croit s’en approcher. Chez nous, la récupération du rêve à des fins politiques, ou au nom d’une idéologie désuète, n’y change rien. Surtout quand le temps, autant que les moyens, manque cruellement pour engager un soi-disant combat étatique social, à la Chavez. Le réveil est trop tardif. Sans compter qu’ouvrir les yeux sur un mirage, en plein désert (de sous) n’est peut-être pas très bon pour la survie... D’autant que, paradoxe marqué, à travers cette devise apparemment collective de justice sociale, c’est en fait l’individu seul qui court après sa subsistance. Ou après son bien-vivre. Or à ce niveau, il voit se dresser contre lui aussi bien le libéralisme que le dirigisme. L’un servant le marché, l’autre le pouvoir. Dans les deux cas de figure d’ailleurs, c’est le cynisme qui l’emporte. Pourquoi ? Parce que ce que l’on fait produire à l’individu, on le lui revend. Il travaille pour consommer. Et s’asservir. Plus il génère de croissance économique, plus il consomme, plus il travaille, comme au Japon. Il se mord la queue, se dévore lui-même sur cette table où on lui sert des festins en toc. Ces faux besoins, qu’on crée pour l’enferrer dans d’absurdes accoutumances. L’exemple type de ce cycle surréaliste, c’est l’accessoire dont le coût accumulé dépasse de loin celui du produit de base. Ainsi, rien qu’un timide début de collection de CD audio ou de DVD vaut beaucoup plus que tout appareil lecteur, toute installation de base. Cerise sur le gâteau, c’est désormais le concept éminemment commercial du jetable, du citron pressé, qui prime. Même dans le show biz, où l’on voit les étoiles du jour s’éteindre avant que d’atteindre la nuit. Parallèlement, quand la chose publique (État central, offices, municipalités etc.) vous taxe, elle vous reprend bien plus qu’elle ne vous offre en services ou en prestations. Pillage Dans cet esprit général, où en est-on dans ce pays infiniment hybride sur tous les plans. La densité du minuscule y démultiplie les conflits d’intérêts. Ce qui nous vaut une course aux rapines. Et une dette publique de 35 milliards de dollars. Une classe moyenne laminée, sur laquelle on verse des larmes de crocodile. Et des syndicats écrasés. Fantômatisés. Comment, pourquoi ? Les raisons sont évidemment variées. La plus significative, pour l’heure, reste que leur dernière campagne réussie, il y a huit ans, a tourné à la catastrophe. Avant même qu’ils n’obtinssent l’augmentation salariale réclamée, la flambée des prix l’avait deux fois avalée. On dit souvent « il faut que l’État fasse quelque chose ». Mais là, il n’y peut rien. Sauf se défausser, par quelques simagrées ou faux-fuyants, sur des commissions fantasmagoriques, comme le comité dit de l’indice des prix. Ou chanter, revenons-y, une mirifique justice sociale. Mission impossible. D’abord, parce que le patronat et la classe laborieuse n’ont pas les mêmes objectifs et ne sont pas de force égale. Ils ne peuvent donc pas être partenaires, comme le souhaite Baabda. Sauf à se mentir réciproquement, comme c’est l’habitude chez nous. Ensuite, parce qu’ils sont tous deux soumis à l’empire du marché. Dont le système, autant que la loi, sacralisent la pleine liberté. En effet, si le commerce est tenu d’afficher ses prix, rien ne l’oblige à les limiter. Au contraire même, le dumping lui est interdit. Quoi qu’il en soit, en huit ans, la cherté a prospéré. Quand le patronat avoue + 35 %, c’est bien plus qu’il faut lire. Les économistes, les statisticiens estiment en effet l’inflation à quelque 80 %. On comprend mieux alors la détresse des taxis-service, dont le tarif, 1 000 LL la course, est bien le seul à n’avoir pas connu de progression ascensionnelle, malgré la forte hausse du prix de l’essence à la pompe. Quelle justice sociale pour eux ? Sans doute aucune. Il ne faut donc pas leur en parler, les bercer d’illusions. Mais il ne faut pas non plus les désespérer. Car le tableau n’est pas absolument noir. Loin de là, même. On note en effet aujourd’hui une méritoire, une sensible amélioration des indicateurs économiques. En effet, selon les conclusions du très sérieux INSEE, le taux de croissance, révisé à la hausse, a atteint les 3,5 % en 2003. Il ne faut pas que ce frémissement positif soit annulé par les naufrageurs politiques. Ou par d’inopportunes surenchères démagogiques. Néfastes, mais aussi parfaitement inutiles. Car chez nous, ce n’est pas le peuple qui fait ou défait le pouvoir. J. I.

La Bible dit : « Ne laisse pas le champ dormir sans avoir rétribué le glaneur. » Ou encore : « Ne remets pas au lendemain le salaire de l’employé. » L’abbé Pierre remarque que « beaucoup de progrès sont faits pour ceux qui ne manquent de rien. Et très peu pour ceux qui manquent de tout. »
Est-ce vraiment exact ? Le portable ou la voiture ne servent-ils qu’aux riches ? Mais peu importe. La défense du faible est toujours juste. Même quand elle use de slogans approximatifs. Sauf qu’elle doit éviter le piège des bons sentiments tournant à vide. Chercher un certain degré d’efficacité. Loin des clichés larmoyants et des exigences mal appréhendées dans leur finalité.
La nécessité d’un peu plus de réalisme s’impose tout particulièrement au niveau de ce mythe qu’est la bien-pensante justice sociale....