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Spécial - LE FIGARO Le président américain avait mis tout son poids dans la balance pour soutenir le plan L’audace stratégique de Bush mal récompensée

WASHINGTON, de Philippe GÉLIE George W. Bush n’en est pas à son premier risque mal calculé au Proche-Orient. Mais, dans la foulée de ses problèmes en Irak, l’échec du « plan Sharon » en Israël ne lui laisse que des effets secondaires indésirables à gérer. Il y a deux semaines, le président des États-Unis avait mis tout son poids dans la balance en faveur du projet de retrait unilatéral de Gaza mis au point par Ariel Sharon. Soumis à d’intenses pressions du Premier ministre israélien, qui menaça à la dernière minute d’annuler son voyage à Washington s’il n’obtenait pas tout ce qu’il voulait, le chef de la Maison-Blanche lui a consenti plusieurs « assurances »: celle que l’État hébreu pourrait annexer certains blocs de colonies en Cisjordanie, celle qu’il n’aurait pas à revenir aux frontières de 1967 et celle que le « droit au retour » des réfugiés palestiniens s’exercerait uniquement hors d’Israël. Rien de cela n’est révolutionnaire en soi, mais il était admis qu’il revenait aux parties d’en décider dans le cadre de négociations directes. En préjugeant de leur résultat, le président américain a bouleversé la règle du jeu et suscité de vives réprobations dans le monde arabe. Le Premier ministre palestinien appelle à une conférence internationale qui relancerait la « feuille de route » Le projet de Sharon en panne, les garanties américaines restent. Ahmed Qoreï, le Premier ministre palestinien, a aussitôt demandé à la Maison-Blanche de les retirer de la table, appelant de ses vœux une conférence internationale qui relancerait la « feuille de route », un plan de paix coparrainé par les États-Unis, les Nations unies, l’Union européenne et la Russie. Une réunion de ce quartette est prévue aujourd’hui à New York, en marge de discussions à l’Onu sur une nouvelle résolution pour l’Irak. Le roi Abdallah II de Jordanie, qui avait annulé une visite le 21 avril en signe de protestation, est attendu à Washington cette semaine. Il a écrit au président pour lui demander des garanties en faveur des Palestiniens, notamment territoriales en cas d’annexion de colonies. « Ce qui importe, insiste Qoreï, c’est de préserver nos droits nationaux, l’application des résolutions internationales et la “feuille de route”. » Espérant influencer le vote de son parti, Sharon lui-même avait laissé entendre qu’un rejet de son plan pourrait entraîner l’annulation des promesses de Bush. En fait, il n’en est rien : « Notre point de vue n’a pas changé, a fait savoir le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan. Le président a salué le plan (...) comme un pas important et courageux vers la paix. Nous allons consulter le gouvernement israélien sur la façon d’aller de l’avant. » Croyant au soutien d’une majorité de l’opinion israélienne, Washington encourage le Premier ministre à soumettre son plan au Parlement, voire à référendum. Mais, s’il doit y apporter des modifications, cela pourrait signifier d’autres concessions. Déjà, dans un second échange de lettres passé inaperçu entre les deux cabinets, Israël ne s’est engagé à la continuité territoriale que dans le nord de la Cisjordanie, évoquant pour le reste « des liaisons contiguës ». Le fait que Bush se retrouve seul à avoir dit « oui » à Sharon en dit long sur son inexpérience dans les affaires du Proche-Orient. Les bénéfices qu’il espérait récolter avec la relance du processus de paix sont, au minimum, retardés. Ce contretemps sera sans conséquence sur le plan intérieur, où son absence de neutralité en faveur d’Israël lui rapportera plus de voix le 2 novembre qu’elle ne lui en coûtera. Mais elle complique ses efforts dans la région, à un moment où l’image des États-Unis est proche du discrédit absolu. L’affaire des prisonniers maltraités de la prison d’Abou Ghraïb aggrave un désarroi déjà sensible dans les récents revirements stratégiques : l’autorité d’occupation s’appuie désormais sur les anciens cadres baassistes de Saddam Hussein, au risque de s’aliéner la majorité chiite, tandis que l’Administration à Washington se déchire sur son rôle en Irak après le transfert de pouvoir le 30 juin. Parallèlement, la Maison-Blanche s’efforce de ressusciter son « Initiative pour le Grand Moyen-Orient », soupçonnée par les pays de la région de masquer une intrusion dans leurs affaires intérieures. Les États-Unis souhaitent obtenir un engagement de principe en faveur des réformes lors d’un sommet de la Ligue arabe à la fin du mois, avant de faire entériner un plan en cinq points au sommet du G8, début juin, en Géorgie. Selon le Los Angeles Times d’hier, le projet comprend un programme contre l’illettrisme, une banque régionale de développement, un système de microfinancement pour encourager la petite entreprise, une fondation pour soutenir la démocratisation et un forum de liaison avec le G8. Sous la pression des Européens, l’équipe Bush reconnaît que « ce n’est pas un substitut à la paix israélo-palestinienne. Mais, ajoute-t-elle, les réformes ne peuvent être otages du processus de paix ».
WASHINGTON, de Philippe GÉLIE
George W. Bush n’en est pas à son premier risque mal calculé au Proche-Orient. Mais, dans la foulée de ses problèmes en Irak, l’échec du « plan Sharon » en Israël ne lui laisse que des effets secondaires indésirables à gérer. Il y a deux semaines, le président des États-Unis avait mis tout son poids dans la balance en faveur du projet de retrait unilatéral de Gaza mis au point par Ariel Sharon. Soumis à d’intenses pressions du Premier ministre israélien, qui menaça à la dernière minute d’annuler son voyage à Washington s’il n’obtenait pas tout ce qu’il voulait, le chef de la Maison-Blanche lui a consenti plusieurs « assurances »: celle que l’État hébreu pourrait annexer certains blocs de colonies en Cisjordanie, celle qu’il n’aurait pas à revenir aux...