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Actualités - REPORTAGE

La Pologne et ses alliés célèbrent le 60e anniversaire de l’insurrection de Varsovie Les Européens à l’heure de la réconciliation

VARSOVIE, de Roger BARAKEH L’anniversaire de l’insurrection de Varsovie a été entouré cette année d’une multitude d’événements à teneur hautement symbolique, qui ont fait de cette commémoration un jalon dans l’histoire contemporaine de la Pologne et de l’Europe unifiée. Après avoir rappelé le souvenir de l’insurrection de Varsovie contre l’occupation nazie, le 1er août 1944, qui s’était soldée par la mort de 200 000 Polonais et la destruction quasi totale de leur capitale sur ordre de Hitler, les cérémonies et les manifestations officielles ont mis l’accent sur la responsabilité des Allemands, des Russes, mais aussi des Alliés, vis-à-vis de la résistance polonaise lors de la Deuxième Guerre mondiale. Par ailleurs, la présence de hauts dirigeants occidentaux aux cérémonies, comme le secrétaire d’État américain Colin Powell, alors que la Pologne fait partie de la coalition menée par les États-Unis en Irak, et, pour la première fois, d’un chancelier allemand, marque l’importance que les autorités veulent accorder à cette date de l’histoire de la Pologne et la volonté de réconciliation entre Varsovie et Berlin. Une réconciliation rendue inévitable par l’adhésion de la Pologne, depuis mai dernier, à la grande famille européenne. Dans ce cadre, force est de relever que, trois mois après l’élargissement de l’Union européenne vers les pays de l’ex-bloc communiste, l’adhésion de la Pologne reste la plus problématique. De fait, le poids économique, politique et démographique de la patrie de Chopin, de Copernic et de Marie Curie fait de ce pays un géant à l’intégration plutôt difficile. Le poids de l’histoire a aussi poussé les Polonais à aborder leurs relations avec leurs nouveaux partenaires européens avec scepticisme et appréhension. Si la peur du grand voisin russe, qui a occupé le pays pendant plusieurs siècles, n’étonne personne, les relations avec l’autre géant européen, l’Allemagne, risquent d’être tendues, et ce malgré les innombrables initiatives allemandes pour renier les atrocités du régime nazi. Paradoxalement, les tensions peuvent être provoquées par les Allemands eux-mêmes, surtout ceux qui ont été chassés de leurs terres après la délimitation des frontières germano-polonaises le long de la ligne Oder-Neisse (voir par ailleurs). La Silésie, la Poznanie et une bonne partie du littoral de la Baltique étaient en effet peuplées d’Allemands qui ont été contraints à l’exil à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ces Aussiedler (Allemands de l’étranger) tendent, de nos jours, à réclamer, sinon des restitutions de terrains, du moins une reconnaissance de leur histoire par les autorités de Varsovie. Des revendications de ce type opposent tout aussi bien les Allemands des Sudètes aux autorités tchèques. Mais la présence de Gerhard Schröder, hier, à Varsovie a contribué à calmer le jeu : « À cet endroit de la fierté polonaise et de la honte allemande, nous espérons réconciliation et paix », a déclaré le chancelier devant le monument dédié à l’insurrection. Sur un autre plan, les Polonais n’ont jamais pardonné ce qu’ils voient comme la « traîtrise » de leurs alliés, surtout britanniques et français, lors de la Deuxième Guerre mondiale. Le chef de la diplomatie polonaise Wlodzimierz Cimoszewicz a ainsi demandé des comptes hier aux alliés de la Seconde Guerre mondiale, laissant entendre qu’ils étaient partiellement responsables de tragédies comme l’échec de l’insurrection de Varsovie. M. Cimoszewicz, qui a déclaré s’exprimer à titre personnel et pas en tant que ministre, a souligné que « de grandes erreurs avaient été commises quand les trois alliés (USA, URSS, Grande-Bretagne) ont décidé de partager l’Europe » lors des conférences de Téhéran (1943) et de Yalta (1944). « Ils ont décidé de l’avenir de pays indépendants et souverains qui combattaient avec leur sang pour leur liberté (...). Cela ne doit plus jamais arriver », a-t-il déclaré. Le responsable polonais s’est indigné du fait que « 90 % des archives de certains pays, dont le Royaume-Uni », sur cette période « soient gardées secrètes ». « Nous devons connaître ce qu’a été l’histoire », a-t-il ajouté. Cette vision officielle des faits est aussi partagée par l’homme de la rue et par la conscience collective polonaise. Marcin Grodzki, professeur d’université (32 ans), reproche ainsi aux Britanniques et aux Français de ne s’être pas impliqués militairement dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, laissant la Pologne en proie aux invasions allemande et russe. Même discours chez Michal Nowak, un autre professeur d’université, qui affirme que les alliés ont carrément lâché la Pologne pour des considérations politiques, faisant fi de leurs traités de défense communs avec Varsovie. Igor Jurecki, un architecte de 35 ans, affirme, lui, que « la Russie représente actuellement la seule et la plus sérieuse menace pour la Pologne après l’adhésion de Varsovie à l’UE et à l’Otan ». Comme bon nombre de Polonais qui rêvent ou font des affaires avec les Allemands, « la menace allemande n’est plus qu’un souvenir du passé ». Autre témoignage important, celui de Katarzyna Rychlewska, cadre dans une entreprise de Poznan, qui affirme « avoir peu d’informations sur l’insurrection et l’histoire de la Pologne durant la guerre ». Tel est aussi le cas de bon nombre de Polonais, pour qui les affaires et les soucis de la vie quotidienne ainsi que le fait de profiter de la récente ouverture économique constituent des sujets plus actuels et plus sérieux que le passé. Il reste que cet euroscepticisme polonais profite à certains : le secrétaire d’État américain Colin Powell a profité de l’occasion pour exprimer le soutien de son pays à son allié fidèle, notamment en Irak : « La Pologne ne sera plus jamais seule comme elle l’a été il y a 60 ans. Les États-Unis seront toujours avec la Pologne », a-t-il lancé à son homologue polonais. Des propos qui se passent de tout commentaire...
VARSOVIE, de Roger BARAKEH
L’anniversaire de l’insurrection de Varsovie a été entouré cette année d’une multitude d’événements à teneur hautement symbolique, qui ont fait de cette commémoration un jalon dans l’histoire contemporaine de la Pologne et de l’Europe unifiée. Après avoir rappelé le souvenir de l’insurrection de Varsovie contre l’occupation nazie, le 1er août 1944, qui s’était soldée par la mort de 200 000 Polonais et la destruction quasi totale de leur capitale sur ordre de Hitler, les cérémonies et les manifestations officielles ont mis l’accent sur la responsabilité des Allemands, des Russes, mais aussi des Alliés, vis-à-vis de la résistance polonaise lors de la Deuxième Guerre mondiale. Par ailleurs, la présence de hauts dirigeants occidentaux aux cérémonies, comme le secrétaire...