À soixante kilomètres au sud de Madras, Mamallapuram, un petit village de pêcheurs, a su conserver son cachet rustique, malgré l’invasion grandissante des touristes. Fondée sous les Pallava (une dynastie de l’Inde qui régna du IIIe au IXe siècle dans le Deccan oriental), Mamallapuram – en tamoul, village du roi Mama – a contribué, aux septième et huitième siècles, à l’essor de la sculpture dravidienne sur pierre. Les monolithes disséminés à travers la ville témoignent avec majesté de cet âge d’or. L’une des pièces maîtresse est « La descente du...
Actualités - OPINION
Carnet de voyage - Une étudiante libanaise de l’École centrale de Paris raconte son périple indien III - Mamallapuram, petit village de pêcheurs
Par Sarah HATEM, le 26 juillet 2004 à 00h00
Troisième chapitre du carnet de route de notre lectrice Sarah Hatem, une étudiante de l’École centrale de Paris qui, avec dix camarades, est partie à Madras pour aider à la construction d’une école sur un chantier dont ils ont assuré le financement.
À soixante kilomètres au sud de Madras, Mamallapuram, un petit village de pêcheurs, a su conserver son cachet rustique, malgré l’invasion grandissante des touristes. Fondée sous les Pallava (une dynastie de l’Inde qui régna du IIIe au IXe siècle dans le Deccan oriental), Mamallapuram – en tamoul, village du roi Mama – a contribué, aux septième et huitième siècles, à l’essor de la sculpture dravidienne sur pierre. Les monolithes disséminés à travers la ville témoignent avec majesté de cet âge d’or. L’une des pièces maîtresse est « La descente du Gange ». Ce bas-relief de 27 mètres sur 9, un des plus grands au monde, représente la légende selon laquelle le roi Bhagiratha fit couler le Gange depuis les cieux pour purifier les âmes de ses ancêtres. Une faille naturelle, qui divise le rocher en deux blocs, a permis à l’artiste d’y sculpter Shiva, le dieu hindou destructeur, dont les longs cheveux ont canalisé les flots impétueux, empêchant ainsi que la terre soit inondée.
Derrière le bas-relief, c’est une colline verdoyante qui s’ouvre à nous. Nous nous lançons sur le sentier afin d’atteindre le sommet. Tous les quelques mètres, nous découvrons un temple, souvent inachevé.
Ces édifices offrent aux visiteurs des scènes magnifiques. L’un de ces temples est dédié à Vishnou, représenté dans l’une de ses multiples réincarnations, le cochon. Son épouse Laksmi est assise sur ses genoux, et derrière lui attend sa monture, un aigle. Une petite parenthèse sur les divinités hindoues s’impose ici. La triade cosmique est formée de Brahma, le créateur, Vishnou, le protecteur, et Shiva, le destructeur. Shiva et Pavati ont quatre enfants : Saraswati, déesse de la connaissance et épouse de Brahma, Laksmi, qui bien que trompant son mari Vishnou incarne la maîtresse de maison soumise, Sharde et enfin Ganesh, dieu à la tête d’éléphant que l’on invoque avant de se lancer dans un nouveau projet. Une fois ce schéma en tête, la compréhension des sculptures rupestres est nettement plus aisée, et reconnaître telle ou telle divinité sous la forme de l’une de ses dix réincarnations devient un jeu fort amusant. Arrivée au sommet de la colline, je m’adosse contre un phare en pierres grises et au grand portail bleu. Les yeux fermés, je savoure la brise légère. Sur la côte, tout en bas, des pêcheurs se reposent dans leur pirogue après une dure nuit de labeur. Non loin, je remarque « le temple du rivage ». Malgré l’érosion causée par le vent et les pluies, le temple est toujours intact. La bâtisse centrale où trône la statue de Vishnou dormant épouse la forme du corps d’un éléphant. Celle-ci soutient une pyramide composée de trois niveaux, chacun dédié à l’une des divinités de la triade. Devant le temple ont été creusés des bassins sacrés de purification.
Je suis absorbée par la contemplation de l’édifice, quand soudain passe devant moi, comme dans un rêve, une nuée de femmes que le vent tente de dévêtir... en vain. Les plus âgées portent un sari, les plus jeunes arborent la chudidar, une longue tunique qui se rabat sur un pantalon, assortie d’une écharpe. Toute une palette de tissus et de couleurs : soie rose bonbon, fuchsia ou rose clair, imprimés jaune pâle à fleurs orange ou bleu turquoise à rayures dorées, étoffes de coton mauve, rouge... Je fais semblant de prendre le temple en photo, mais en réalité, c’est l’image de ce bouquet que j’aimerais garder.
Les rues de Mamallapuram regorgent de tailleurs qui confectionnent sur mesure des pantalons de pêcheurs très prisés des Occidentaux. J’en essaie un. Mais pour la novice que je suis, réussir à mettre correctement le pantalon relève de l’exploit. Après de multiples tentatives infructueuses, il faut se résoudre à demander l’aide du tailleur qui, sourire aux lèvres, promet qu’il gardera les yeux fermés. En fin de compte, je laisse tomber le pantalon auquel je préfère... trois lampions en papier mâché coloré. Le chauffeur du rickshaw qui me ramène à l’hôtel me propose de passer chez son cousin sculpteur. J’accepte sans hésiter. C’est une occasion rêvée d’aller chez l’habitant. Le rickshaw s’arrête devant une étroite ruelle. L’excitation laisse alors place à la peur quand je constate, une fois engagée dans la rue, que des voisins bloquent la sortie. Mes peurs sont toutefois rapidement apaisées quand je découvre l’atelier du cousin, rempli de statuettes de marbre, de granit représentant des divinités ou des animaux. Au premier coup d’œil, je craque pour un hippopotame en granit noir, et m’empresse de l’acheter...
La dernière étape de cette journée est encore un temple, celui de Tirukalikundram, à 10 kilomètres de Mamallapuram, dédié à Shiva. Il faut gravir près de 600 marches – pieds nus évidemment – pour accéder à ce temple érigé sur un rocher.
Heureuse coïncidence, notre visite se fait au son des gongs et des clochettes qui accompagnent le soleil couchant. C’est l’heure de la prière. Nous hésitons à faire la queue comme les Indiens pour nous faire marquer sur le front... mais le prêtre nous rattrape, le sourire aux lèvres. Pour seul vêtement, il porte un dhotti blanc attaché à la taille, une ficelle en bandoulière et un chapelet rose autour du cou. Ses cheveux son attachés en queue et un œil rouge trône au milieu de son front. D’abord timides, mes questions deviennent plus directes. Le brahmane, Giri Daran, nous décrit les rituels, la fréquence des prières, la signification des symboles. Nous arrivons rapidement au sujet que je brûle d’envie d’aborder : la question des castes. Giri Daran descend d’une lignée de brahmanes, et il affirme que sa fille épousera, le moment venu, un brahmane. Rapidement, l’idée que je m’étais faite du brahmane inaccessible est oubliée.
Encore enchantée par cette rencontre, je dévale les escaliers en zigzag... et ouf, mes chaussures sont toujours là !
Sarah HATEM
Troisième chapitre du carnet de route de notre lectrice Sarah Hatem, une étudiante de l’École centrale de Paris qui, avec dix camarades, est partie à Madras pour aider à la construction d’une école sur un chantier dont ils ont assuré le financement.
À soixante kilomètres au sud de Madras, Mamallapuram, un petit village de pêcheurs, a su conserver son cachet rustique, malgré l’invasion grandissante des touristes. Fondée sous les Pallava (une dynastie de l’Inde qui régna du IIIe au IXe siècle dans le Deccan oriental), Mamallapuram – en tamoul, village du roi Mama – a contribué, aux septième et huitième siècles, à l’essor de la sculpture dravidienne sur pierre. Les monolithes disséminés à travers la ville témoignent avec majesté de cet âge d’or. L’une des pièces maîtresse est « La descente du...
À soixante kilomètres au sud de Madras, Mamallapuram, un petit village de pêcheurs, a su conserver son cachet rustique, malgré l’invasion grandissante des touristes. Fondée sous les Pallava (une dynastie de l’Inde qui régna du IIIe au IXe siècle dans le Deccan oriental), Mamallapuram – en tamoul, village du roi Mama – a contribué, aux septième et huitième siècles, à l’essor de la sculpture dravidienne sur pierre. Les monolithes disséminés à travers la ville témoignent avec majesté de cet âge d’or. L’une des pièces maîtresse est « La descente du...
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