C’est sans doute avec amertume et tristesse que je m’efforce d’accepter, avec le temps, la réalité macabre de mon pays, et surtout celle d’une nouvelle jeunesse montante, défigurée et déficiente à plusieurs niveaux.
D’abord, le mouvement estudiantin, qui a pris réellement naissance en 1997, reste faible, peu organisé, et manque de coordination interuniversitaire constructive qui puisse aboutir à une dynamique synchronisée et efficace. Un mouvement capable vraiment de faire entendre sa voix.
Ensuite, le dialogue islamo-chrétien, auquel il est possible de donner le nom de dialogue de sourds à l’échelle nationale, est quasi absent parmi ces jeunes pourtant assez idéalistes. Ce dialogue est vital pour un rapprochement des points de vue, une action plus globale, et surtout pour que cette image dénaturée qu’on veut donner du Liban soit abolie une fois pour toutes. L’histoire est d’ailleurs témoin d’une harmonie confessionnelle relative au Liban, interrompue à travers les siècles par des ingérences externes.
Il faut aussi mentionner l’ingérence à grande échelle des partis politiques dans les élections estudiantines, des partis stériles dans leurs idées et qui préfèrent camper sur leurs positions monolithiques depuis des décennies que de faire avancer le cours des choses. Des partis qui ont à leur tête des responsables qui se succèdent, portant le même nom de famille, et qui proclament fièrement « démocratie et liberté », tout en enracinant un des vices majeurs de la société orientale et libanaise : le féodalisme. Quel joli paradoxe !
Mais là où le bât blesse vraiment, c’est au niveau de cette soumission inconditionnelle de certains jeunes aux desiderata arbitraires des grands manipulateurs qui jouissent de la culture du « culte du chef », fortement enracinée chez les Libanais.
Tout cela a entravé, d’une façon ou d’une autre, toute action collective importante et a créé une certaine démotivation, même parmi les plus engagés.
L’on se retrouve ainsi avec trois catégories majeures de jeunes. La première regroupe ceux qui quittent le pays sans pour autant regretter ni pleurer une terre que leurs ancêtres ont pourtant si bien défendue et préservée, et qui sombre petit à petit dans la dégradation, sous leurs regards souvent insouciants et indifférents.
La seconde, qui réside au Liban, se caractérise par une apathie généralisée et une absence de participation aux activités d’ordre social ou politique (Croix-Rouge, ONG, tables rondes...). Une catégorie qui inclue ces jeunes nouveaux riches, que je croise souvent dans les boîtes de nuit de la capitale arrivant dans leurs voitures prétentieuses et qui sont visiblement incultes et imprégnés de superficialité.
Enfin, la troisième catégorie, plutôt minoritaire et malheureusement désunie, évoque encore un onirique passé et veut faire revivre l’ombre d’une nostalgie héritée des parents, celle d’un Liban florissant, glorifié par les ravissantes chansons de Feyrouz, Wadih el-Safi et bien d’autres.
Face à la dure réalité d’une jeunesse qui va vers la désintégration et d’une classe politique rivalisant de médiocrité – qui a parfaitement réussi à légitimiser la soumission de l’État à travers des gouvernements qui se suivent, semblables au gouvernement français de Vichy –, une seule lueur d’espoir demeure : continuer à croire en un avenir meilleur, et repenser l’histoire pour en tirer des leçons bénéfiques... Le point de départ devant être le rejet de toute division et de toute tentative de semer la discorde !
Bachir KHOURY
Étudiant à l’AUB
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