WASHINGTON, de notre correspondante Irène MOSALLI
Elles ont bien choisi leur moment pour relancer le débat sur le droit à l’avortement. Les nombreuses associations américaines adeptes de ce choix avaient organisé hier à Washington, en pleine campagne présidentielle, une impressionnante manifestation intitulée « The march for women’s lives » (La marche pour la vie des femmes), c’est-à-dire qu’il revient aux femmes et non à l’État ou à l’Église de décider de leur planning familial.
Cette option est prônée par le candidat démocrate John Kerry qui s’est ainsi prononcé pour la séparation de l’Église et de l’État. Le jour de Pâques, on s’était demandé si la communion allait lui être refusée durant la messe à laquelle il assistait à Boston, car actuellement le Vatican planche sur un document intitulé « Le Sacrement de Rédemption » dont l’une des clauses prévoit de ne pas laisser communier ceux qui sont en état de péché, l’avortement en étant un, à ses yeux. Mais John Kerry a pu prendre la Sainte Eucharistie.
À noter que cette décision du Vatican apporte, par contre, de l’eau au moulin de George W. Bush et d’un très grand nombre d’Américains conservateurs et ultraconservateurs pour qui l’interruption volontaire de la grossesse, même à son tout premier stade, est un véritable crime. Et ceci, quoique la Cour suprême ait légalisé, en 1973, l’avortement par la loi intitulée Roe vs Wade.
Devant la représentation
du Saint-Siège
Dès vendredi soir, les pro-avortements étaient déjà sur le pied de guerre et avaient commencé à manifester leurs revendications devant la représentation du Saint-Siège à Washington.
La marche d’hier est la plus grande manifestation jamais vue à ce sujet à Washington depuis 1992. Elle a été organisée par sept grandes associations féministes et 1 400 différents groupes y ont pris part, afin de montrer qu’il s’agit là d’un problème aussi important et primordial que celui de la sécurité sociale.
Lors d’une conférence de presse tenue la veille, les responsables s’en sont notamment pris aux restrictions budgétaires effectuées par le président George W. Bush, qui ont affecté le planning familial. « Cette Administration, ont-elles dit, a bloqué les aides à l’éducation et au discours démocratique, chez nous et à l’étranger. Pour parer à ce manque, la Communauté européenne a versé 32 millions de dollars au United Nations Population Fund et le Canada a fait une donation de 4 millions de dollars.» « Notre marche s’inscrit dans la lignée des initiatives similaires qui ont changé l’histoire et qui ont élargi les libertés dans ce pays. Notre cause est vitale pour les droits des Américaines. Nous n’allons pas laisser Bush nous ramener aux jours où les décisions ayant trait à notre corps étaient faites par les autres. Nous avons le plein droit de décider pour nous-mêmes. »
L’un des faits saillants de cette marche d’hier était la présence massive d’étudiantes venues des quatre coins des États-Unis. Cette nouvelle vague de féministes diffère de l’ancienne (qui, elle, hurlait sa rage et avait tendance à radicaliser sa lutte) par son approche posée sur cette affaire. La nouvelle vague est toujours déterminée à gérer elle-même sa maternité ou sa non-maternité, mais elle veut le faire avec nuance et discernement. Elle entend le faire en établissant des mesures sécuritaires physiques, morales et psychologiques : à savoir, entre autres, que les circonstances justifient réellement l’IVG, prévoir deux jours de réflexions avant l’intervention, demander la permission des parents quand la personne a moins de 18 ans.
Selon les statistiques, 55 % des Américaines sont pour l’avortement dans une situation donnée et 45 % sont contre. Celles appartenant à cette seconde catégorie avaient organisé hier une contremarche. Comme pour amortir le choc de la pierre lancée dans le jardin de George W. Bush.
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