Les Libanais fermeront-ils ou ne fermeront-ils pas leur portable ? C’est probablement ce soir que l’on obtiendra un début de réponse à cette question énigmatique qui préoccupe en premier lieu les organisateurs de la campagne nationale de boycottage des réseaux de téléphonie mobile. Hier à 0 heure, les Libanais étaient appelés à fermer leur portable et à s’abstenir pendant 24...
Actualités - CHRONOLOGIE
Téléphonie mobile - La solidarité des ministres et des députés avec l’opération de contestation sera testée aujourd’hui Un comité ad hoc pour superviser le mouvement de boycottage
Par JALKH Jeannine, le 15 juillet 2004 à 00h00
Les Libanais fermeront-ils ou ne fermeront-ils pas leur portable ? C’est probablement ce soir que l’on obtiendra un début de réponse à cette question énigmatique qui préoccupe en premier lieu les organisateurs de la campagne nationale de boycottage des réseaux de téléphonie mobile. Hier à 0 heure, les Libanais étaient appelés à fermer leur portable et à s’abstenir pendant 24 heures d’effectuer des communications pour exprimer leur mécontentement à l’égard des tarifs pratiqués par l’État via les opérateurs, et plus généralement, à l’égard de la politique financière du gouvernement, contestée par plusieurs parties. Ce rendez-vous, crucial à plus d’un plan, devrait avoir son répondant à Rome, aujourd’hui même, entre 12 heures et 14 heures, puisque les Italiens bouderont à leur tour, et durant ces deux heures, les téléphones mobiles pour protester, en même temps que les Libanais, contre les prix exorbitants imposés par les quatre principales sociétés de téléphonie mobile. Une opération double dont les résultats devraient être évalués conjointement par les initiateurs de part et d’autre, soit l’Association libanaise des consommateurs et son équivalente italienne, l’Intesa dei consumatori, qui feront un suivi et une évaluation de la grève.
Le comité organisateur de la campagne au Liban sera d’ailleurs mobilisé aujourd’hui toute la journée au siège de l’Ordre de la presse pour superviser minute par minute le déroulement de l’opération de boycottage. Une équipe sur place sera chargée d’appeler les abonnés sélectionnés de manière arbitraire pour essayer de calculer la moyenne des « grévistes ». Beaucoup moins spontané est le choix pris par le comité d’appeler systématiquement sur leur portable tous les ministres et députés dont une partie s’est dépêchée de soutenir le mouvement.
« Pour nous, c’est une manière de vérifier lequel d’entre eux est réellement sincère », affirme le président de l’Association libanaise du consommateur, M. Berro, en faisant allusion, notamment, aux députés de la commission parlementaire des Télécommunications, aux ministres du Travail et du Développement administratif, Assaad Hardane et Karim Pakradouni, le parti Kataëb et le Parti syrien national social ayant soutenu le mouvement, en même temps que Amal et le parti Baas.
Sur le terrain, les avis sont partagés et les usagers ne sont pas tous décidés à se déconnecter.
On sait déjà que le principal concerné, le ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi, ne prendra pas part au mouvement de protestation – solidarité gouvernementale oblige –, alors qu’il était l’un des premiers responsables, voire le seul, à avoir soutenu l’idée d’une révision des tarifs, une position à laquelle le ministre des Finances, Fouad Siniora, s’était radicalement opposé. Interrogé par la LBCI, M. Cardahi a toutefois précisé qu’il est en train de préparer plusieurs propositions visant à réduire les tarifs en vigueur, sachant que les recettes actuelles du cellulaire sont prévues dans le budget 2004. Il faudra donc, ou bien modifier le budget par un projet de loi, ou attendre le prochain budget pour y apporter les modifications nécessaires.
Ailleurs, dans les rues de la capitale, les attitudes divergent et les Libanais semblent une fois de plus divisés, non pas tant sur le principe du boycottage, que tous approuvent unanimement, mais sur son efficacité et surtout au sujet de ses éventuels effets négatifs sur l’économie et les affaires en général. Propriétaire d’un magasin de vente d’appareils portables, Naji Gholam a déjà recueilli un premier feedback de la part de ses clients. Il estime que seuls 10 pour cent des consommateurs respecteront le mot d’ordre. « Personne ne peut plus se passer de son portable, devenu, économiquement parlant, indispensable », affirme-t-il. Mais ce n’est pas l’avis de Joey, 27 ans, commerçant, qui affirme que même s’il va perdre un peu d’argent ou des clients ce jour-là, la campagne en vaut le coup. « Nous en avons marre de subir des décisions sans jamais réagir », souligne-t-il en certifiant qu’il fermera son portable durant les prochaines 24 heures. Imad n’est pas de son avis. Employé dans une société, il affirme qu’il ne peut pas décider pour lui-même, mais qu’il dépend de son employeur qui lui demandera des comptes à rendre. « Mon pouvoir d’achat a déjà énormément baissé au cours de ces dernières années. J’ai trois enfants à nourrir et je ne peux pas risquer de perdre mon emploi », dit-il.
Bien que l’appel à la grève ait reçu l’aval de l’ensemble de la société civile et de la majorité des Ordres et des associations professionnelles, les médecins ne semblent pas tous d’accord pour débrancher leur portable. « Nous ne pouvons pas faire prendre ce risque à nos patients. C’est contre la déontologie du métier », affirme un cardiologue à l’hôpital Saint-Georges qui explique que l’appel lancé par l’Ordre des médecins est symbolique car tout le monde ne peut pas suivre. « Les dermatologues, les plasticiens, les radiologues et tous les autres spécialistes qui ne sont pas sollicités d’urgence peuvent se permettre d’être hors réseau. Pas nous », dit-il.
Même réaction à la Croix-Rouge de Jounieh où les jeunes volontaires sont décidés à se solidariser avec le mouvement dans la mesure du possible. « Nous ne pouvons pas fermer nos appareils complètement. Mais nous éviterons de les utiliser au maximum », souligne un volontaire.
Placée sous le signe du droit du consommateur à des communications réduites, cette campagne, qui doit rallier sans distinction tous les mécontents, a même réussi à mobiliser le syndicat des employés des sociétés de gestion des réseaux cellulaires. Hier, leur président, Paul Zeitoun, a lancé le mot de ralliement : « La facture de l’usager libanais est la plus chère au monde », a-t-il affirmé.
Jeanine JALKH
Les Libanais fermeront-ils ou ne fermeront-ils pas leur portable ? C’est probablement ce soir que l’on obtiendra un début de réponse à cette question énigmatique qui préoccupe en premier lieu les organisateurs de la campagne nationale de boycottage des réseaux de téléphonie mobile. Hier à 0 heure, les Libanais étaient appelés à fermer leur portable et à s’abstenir pendant 24...
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