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Actualités - OPINION

Réforme administrative Des textes et des hommes : la recette pour un grand nettoyage

Par Hassãn Tabet Rifaat* Conscient des soucis qui pèsent sur les esprits, on est en droit d’hésiter à parler de sujets qui ne seraient pas directement liés au poids du social. Il y aurait toujours la possibilité de verser dans le slogan ou les lamentations. Mais le discours direct demeure apte à secouer la torpeur et l’engourdissement des énergies. À remuer ceux qui comptent sur l’accoutumance pour perpétuer les défauts d’un passé toujours présent. Il en est ainsi des défauts de l’Administration, dont la réforme sans cesse réclamée s’éclipse après quelques feux d’artifice. Ces illuminations intermittentes sont souvent le fait d’initiatives éruptives, que domine le souci de plaire au seigneur du moment. Les mesures d’épuration doivent préluder à une politique en profondeur et de longue haleine. Elles ne peuvent se limiter à sacrifier quelques fonctionnaires. Dans cette hypothèse, elles sont nocives dans la mesure où elles renforcent la conviction que, malgré quelques parenthèses, la logique du service mal fait se perpétuera inévitablement. Des recettes de réformes sont saisonnièrement présentées ; elles le sont à un moment où elles ne peuvent être sérieusement étudiées ni, a fortiori, recevoir application. Les rapports des réformateurs commence généralement par un vœu pieux : que la politique cesse d’asservir l’Administration. Mais celle-ci n’est pas un être immatériel ; elle est un ensemble de fonctionnaires qui ont des prérogatives propres ; ils sont censés les exercer de leur propre initiative, puisqu’ils en sont investis par la loi : ce serait pour des raisons que nul ne saurait légitimer que certains attendraient un feu vert pour déclencher une action ou stopper une formalité ! Si certains n’ont pas de cœur et fléchissent, ils devront être sanctionnés, en priorité, par le supérieur hiérarchique immédiat ; l’inaction de ce dernier devrait être réprimée au sommet, c’est-à-dire au niveau du directeur général. C’est ensuite que le ministre exercera les prérogatives dont il est investi, notamment, par la Constitution et les principes généraux. En appoint, intervient l’Inspection centrale ; si elle devait être impliquée dans le quotidien des services administratifs, elle ferait de la gestion directe : cela serait contraire aux règles de contrôle et mouillerait les inspecteurs dans le traitement des formalités. Inspecter et gérer sont deux fonctions différentes. Quant aux dossiers qui ne peuvent être traités par l’Inspection centrale parce qu’ils échapperaient à sa compétence (nombre de secteurs ne sont pas en effet soumis à l’Inspection, d’autres par contre disposent de règles propres qui ligotent le travail des inspecteurs), le Conseil des ministres en aura la charge. Il est toutefois une mesure qui requiert beaucoup de précaution. En effet, la mise d’un haut fonctionnaire à la disposition d’un ministre suppose que l’agent concerné a été mis à même de se défendre, et que les griefs qui légitiment cette mesure exceptionnelle imposent, dans de brefs délais, une mesure plus énergique. Mais qu’elle devienne la traduction d’un déblaiement politique, cela nuira à l’image de la puissance publique, gage d’autorité et de crédibilité ; remis en selle, le fonctionnaire tâchera de se blanchir et revêtira le lin blanc de la pureté. L’opinion applaudira alors, comme elle aura applaudi à la mise à l’écart provisoire, avec l’appui de certains médias. Or, ceux-ci bénéficient de la liberté pour qu’ils soient en mesure d’exercer, efficacement, les tâches particulières dont ils sont investis ; citons principalement le devoir de former et pas seulement le souci d’informer, aussi les médias pourraient-ils être appelés à repenser les rapports de l’équilibre budgétaire et de la liberté. L’exemple, rappelé par La Fontaine, du loup amaigri, mais libre, et du chien bien nourri, mais retenu par un collier et une laisse, nous rappelle à tous qu’on ne peut prétendre à la fois à la dignité et à la servilité. À cette fin, l’épuration est appelée à renforcer le camp des fonctionnaires qui refusent de voler le contribuable. Repensée à la lumière des nécessités actuelles, elle ne saurait se limiter aux mesures disciplinaires classiques. Dans un rapport publié au Journal officiel en 1987, nous avions préconisé des mesures requérant l’intervention de lois pour ramener au Trésor l’argent du peuple que les voleurs et leurs complices avaient pris. Je ne suis pas près d’oublier la réaction d’un très haut fonctionnaire, il y a quelques décennies ; il avait mis son poste au service de son propre compte bancaire et souligné que tout compte fait (c’est bien le terme), une retenue de salaire quelle qu’en fût l’importance, n’affecterait en rien la rentabilité de ses contacts. Épurer ? Oui, pour pourchasser les voleurs et leurs complices, mais aussi pour récupérer l’argent volé. Les sanctions disciplinaires et même les peines d’emprisonnement ne suffisent pas ; ceux qui puisent dans les caisses de l’État ou les poches des contribuables sont des malfaiteurs ; ils doivent rendre l’argent qu’ils ont volé, sans pouvoir s’abriter derrière le temps écoulé. Des textes et des hommes : voilà une recette pour un grand nettoyage, toujours possible, si l’on y croit. * Avocat - professeur à la faculté de droit de l’USJ - ancien président de l’Inspection centrale
Par Hassãn Tabet Rifaat*
Conscient des soucis qui pèsent sur les esprits, on est en droit d’hésiter à parler de sujets qui ne seraient pas directement liés au poids du social. Il y aurait toujours la possibilité de verser dans le slogan ou les lamentations. Mais le discours direct demeure apte à secouer la torpeur et l’engourdissement des énergies. À remuer ceux qui comptent sur...