Calme, sûr de lui, le président déchu Saddam Hussein a pris rapidement l’ascendant jeudi sur le jeune juge d’instruction irakien chargé de lui signifier les sept charges pesant contre lui, lors de sa première apparition depuis sa capture par les forces américaines.
Dès le début, il réussit à inverser les rôles, en harcelant poliment, mais constamment le juge, le mettant sur la défensive, notamment en se présentant comme le président de la République, et son interlocuteur comme un magistrat nommé « par les forces d’invasion ». Il utilise un stratagème très simple : interrompre le juge et lui poser sans cesse des questions, dont certaines embarrassantes. Il demande au magistrat de se présenter. Ce dernier affirme qu’il est juge d’instruction au Tribunal central irakien. L’ancien dictateur le lui fait répéter deux fois, puis lui demande incidemment : « Quel décret a institué cette Cour ? » Et le piège se referme. Le juge est contraint de dire que le tribunal a été créé par « les autorités de la coalition ». Saddam Hussein jubile : « Cela veut dire que vous êtes un Irakien représentant les forces occupant votre pays. »
Le juge, désarçonné, est obligé de répondre : « J’ai été nommé par un décret présidentiel publié par l’ancien régime. » « Alors, nous sommes d’accord », répond satisfait le président déchu.
Ayant marqué un point, il poursuit son avantage et va jusqu’à admonester son interlocuteur. « Vous ne devez pas travailler selon un ordre émis par les forces que vous appelez de la coalition, car ce sont les forces d’invasion. »
Le juge se voit obligé de répondre : « Je voudrais vous expliquer un point important. J’étais juge sous l’ancien régime » et Saddam Hussein, qui est accusé d’avoir violé la loi et d’avoir eu recours à des jugements expéditifs, de répondre : « Je respecte les juges et vous le savez. »
Le prévenu va poursuivre son harcèlement jusqu’à faire acquiescer par le magistrat que la seule loi est celle du Coran et de la charia. « La justice est relative. Pour nous, la justice est représentée par notre héritage éternel émanant du Coran et de la charia du prophète Mahomet. C’est bien le cas ? » demande-t-il. « C’est juste », répond le juge.
Menant les débats et mettant chaque fois le magistrat sur la défensive, comme si ce dernier était l’accusé, il lui répète à plusieurs reprises : « J’espère que vous vous rappelez que vous êtes un juge. » Toujours poli, l’ex-dictateur devient procédurier et fait savoir au juge qu’il connaît la loi et qu’il a étudié le droit. « Juste pour l’aspect légal, j’espère que vous vous êtes assuré que j’avais des avocats », interroge-t-il. « Oui », répond le juge, « Ne dois-je donc pas rencontrer mes avocats avant de comparaître devant vous ? », souligne-t-il.
Hagard lorsqu’il a été arrêté, le 13 décembre 2003, par les forces américaines, Saddam Hussein semble avoir retrouvé tous ses moyens sept mois plus tard et devrait être un prévenu difficile pour la justice irakienne.
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