Rome , de May Abboud Abi Akl
Le patrimoine méditerranéen, sa préservation, son archivage, une triple préoccupation qui aboutit à 12 programmes spécifiques. En application fidèle de la proclamation fondatrice de Barcelone de 1995. La présentation de ces plans, les résultats qu’ils ont permis d’obtenir ont fait l’objet d’un congrès tenu à Rome, « Euromed Héritage », d’après le programme lancé il y a quelque temps. Avec la participation de quelque 300 spécialistes délégués par des instituts de recherche, des universités, des organismes gouvernementaux et des associations du partenariat euro-méditerranéen, regroupant les 25 de l’Union, ainsi que la Turquie, la Syrie, le Liban, la Jordanie, l’Autorité palestinienne, Israël, l’Égypte, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc.
Le budget du programme consacré au patrimoine, financé par l’Union, s’élève à 57 millions d’euros. Il s’étale sur huit années. Parallèlement, le congrès a prévu des dispositions pour renforcer les relations entre les partenaires par l’échange de données spécialisées. Neuf séances ont été organisées sur trois jours. L’accent a été mis, naturellement, sur la richesse culturelle exceptionnelle, pour ne pas dire unique, du bassin méditerranéen. Une contrée qui regorge, comme nul ne l’ignore, de sites archéologiques ou d’œuvres d’art séculaires qu’il s’agit de restaurer, de préserver, de recenser, d’archiver, pour en maximaliser l’exploitation aussi bien culturelle que touristique. Les intervenants ont établi un bilan complet d’« Euromed Héritage Un », première phase du plan global. Passant en revue leurs expériences respectives et détaillant l’impact des réalisations sur le développement régional ou local. Il a été convenu de renforcer les échanges culturels, notamment entre les universités et les instituts de recherche, en utilisant intensivement le web. Des experts de la Commission européenne ont par ailleurs offert des notions de gestion administrative ou technique des projets patrimoniaux. La participation nord-africaine et orientale arabe a été particulièrement dense, tant par le nombre de conférences que lors des débats. La Tunisie avait ainsi délégué Khalida Toumi, ministre de la Culture. La Jordanie, son ancien ministre de la Culture, Fayçal Raffouh. La Syrie, son vice-ministre, Abdel Razzak Mouezz, qui a présidé l’une des séances. Hassan Abou Akar, conseiller à l’ambassade du Liban, était présent.
En marge du congrès, s’est tenue une exposition architecturale algérienne, et des tableaux expliquant la deuxième phase du projet « Euromed Héritage » ont été affichés.
La part du Liban
Le Liban, pour sa part, participe à six projets :
– le « Corpus levant », qui traite de l’architecture historique. La première phase du projet, maintenant achevée, a été présentée par Anne-Marie Afeiche, du ministère de la Culture. Qui a remis à la Commission européenne un exemplaire de l’ouvrage bilingue illustré, arabe-français, rédigé à ce propos. Et doté de 60 planches ainsi que de dizaines de photos couleurs. L’opération vise, dans sa finalité, à aider les architectes, à réhabiliter ou à reconstruire à l’identique les sites architecturaux classifiés, afin de mieux préserver ce beau patrimoine.
– L’Université du Saint-Esprit, Kaslik, apporte de son côté sa contribution à un projet en deux étapes, « Unimed Audit », qui doit être parachevé en janvier prochain. Le directeur du programme, le Dr Joseph Raad, explique qu’il s’agit de moderniser la législation pour mieux protéger le patrimoine dans les pays méditerranéens et promouvoir la croissance dans les domaines culturel et touristique aussi bien qu’au plan de l’économie générale. Ce qui doit se cristalliser à travers la mise en place d’une banque de données informatique. Au Liban, même les textes sont actuellement sous révision, dans l’attente d’un nouveau code de la propriété privée. Tandis que des établissements universitaires lancent dans les localités des campagnes d’éveil et de sensibilisation patrimoniale de la population.
– Le programme « Filières innovantes » encourage pour sa part, à un échelon régional, les artisanats ou les petites productions agroalimentaires. La faculté des sciences de l’Université libanaise y participe. Le coordinateur pour le Liban, le Dr Bassem Hachem, indique que les efforts portent sur l’huile d’olive, le vin, les arbres fruitiers, les essences florales ou médicinales, les fruits séchés, le fromage, le tissage, les métaux, les pierres naturelles. Des activités traditionnelles largement répandues dans le pourtour méditerranéen. Le programme, lancé en 2002, va jusqu’en 2005. Il occupe cinq chercheurs, épaulés par 30 enquêteurs de terrain. La Commission européenne finance les travaux à 80 %, le devis s’élevant à 3,2 millions d’euros. Le cinquième restant est couvert par les États ou les universités. Au Liban, signale Hachem, il n’y a eu aucune subvention et il a fallu recourir au mécénat du secteur privé.
– La Maison d’Antioche participe au « Manumed », qui concerne la sauvegarde, ou l’inventaire, des écrits, des archives, des bibliothèques privées. Un trésor culturel que menacent la chaleur, l’oxydation, l’humidité, la poussière ou l’aridité des climats désertiques. La sœur Agnès Mariam a exposé les réalisations effectuées dans ce domaine.
– La faculté de théologie (Iklirkiyé) de Beyrouth participe au programme « Voix méditerranéennes » pour la promotion du patrimoine culturel ou traditionnel social (célébrations, fêtes, etc.) dans les grandes villes, dont Beyrouth. Et pour tisser entre ces cités un réseau de communication permanente. D’échanges de récits transmis de génération en génération.
– Enfin, le Conservatoire national libanais contribue à « Médimuses », qui s’efforce d’établir les traits communs aux musiques du pourtour méditerranéen et de répandre notamment la musique byzantine.
Un partenariat qui va plus loin
que les États
L’Euromed est un pacte entre les peuples. Il inclut certes les États, mais les dépasse pour s’étendre à tous les rouages de la société civile. Les ensembles corporatifs, académiques, économiques, culturels ou autres sont invités à dialoguer entre eux, mais aussi à s’interactiver avec d’autres secteurs, publics ou privés. Pour des programmes bilatéraux ou largement collectifs, selon les cas d’espèce.
L’Euromed a pris corps en 1995 à Barcelone. Dans la capitale catalane, les ministres des pays membres de l’Union européenne et de 12 pays du sud de la Méditerranée ont mis au point une proclamation de partenariat visant à faire du pourtour de la Mare nostrum un havre de paix, de stabilité et de prospérité partagées. Le document évoque les us et coutumes, les cultures, les civilisations des deux pôles du bassin, en se proposant d’en promouvoir, d’en intensifier, d’en organiser le dialogue et les échanges, humains, scientifiques ou technologiques. Afin de rapprocher les peuples.
Un creuset d’action commune pour la compréhension mutuelle des cultures ainsi que pour l’essor économique a été mis au point. Il implique des congrès, des projets, une constante coopération.
Six mois après Barcelone, les ministres de la Culture se sont réunis à Bologne pour élaborer une stratégie, une charte du patrimoine. Considéré comme facteur de cimentation, aussi bien dans ses représentations matérielles, archéologiques ou autres que dans sa dimension spirituelle. C’est dans cette ligne que l’Euromed héritage a été créé en 1998 à Rhodes. La première tranche, d’un budget de 17 millions d’euros, englobait 16 projets. En 2002, le chiffre a été porté à 20 projets d’un coût global de 57 millions d’euros.
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