Un médicament sur dix vendu dans le monde est un faux qui, au mieux, ne produit aucun effet, et au pire peut entraîner la mort, selon les autorités sanitaires américaines.
Fléau des pays pauvres, la contrefaçon pharmaceutique tend à se développer en Occident, principalement par le biais d’officines douteuses sur Internet.
Les contrefaçons représentent 10 % du marché pharmaceutique mondial et rapportent 32 milliards de dollars par an aux trafiquants d’après les statistiques de la FDA (Food and Drug Administration).
Dans les pays pauvres, jusqu’à 25 % des médicaments sont des faux, vendus dans la rue parfois à l’unité. Dans les pays développés, la contrefaçon touche surtout des produits coûteux (hormones, corticoïdes) vendus par Internet ou, plus rarement, en infiltrant les circuits de distribution.
Relativement faciles à fabriquer, les faux médicaments tendent à suivre un circuit similaire à celui du trafic de drogue.
« Ce n’est pas très différent de faire des comprimés de médicaments contrefaits et des comprimés d’ecstasy », note le docteur Yves Juillet, président du comité anticontrefaçon du Leem (Les entreprises du médicament).
Nigeria, Chine, ex-URSS sont les pays les plus souvent pointés du doigt par les industriels de la pharmacie.
« En Europe, ce sont la Russie et l’Ukraine qui inquiètent. Compte tenu de l’élargissement de l’UE, il existe un certain risque que les médicaments contrefaits puissent pénétrer en Europe de l’Ouest à travers les frontières de l’Est, même si, aujourd’hui, les cas sont exceptionnels », poursuit le Dr Juillet.
La fiabilité des circuits de distribution a jusqu’à présent permis aux Européens, contrairement aux Américains, d’échapper au flot des faux médicaments.
L’industrie multiplie les mesures préventives (codes-barres, puces électroniques, etc.). Mais, selon le Leem, il existe un risque que les contrefaçons russes ou ukrainiennes finissent par pénétrer les circuits pharmaceutiques d’Europe de l’Ouest, via les pays entrants de l’Union européenne, faute de contrôles stricts de la part de ces pays et grâce au principe de libre-circulation des marchandises au sein de l’Union.
Des saisies isolées de médicaments contrefaits ont déjà eu lieu en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Ailleurs, comme en France, c’est la nature même du marché qui constitue la meilleure protection : le consommateur, qui bénéficie de médicaments bien remboursés et bon marché par rapport à ses voisins, n’a aucun intérêt à se tourner vers les circuits clandestins.
Aux États-Unis, le premier marché mondial du médicament où une importante tranche de la population n’est ni assez riche pour s’offrir une assurance privée ni assez pauvre pour bénéficier de la sécurité sociale, les faux médicaments trouvent en revanche un terrain fertile pour proliférer.
D’où le nombre impressionnant de «pharmacies virtuelles » sur Internet, pour la plupart basées au Mexique, vendant toute sorte de médicaments à l’authenticité douteuse. En France, où il est interdit d’acheter des produits de prescription sur internet, le phénomène reste très marginal, selon le Leem. Il concerne surtout des médicaments contre l’impuissance ou l’anorexie que certains consommateurs cherchent à se procurer sans ordonnance.
Dans les pays développés, l’acheteur de contrefaçons ne risque en général pas plus qu’une saisie douanière ou la prise d’une substance totalement inopérante.
Le problème est plus sérieux en Afrique, en Asie du Sud-Est ou en Amérique latine, où sirops contre la toux à l’antigel ou antipaludéens ne contenant aucun principe actif tuent chaque année des centaines de personnes.
L’industrie américaine menacée
La forte pression au Congrès américain pour une loi autorisant les réimportations de médicaments aux États-Unis en provenance du Canada et d’autres pays industrialisés, dont la France, menace l’industrie pharmaceutique américaine sur son propre territoire.
Cette loi vise à faire baisser le prix des médicaments aux États-Unis, supérieur de 77 % à la moyenne des tarifs pratiqués dans 7 autres pays industrialisés selon une étude réalisée par l’Université de Boston.
Il s’agit, dans la plupart des cas, de réimporter à moindre coût des médicaments conçus et produits aux États-Unis dont le prix de vente à l’étranger est sensiblement inférieur à celui en vigueur sur le territoire américain du fait d’une structure de contrôle des prix beaucoup plus stricte.
Une loi a déjà été votée dans ce sens par le Congrès en juillet 2003, mais la Food and Drug Administration (FDA), autorité de régulation, en a quasiment annulé l’effet en luttant activement contre sa mise en application.
Elle fait valoir les risques potentiels que représente l’importation de médicaments dont l’origine n’est pas toujours contrôlée.
Le projet de loi, déposé il y a deux mois par un groupe composé de sénateurs républicains et démocrates, doit permettre de lever les derniers obstacles à la réimportation des médicaments.
Malgré l’opposition ferme de l’Administration Bush ainsi que des principaux leaders républicains au Congrès, la loi pourrait néanmoins être adoptée.
Elle a ainsi reçu récemment le soutien de la puissante association des retraités américains (AARP), qui représente 36 millions de personnes de 50 ans et plus.
Le marché des médicaments sur prescription représentait en 2003 un chiffre d’affaires de 216,4 milliards de dollars aux États-Unis, en augmentation de 11,5 % par rapport à 2002.
Les dix premières sociétés du secteur ont réalisé un bénéficie cumulé de 50 milliards de dollars.
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