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Actualités - OPINION

Irak : l’impasse

Les Américains aujourd’hui semblent dans l’impasse. Si la guérilla sunnite n’a pas de quoi surprendre, c’est bien l’entrée en jeu des chiites qui inquiète ; cette communauté s’était abstenue jusque-là d’affronter les troupes de la coalition par les armes. Avant d’aborder les raisons directes de ce nouveau conflit, il s’agit de rappeler que les chiites sont avant tout des « constitutionnalistes » ; ils défendent l’idée d’une Constitution islamique. Mais le chiisme irakien est actuellement divisé en deux tendances majeures : la plus importante est celle dite « confessionnaliste ». Cette tendance vise à garder au chiisme irakien sa propre spécificité et ne voit une solution à la question irakienne que dans un rééquilibrage des pouvoirs en faveur des chiites. L’ayatollah Mohammed Baker el-Hakim et Abdel-Majid el-Khoï étaient proches de ce courant qui est de même doctrinalement très proche du grand ayatollah d’origine iranienne Mohammed al-Sistani et répond à la nouvelle politique de l’Iran où l’élite cherche une porte de sortie au pouvoir religieux, ne veut plus exporter la révolution et a repris sa politique traditionnelle d’utiliser les chiites irakiens comme simple vecteur d’influence. L’autre courant rejette le confessionnalisme et défend un projet indépendantiste dans un contexte islamique beaucoup plus large qui s’adresse à tous les musulmans selon les principes qui ont guidé la révolution islamique. Il a, un temps, regroupé parmi ses dirigeants des hommes comme Mohammed Baker al-Sadr (un parent de Moqtada al-Sadr) qui, avec l’imam Khomeyni, était le pilier de la renaissance islamique. Actuellement, cette mouvance est, pour les raisons précitées, un peu orpheline de l’Iran, ce qui a fait resurgir un clivage très vieux entre les ulémas arabes et persans et s’est traduit en Irak dernièrement par un affrontement qui pencha un moment en faveur du second courant suite au double assassinat de Khoï et Hakim. C’est sans doute ce clivage qui continue de se profiler à l’arrière-plan des évènements actuels qui, à l’approche des échéances du 30 juin – date de la passation des pouvoirs à l’autorité irakienne – ont revigoré la crainte des chiites de voir le pouvoir leur échapper. L’occasion s’est présentée : prenant prétexte de l’assassinat de cheikh Yassine, Moqtada al-Sadr met le feu aux poudres en prononçant un discours fulgurant dans lequel il se proclame le « bras irakien » du Hamas et du Hezbollah. Les Américains réagissent en arrêtant le samedi 3 avril Moustafa al-Yaacoubi, son chef de bureau, dans le cadre de l’enquête sur le meurtre, en avril 2003, d’al-Khoi. Les miliciens de l’« Armée du Mahdi » prennent les armes tandis que Sistani, lui, appelle au calme. L’impasse actuelle découle de l’existence de deux alternatives : soit que les Américains sollicitent l’appui d’al-Sistani au prix de concessions en faveur des chiites au niveau de la Constitution qu’ils essaient d’imposer ; un risque de guerre civile (sunnite-chiite et même chiite-chiite) n’est pas alors à écarter, de même que l’implosion de la société irakienne à caractère tribal rappelant le processus de désintégration de l’Algérie dans les années 90. Soit que la communauté chiite se radicalise de plus en plus face à l’occupant. Mais le danger vient d’ailleurs aussi. Durant toute son histoire, l’Irak a puisé les sources de sa légitimité « nationaliste » à partir de la zone méditerranéenne. Serait-il en train de nourrir sa légitimité « islamiste » à partir de cette même zone ? Le prétexte tiré de l’assassinat de cheikh Yassine et la référence au Hamas et au Hezbollah par al-Sadr le laissent penser et tout indique que l’Irak est en passe de devenir le nouveau foyer d’un islamisme que les Américains sont justement venus endiguer. Autant de risques qui justifient paradoxalement le maintien de leurs troupes. Encore faut-il rappeler qu’aucune solution ne peut être imposée par la force et que les rapports de domination confessionnelle et ethniques en Irak ne peuvent être réglés que par les Irakiens qui doivent renégocier sans contraintes extérieures un nouveau contrat de coexistence. Philippe AZIZ Avocat
Les Américains aujourd’hui semblent dans l’impasse. Si la guérilla sunnite n’a pas de quoi surprendre, c’est bien l’entrée en jeu des chiites qui inquiète ; cette communauté s’était abstenue jusque-là d’affronter les troupes de la coalition par les armes.
Avant d’aborder les raisons directes de ce nouveau conflit, il s’agit de rappeler que les chiites sont avant tout...