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Actualités - CHRONOLOGIE

SOCIÉTÉ - Ni domicile commun, ni reconnaissance sociale, ni acte écrit Le mariage de plaisir : s’unir sans engagements en respectant la charia

Se marier. Un événement qu’on marque généralement avec une robe blanche, des fleurs et une réception. Une vie à deux qui a besoin de certaines bases. Que l’on soit chrétien, musulman, druze, juif ou athée, on s’engage par exemple à vivre sous le même toit, à assumer les charges d’une maison, à déclarer devant le commun des mortels que l’on est bel et bien en couple. Mais il existe un mariage qui n’obéit pas à tous ces us et coutumes et qui se passe de certains engagements : le mariage de plaisir (zawaj al-moutaa) que les ulémas désignent par le mariage temporaire (zawaj mouakat). Peut-être pour atténuer le sens sensuel du terme ou parce que cette union est un contrat limité dans le temps. Bien que ce genre de mariage est pratiqué dans certains pays à majorité sunnite, sous l’appellation de « zawaj ourfi », les dignitaires sunnites le condamnent, soulignant que cette union a été interdite par le calife Omar. Pas les chiites, qui reconnaissent historiquement que ce mariage a été initialement prévu pour aider les soldats de l’islam, qui partaient en campagne, à supporter l’éloignement… Dans leurs arguments, les ulémas chiites indiquent que le prophète lui-même a permis le mariage temporaire ; aucun homme, qu’il soit calife ou non, ne peut donc l’interdire. En quoi consiste ce mariage temporaire ? Il suffit d’être deux – un homme et une femme bien sûr – et que la femme dise à l’homme : « Je me donne à toi en mariage pour une dot X et pour une durée X. » L’homme répondra par : « J’accepte le mariage. » L’homme paie la dot qu’il doit à sa compagne et le mariage peut être tout de suite consommé. Le cheikh chiite Hussein el-Khechen, professeur à l’Institut islamique chérié, indique à L’Orient-Le Jour que « le montant de la dot peut être symbolique, un crayon ou un briquet, et la durée est d’un minimum d’un mois ». Cette union se passe d’un lieu de vie commun ou de la reconnaissance de la société. Ainsi, on peut se marier de manière temporaire sans jamais présenter son conjoint à sa famille et ses amis, sans jamais en parler… Ce mariage qui n’a pas besoin de témoins, d’un quelconque acte écrit ou encore d’une déclaration auprès du tribunal chérié, est bien différent du contrat de mariage permanent chez les musulmans, régi par d’autres lois. Un mariage qui s’achève sans divorce ou décès du conjoint D’ailleurs, c’est le seul mariage au monde qui s’achève sans annulation, divorce ou décès du conjoint. Comme c’est un mariage temporaire, le contrat se termine à l’expiration de la durée convenue entre l’homme et la femme. Et s’ils désirent rester ensemble à la fin de cette période déterminée ? « Ils n’ont qu’à renouveler le contrat pour une autre durée limitée dans le temps et une autre dot », relève cheikh el-Khechen, notant que « certains mariages temporaires ont marqué le début d’une véritable histoire d’amour ». « Que d’hommes ont décidé de prendre pour épouse permanente une femme qu’ils avaient choisi comme compagne temporaire ! » lance-t-il. Dans l’islam, un homme qui divorce de sa femme ne peut pas la réépouser, sauf si elle se marie – durant un certain temps – avec un autre. En d’autres termes, elle ne peut pas revenir à son époux – si le couple décide de se réconcilier – sans avoir contracté un autre mariage, qui doit être consommé avec un autre homme. Cheikh el-Khechen explique dans ce cadre que « de telles mesures sont en vigueur, dans le cadre du mariage permanent, afin de décourager au maximum les couples qui envisagent le divorce ». Au contraire, dans le mariage temporaire, les deux partenaires peuvent tout de suite renouveler le contrat quand sa durée s’achève. Il n’est nul besoin donc que la femme épouse un autre homme pour qu’elle puisse vivre à nouveau avec son partenaire. Citons également d’autres lois qui régissent le mariage de plaisir et qui sont différentes de celles du mariage permanent. Le mariage temporaire n’obéit pas aux lois de l’héritage dans l’islam. Ainsi, l’épouse temporaire n’hérite pas de son mari si ce dernier décède, et vice versa. D’autre part, rappelons que, selon le Coran, un musulman a le droit de prendre quatre femmes, simultanément, pour épouses. Pas dans le cadre du mariage de plaisir, où il peut contracter des unions simultanées avec autant de femmes qu’il le désire. La femme, elle, devrait se contenter dans le mariage temporaire, comme dans le mariage permanent, d’un seul partenaire. Que fait-on en cas d’une naissance ? Cheikh el-Khechen est catégorique : « Un homme devrait reconnaître sa descendance et l’enfant (que l’on appelle communément ibn ou bint moutaa, fils ou fille de plaisir) doit être enregistré au nom de son père. » Mais parfois la réalité n’est pas tout à fait à l’image des principes que l’on défend. En effet, comme le mariage temporaire n’est pas enregistré auprès du tribunal chérié et qu’il se passe normalement d’acte écrit, le contrat étant uniquement oral, il est bien difficile pour une femme de prouver la paternité de son époux temporaire. « En cas de litige donc, elle se présente au tribunal chérié pour raconter son histoire, et les responsables religieux œuvrent afin de prouver la paternité de l’homme concerné », relève cheikh el-Kechen, soulignant que « cela se fait par le biais d’une enquête, où l’on demande au père présumé s’il a effectivement pris une épouse temporaire ». Comme en Iran Et s’il nie en bloc la vérité et que le tribunal ne possède aucune preuve tangible, ça sera la parole de la femme contre celle de l’homme… Qui croire en ce cas ? « La loi ne protège pas les gens stupides », indique simplement Cheikh el-Khechen, qui souligne l’importance de faire valider le mariage de plaisir, en accord avec le conjoint et auprès d’un tribunal chérié. « Il faut, comme c’est le cas en Iran, que ce genre de mariage soit enregistré auprès du tribunal chérié. Un grand nombre de problèmes ont été ainsi résolus dans la République islamique », indique-t-il, ajoutant qu’il « ne faut pas se contenter d’un engagement oral ; les deux partenaires peuvent par exemple signer un contrat entre eux ». Et pour lui, ce sont les femmes qui devraient procéder à cet arrangement afin que la loi puisse les protéger. Il faut souligner que les responsables spirituels chiites encouragent le mariage temporaire pour les femmes dans des cas bien précis. Le décès du conjoint par exemple, notamment pour les femmes des martyrs et les jeunes veuves. Ils n’ont rien contre ce genre d’union, également quand elle est contractée, entre un homme et une femme divorcée ou une femme âgée encore célibataire. Cette union n’est donc pas très recommandée pour les jeunes filles, qui n’ont pas connu d’hommes au sens biblique du terme. D’ailleurs, dans le livre Alam al-Maraa (Le monde la femme) où l’uléma Sayyed Mohammed Hussein Fadlallah expose son point de vue sur certaines notions concernant les femmes, notamment les droits de la femme, sa vie professionnelle, le port du voile, le mariage et le mariage temporaire, on ne conseille pas aux jeunes filles vierges de contracter ce genre de mariage, sauf en cas de « besoins urgents ». « Même si elle est condamnée par la société, la jeune fille devrait être immunisée sur le plan religieux et contracter dans ce cas extrême un mariage temporaire. » Un choix devrait donc être effectué. De plus certaines jeunes filles, croyantes et pratiquantes, décident parfois de contracter un mariage temporaire avec un ami, un fiancé ou un prétendant afin de faire plus ample connaissance. Elles décident cependant, en contractant ce mariage, de ne pas aller jusqu’aux relations sexuelles. « Ce genre de contrat est effectué afin que les jeunes filles puissent sortir en tête-à-tête avec leur amoureux, ou encore lui tenir la main (ce qui est interdit dans certains milieux musulmans). Elles pourront mieux le connaître et contracter avec lui ensuite un mariage permanent », relève cheikh el-Khechen. Une union qui n’est pas entrée dans les mœurs « L’islam pense aux besoins sexuels de la femme », indique cheikh el-Khechen à L’Orient-Le Jour, précisant que le mariage temporaire aide aussi les veuves et les divorcées à avoir des rapports sexuels sans culpabiliser. Si elles ne culpabilisent pas, pourquoi donc ne parlent-elles pas ouvertement de leur union temporaire ? «Parce que la société n’est pas habituée à ce genre d’union qui n’est pas encore entrée dans les mœurs », répond-il. Bien que le mariage temporaire soit en hausse dans certains milieux chiites libanais, la société le condamne. Ainsi rares sont ceux ou celles qui reconnaîtront avoir contracté une telle union, comparée par certains à l’adultère ou à la prostitution. D’ailleurs, il nous a été impossible de recueillir le témoignage de ceux qui ont pratiqué ou qui pratiquent ce genre d’union. Pourtant, le religieux chiite que nous avons interrogé assure que « le mariage temporaire est un contrat, tout à fait comme le mariage permanent ». « Ce genre d’union peut régler beaucoup de problèmes, notamment sociaux », dit-il, relevant qu’actuellement « les hommes et les femmes sont mitraillés par des images à connotation sexuelle à longueur de journée, au point qu’ils ne peuvent plus contrôler leurs instincts ». « La charia a trouvé depuis des siècles un cadre adéquat pour que les musulmans puissent assouvir leurs besoins sans pour autant passer outre leurs convictions et leurs valeurs islamiques », note-t-il. Certains sceptiques répondront que le mariage de plaisir n’est autre que la légitimation des rapports sexuels hors mariage dans une société, notamment la nôtre. Au temps des invasions, les soldats de l’islam, qui partaient pour d’autres contrées, effectuaient des mariages de plaisir avec des étrangères, des chrétiennes et des juives, le temps de rentrer au pays. Actuellement, les lois du mariage temporaire obéissent toujours aux mêmes règles. Et comme pour le mariage permanent, un musulman peut épouser une non-musulmane. Toutefois, il est interdit à une musulmane, selon la charia, d’épouser, que ce soit d’une manière permanente ou temporaire, un non-musulman… Patricia KHODER
Se marier. Un événement qu’on marque généralement avec une robe blanche, des fleurs et une réception. Une vie à deux qui a besoin de certaines bases. Que l’on soit chrétien, musulman, druze, juif ou athée, on s’engage par exemple à vivre sous le même toit, à assumer les charges d’une maison, à déclarer devant le commun des mortels que l’on est bel et bien en couple. Mais il...