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Actualités - CHRONOLOGIE

En un an, les Irakiens sont passés du soulagement à la révolte

Il y a un an, les Irakiens exprimaient leur soulagement d’être débarrassés de Saddam Hussein par les soldats américains, mais aujourd’hui c’est la déception et le sentiment d’humiliation qui prédominent et se transforment en révolte. « Les Américains ont fait une faveur aux Irakiens en les débarrassant de Saddam Hussein, mais pourquoi n’ont-ils pas quitté tout de suite l’Irak ? L’occupation qu’ils nous infligent est comme une nuit sans fin qui a fait naître la haine », affirme Jaffar al-Dahab. Cet ancien diplomate de 45 ans a vu deux de ses frères éliminés sous la dictature du raïs déchu et des membres de sa famille chiite torturés. Lui-même dit avoir passé quatre ans en prison pour conspiration. Un an tout juste après la chute de Bagdad, il affirme pourtant : « Je déteste les Américains. » Comme lui, nombreux sont ceux qui expriment leur déception de se sentir privés du pouvoir dans leur propre pays et assurent ne voir aucune amélioration dans leur vie, explique un psychiatre de l’hôpital psychiatrique Ibn Rochd de Bagdad, sous le couvert de l’anonymat. « Après la guerre, les Irakiens s’attendaient à une vie meilleure, politiquement, économiquement et socialement. Mais dans leur vie quotidienne, ils ne voient rien de concret », résume un biologiste de 45 ans, Kadoum Hassen. Des changements peu au goût des Irakiens Des signes de changement existent pourtant. Au niveau politique, le transfert du pouvoir aux Irakiens doit s’effectuer le 30 juin et une Constitution provisoire prévoit des élections avant la fin de l’année. Au niveau économique, les sanctions internationales ont été levées, les Américains consacrent à la reconstruction du pays un budget de 18,6 milliards de dollars, une nouvelle monnaie a été mise en circulation et quelque 90 % des hôpitaux ont été réhabilités, selon une étude de la Brookings Institution. Mais le chômage, qui atteignait 45 % de la population active fin février selon la Brookings, ajouté à l’insécurité, balaie tout aux yeux des Irakiens. Le délai avant la tenue d’une première élection aussi. « Les Américains ne donnent aucun pouvoir réel aux Irakiens. Ils nous traitent comme des moutons à qui on dirait : mange et dors », s’insurge l’ancien ambassadeur. Sentiment consécutif, beaucoup parlent « d’humiliation » : celle de se sentir diminué dans un État qui autrefois faisait de sa puissance et de ses bravades vis-à-vis des États-Unis et d’Israël une fierté, explique le psychiatre. Le démantèlement total de l’armée aussi a été pris comme un affront. D’autres expriment l’insupportable sentiment d’être utilisés par les Américains à des fins géostratégiques. « Les Américains veulent contrôler le monde à travers l’Irak et son pétrole. Je me sens violé. Saddam Hussein n’était peut-être pas meilleur qu’eux mais il était moins pire. C’était un fils du pays », dit Saad Saïd, écrivain sunnite de 47 ans. Les centaines d’Irakiens, dont de nombreux civils, tués en un an par des tirs de soldats américains, dans des combats, des bavures ou des accidents, exacerbent ces sentiments. D’anciens fonctionnaires sunnites ou des pères de famille chiites qui n’étaient pas spécialement opposés aux Américains se disent aujourd’hui prêts à commettre des attentats-suicide.
Il y a un an, les Irakiens exprimaient leur soulagement d’être débarrassés de Saddam Hussein par les soldats américains, mais aujourd’hui c’est la déception et le sentiment d’humiliation qui prédominent et se transforment en révolte.
« Les Américains ont fait une faveur aux Irakiens en les débarrassant de Saddam Hussein, mais pourquoi n’ont-ils pas quitté tout de suite...