Durant le mois de janvier 2004, dans la salle Gémier du théâtre de Chaillot à Paris, quatre acteurs libanais ont participé à une mise en scène particulièrement luxuriante de la pièce «Les paravents» de Jean Genet, œuvre à l’odeur de soufre ressuscitée par Jean-Baptiste Sastre. Hanane Hajj Ali, Mounzer Baalbacki, Carmen Lebbos et Antoine Balabane ont passé quatre mois dans la...
Actualités - CHRONOLOGIE
THÉÂTRE - Quatre acteurs libanais dans une mise en scène luxuriante de « Les paravents » de Genet, à Paris L’expérience « Chaillot » de Hanane Hajj Ali
Par GHANDOUR Maya, le 15 juin 2004 à 00h00
Durant le mois de janvier 2004, dans la salle Gémier du théâtre de Chaillot à Paris, quatre acteurs libanais ont participé à une mise en scène particulièrement luxuriante de la pièce «Les paravents» de Jean Genet, œuvre à l’odeur de soufre ressuscitée par Jean-Baptiste Sastre. Hanane Hajj Ali, Mounzer Baalbacki, Carmen Lebbos et Antoine Balabane ont passé quatre mois dans la capitale française, entre répétitions effrénées et représentations applaudies ou critiquées. Mais jamais indifférentes.
Réputée injouable, sentant le soufre, traînant de nombreuses polémiques, cette pièce a été créée en 1966 dans une mise en scène de Roger Blin. C’est avec ce spectacle, écrit à la fin des années cinquante, que Jean Genet a quitté le champ de la littérature pour celui de l’engagement politique auprès des Black Panthers d’abord, des Palestiniens ensuite. «Présentée au théâtre de l’Odéon, cette pièce avait fait scandale, note Hanane Hajj Ali. À cause notamment de la scène où les soldats français voient mourir leur lieutenant et viennent en guise d’hommage lui péter à la figure.» En insultant ainsi un officier mort pour la patrie, on a accusé Genet d’insulter l’armée française. La guerre d’indépendance algérienne venait de se terminer. L’extrême droite, les anciens combattants se sont mis de la partie, la presse de droite s’est déchaînée... André Malraux, alors en charge de la Culture au gouvernement, a alors prononcé l’un de ses plus beaux discours, à l’Assemblée nationale, pour défendre l’existence d’une telle œuvre.
Pourtant, dans ses notes de travail adressées à Roger Blin, Genet avait bien précisé qu’il ne s’agit ni d’un manifeste contre la colonisation ou la guerre, ni de l’apologie du monde arabe.
Plusieurs années plus tard et après une deuxième adaptation signée Patrice Chéreau dans les années 80, Jean-Baptiste Sastre, jeune metteur en scène au talent confirmé, décide de s’attaquer à cette œuvre « riche, foisonnante, extrêmement fouillée, excessivement travaillée, selon les termes du metteur en scène. Chaque scène, chaque rigolade, chaque mot est minutieusement ciselé. »
Sastre entendait « délocaliser » Les paravents de la guerre d’Algérie pour mieux en révéler la force et la beauté.
Pour cela, il a fait appel à des acteurs libanais et non algériens. « Le metteur en scène a effectué trois voyages à Beyrouth pour entreprendre ses repérages. Pour lui, c’était vraiment important de faire participer des acteurs arabes étant donné que la plupart des personnages de la pièce en sont. Ayant choisi une vingtaine de comédiens libanais, il s’en est finalement tenu à quatre, pour cause de restrictions budgétaires». Résultat : Hanane Hajj Ali s’est vue offrir le rôle – principal – de la mère ; Mounzer Baalbacki est devenu Saïd, le fils ; Carmen Lebbos a été vue dans la peau de Warda et Antoine Balabane dans plusieurs rôles secondaires.
« Nous avons été reçus dans un cadre très professionnel, chaque acteur était hébergé dans un appartement privé », précise Hajj Ali en ajoutant que les répétitions se sont étalées sur une période de trois mois, à raison de 12 heures par jour. « Au début, c’était très difficile, indique l’actrice. Les participants à ce projet venant de milieux, tranches d’âge et même pays différents. En ce qui nous concerne, nous Libanais, on sentait, on voyait dans les regards une certaine méfiance, sinon des interrogations quant à nos capacités théâtrales. Le premier mois était très stressant. Même si le metteur en scène nous accordait sa confiance. » Puis, de fil en aiguille, l’équipe venant de Beyrouth a réussi à imposer son talent. Habituée à improviser autour de son rôle, Hajj Ali – bientôt suivie par ses collègues – ne s’est pas limitée au texte à interpréter. « On a fait des suggestions autour de la scénographie, de la mise en scène. Petit à petit, ce que nous avons créé a été adopté presque totalement par Sastre. »
Et l’attitude des gens du théâtre s’est transformée. Comme par miracle. Dans les couloirs, les coulisses, l’actrice entendait des bribes de commentaires : « Sublimissime actrice, quel talent ! » Ces exclamations ont plus tard fait écho dans la presse. « Sastre, très proche de l’esprit de Genet dans le lyrisme de l’écriture et la parole brute, est un homme de théâtre très controversé. Ses “ Paravents ” ont été critiqués par certains et louangés par d’autres. » Mais dans les deux cas, la presse applaudissait l’interprétation des trois rôles principaux tenus par Hajj Ali, Baalbacki et Julie Pilod, « une jeune actrice française au talent très prometteur, qui a réussi à assimiler, pour son rôle de la bru, toute la culture et l’accent arabes ».
Expérience concluante pour les acteurs libanais ? « Sans aucun doute », affirme Hajj Ali, qui a déjà reçu une proposition pour jouer, en octobre prochain à Paris, dans une production théâtrale de L’Orestie d’Eschyle.
Quoi qu’il en soit, Les paravents, cette œuvre qui traduit la manière dont Jean Genet perçoit le théâtre, un univers de conventions et d’artifices qu’il convient de faire exploser, aura permis à des acteurs libanais de faire exploser leur talent sur les planches parisiennes.
Maya GHANDOUR HERT
Durant le mois de janvier 2004, dans la salle Gémier du théâtre de Chaillot à Paris, quatre acteurs libanais ont participé à une mise en scène particulièrement luxuriante de la pièce «Les paravents» de Jean Genet, œuvre à l’odeur de soufre ressuscitée par Jean-Baptiste Sastre. Hanane Hajj Ali, Mounzer Baalbacki, Carmen Lebbos et Antoine Balabane ont passé quatre mois dans la...
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