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Actualités - REPORTAGE

Histoire - Perpétuer le souvenir des œuvres du général, de la France libre, de la Résistance Un groupe de Français au Liban, sur les traces de Charles de Gaulle

Un groupe de Français membres de l’amicale de l’Institut Charles-de-Gaulle a fait un périple au Liban, sur les traces du général de Gaulle, à l’occasion de la date anniversaire du débarquement en Normandie. Parmi eux, d’anciens combattants et des résistants dont le but était de suivre l’itinéraire du général de Gaulle au Liban, de 1929 à 1931, alors qu’il était encore commandant, et de tenter de retrouver des témoins de l’époque. Retrouver des témoins encore en vie de ce temps-là n’est pas chose aisée. Mais cette difficulté n’a pas empêché ce groupe d’« amis » du général de Gaulle de s’atteler à la tâche, dès leur arrivée. Ils ne sont pas repartis bredouilles car ils ont retrouvé le petit-fils d’un homme de la famille Wehbé qui avait loué sa maison à de Gaulle en 1929. « L’homme que nous avons retrouvé avait 11 ans, à l’époque », raconte Michel Anfrol, président de l’amicale de l’institut. « C’était d’ailleurs très émouvant », ajoute-t-il. D’autres personnes rencontrées par le groupe n’avaient pas directement connu le général de Gaulle, mais étaient les descendantes de familles qui l’avaient accueilli ou côtoyé. Les seuls souvenirs dont elles disposent encore sont des photos de leurs familles avec de Gaulle. « Ce voyage nous tenait à cœur. Nous envisagions d’ailleurs de le réaliser depuis longtemps », observe-t-il. De grandes ambitions Poursuivre les traces du général n’est pas une nouveauté pour les membres de l’amicale de l’Institut Charles-de-Gaulle. Régulièrement, ils effectuent des voyages dans différents pays du monde pour rencontrer des témoins de son passage, recueillir des souvenirs ou des histoires sur lui-même ou sur les gens qui l’ont connu. Ils sont ainsi allés au Québec en 1997 pour assister à l’inauguration d’une statue du général de Gaulle, à l’occasion du 30e anniversaire du Québec libre. Ils sont aussi partis en Grande-Bretagne retrouver les traces des premiers Français libres de 1940. Ils ont effectué un voyage en Irlande, pays où s’est réfugié le général de Gaulle après sa démission en avril 1969. L’an dernier, ils ont pris part, à Moscou, à l’exposition consacrée au général de Gaulle, à la France libre, et à l’escadrille des français qui se sont battus aux côtés des Soviétiques. Perpétuer le souvenir des œuvres du général et surtout de l’histoire de la France libre, de la Résistance et de la fondation de la Ve République est la vocation essentielle de l’institut Charles-de-Gaulle, fondé en 1971 par Pierre Lefranc, premier secrétaire général et chef de cabinet du général, également l’un des fondateurs du Rassemblement pour la France (RPF) en 1947. Présidé à ses débuts par André Malraux, l’institut est aujourd’hui placé sous la présidence d’Yves Guéna, qui a été ministre du général de Gaulle et qui était, jusqu’à récemment, président du Conseil constitutionnel. Les ambitions de l’institut étaient grandes, à ses débuts, mais ses ressources financières réduites, malgré la publication de la revue Espoir. « Nous voulions organiser des colloques, des séminaires, des débats, des expositions, des rencontres. Nous ne pouvions le faire sans dons financiers. C’est la raison pour laquelle nous avons créé la Fondation Charles-de-Gaulle, aujourd’hui reconnue d’utilité publique », explique Michel Anfrol. Grâce à une subvention du gouvernement, c’est la fondation qui finance aujourd’hui les activités de l’institut dont les amis n’ont de cesse de faire rayonner la mémoire et l’œuvre du général de Gaulle à travers le monde. Par ailleurs, en 2001, le ministère de l’Éducation nationale, alors socialiste, a mis quatre professeurs agrégés d’histoire à la disposition de l’institut. Car si les témoins encore en vie de l’époque du général de Gaulle se font désormais rares, de plus en plus d’historiens se penchent sur l’histoire du gaullisme. Anne-Marie EL-HAGE L’horreur de la déportation, la surpopulation, la fatigue, l’espoir Jacqueline Pery d’Alincourt, une résistante se souvient Elle paraît frêle et fragile, avec sa minceur, ses cheveux blancs coiffés en chignon et son regard bleu. Et pourtant, Jacqueline Pery d’Alincourt, gaulliste engagée, a fait de la résistance. Elle a même survécu à l’horreur des camps de concentration, alors que son époux, officier, est décédé dans les premiers mois de sa captivité. C’est d’une voix lente mais assurée qu’elle raconte son entrée dans la Résistance, l’enfer qu’elle a vécu, mais aussi l’espoir, qui ne l’a jamais quittée, d’une victoire finale de la France libre. «Dès le début de la guerre, j’éprouvais un désir passionné de faire quelque chose pour la France. Je ressentais même une sorte de désespoir de ne pouvoir le faire, immédiatement. C’était comme un sentiment d’oppression dont on ne pouvait sortir que si l’on avait la chance de rencontrer quelqu’un de la Résistance qui vous engage », raconte Jacqueline Pery d’Alincourt. C’était en 1940. Jacqueline et ses amies menaient alors de petites actions isolées. Mais ce n’est qu’en 1942 qu’elle a pu rejoindre un réseau organisé. « Ce n’était pas un bureau d’embauche, dit-elle, il fallait faire ses preuves et surtout rencontrer la personne adéquate. » Cette personne adéquate, c’était Jean Ayral, un parachutiste blessé qu’elle a rencontré chez une amie. Il avait du mal à retrouver ses contacts. Il devait organiser les terrains de parachutage et d’atterrissage de la région nord. « J’ai été engagée pour envoyer, par messages codés, les coordonnées des terrains homologués et les informations les concernant. J’envoyais aussi des messages au général de Gaulle, lui demandant de nous fournir des armes et des aides financières pour aider les réseaux spontanément nés en France », se souvient-elle. Durant cette période, Jacqueline a même rencontré Daniel Cordier, bras droit de Jean Moulin, figure emblématique de la Résistance. Elle raconte la prise de conscience de la Résistance, de sa force à travers la France, mais aussi son organisation, les structures qu’il fallait mettre en place pour préparer la libération, le gouvernement qu’il fallait installer, rapidement, pour empêcher les Américains d’installer leur propre gouvernement et d’administrer eux-mêmes la France, comme ils l’envisageaient. « Cela a été l’expérience la plus magnifique de ma vie, observe Jacqueline. Même si j’étais consciente de ce danger de mort qui nous guettait tous, 24 heures sur 24. » Un chaos insoutenable Et puis survient l’inévitable. Jacqueline est arrêtée à Paris par la Gestapo en septembre 1943. Après avoir été isolée pendant 6 mois sans la moindre communication avec le monde extérieur, elle est placée en camp de transit à Compiègne avant d’être envoyée au camp de Ravensbrück. « C’était un camp féminin de déportation, situé au nord de Berlin, dans une région inhabitée, de lacs et de forêts. On l’appelait la petite Sibérie car il y faisait très froid », se souvient-elle. À Ravensbrück, Jacqueline a supporté le froid, la faim, le travail harassant, la fatigue, la saleté, la promiscuité, la surpopulation, au même titre que toutes les résistantes européennes. « Il y avait même des criminelles allemandes de droit commun et des prostituées qui faisaient régner la terreur dans le camp », raconte l’ancienne résistante. « C’est par le dernier train de déportées arrivé de Paris le 16 août 1944 que Jacqueline apprend la libération de la capitale. Ces dernières prisonnières nous ont donné un espoir énorme, poursuit-elle. Nous savions que nous allions retrouver la liberté. Nous pensions alors que ce n’était plus qu’une question de semaines. Mais cela a duré tout un hiver. Le camp était dans un tel chaos que c’était devenu insoutenable. Les prisonnières s’entassaient sur des paillasses à même le sol et beaucoup d’entre elles n’ont pas survécu. » C’est dans ce même camp que Jacqueline a revu Geneviève de Gaulle, nièce du général, avec laquelle elle avait noué une relation d’amitié avant leur déportation. « Nous avons partagé la même paillasse et les mêmes travaux, raconte-t-elle. Mais elle était très malade. » La nièce du général de Gaulle doit sa survie à son enfermement dans une cellule. « Cela lui a sauvé la vie, car elle n’était plus contrainte de faire les travaux harrassants de terrassements qui nous étaient imposés. De même, les appels à trois heures du matin lui ont été épargnés. Ces appels qui vous obligeaient à sortir des baraques, même si vous étiez mourrant », dit-elle encore. Considérée par la suite comme un otage précieux, Geneviève de Gaulle a été raccompagnée à la frontière suisse en février 1945. Quant à Jacqueline Pery d’Alincourt, elle n’a été libérée par la Croix-Rouge que le 27 avril 1945, juste avant l’arrivée des Soviétiques. A.-M. H. Henri Écochard raconte le désespoir des combattants des FFL au Liban Henri Écochard, ancien combattant des Forces françaises libres, rejoint Londres en juillet 1940 où il défile le 14 de ce même mois devant le général de Gaulle avec les premières forces françaises libres. C’est en 1941 qu’il vient au Liban avec 300 jeunes soldats qui arrivaient d’Angleterre, en renfort. « J’étais caporal, j’avais 17 ans, raconte Henri Écochard. Quand je suis arrivé au Liban, les forces de Vichy étaient parties. Je suis resté un mois au Liban avant de me rendre en train à la caserne de Syrie, pour deux mois, où j’ai changé d’armes. » « Nous n’étions pas très disciplinés, se souvient-il avec humour. Nous descendions du train, marchions et remontions dans le train, au grand désespoir du chef de convoi libanais qui sifflait sans arrêt. » « Nous étions cependant des Français libres très malheureux, des soldats presque perdus, reniés par notre patrie. Nous sentions que nous étions des résistants condamnés à mort. Nous étions aussi sans le sou », observe M. Écochard. Pendant le mois où Henri Écochard a servi au Liban, deux ou trois cents jeunes Libanais se sont engagés avec les Français libres. « À un moment donné, indique-t-il, la France libre au Liban était composée de plus de Libanais que de Français. » Philippe de Saint-Robert : La France adopte une politique cohérente au Moyen-Orient Selon Philippe de Saint-Robert, membre de l’amicale de l’Institut Charles-de-Gaulle, la politique française au Moyen-Orient est cohérente et s’inscrit dans le cadre de la continuité de la politique du général de Gaulle, « et en particulier de sa politique étrangère, proche-orientale, qui s’est manifestée au moment de la guerre des Six- Jours ». Il avait alors mis en garde les dirigeants israéliens contre les conséquences de cette guerre. Dans sa conférence de presse du 27 novembre 1967, il avait dit que les Israéliens allaient créer dans les territoires occupés une résistance qu’ils qualifieraient par la suite de terrorisme. « Cette politique a continué dans la même ligne, car en 1980, explique M. de Saint-Robert, la France a réussi à entraîner ses neuf partenaires européens dans la déclaration de Venise qui distinguait la politique européenne au Proche-Orient de celle des États-Unis. François Mitterrand a malheureusement désavoué cette déclaration dès qu’il est venu au pouvoir », déplore-t-il. Mais, estime M. de Saint-Robert, la position prise par la France après l’agression américaine en Irak s’est inscrite avec beaucoup d’éclat dans la ligne du général de Gaulle. Ainsi, pour la première fois depuis longtemps, la France a menacé d’utiliser son droit de veto, ce qui a empêché les Américains de faire leur opération sous couvert des Nations unies. « Cela faisait plusieurs années que la France réclamait la levée de l’embargo sur l’Irak qui avait été décrété au moment de la première guerre du Golfe », observe M. de Saint-Robert. « Un embargo qui ne se justifiait plus à partir du moment où les Irakiens s’étaient retirés du Koweït et avaient reconnu sa souveraineté », note-t-il, ajoutant que les dix ans d’embargo étaient contraires aux intérêts de la région. « Il y a une cohérence de la politique française au Proche-Orient, conclut Philippe de Saint-Robert. Nous avons sauvé l’honneur de la France au Moyen-Orient. »

Un groupe de Français membres de l’amicale de l’Institut Charles-de-Gaulle a fait un périple au Liban, sur les traces du général de Gaulle, à l’occasion de la date anniversaire du débarquement en Normandie. Parmi eux, d’anciens combattants et des résistants dont le but était de suivre l’itinéraire du général de Gaulle au Liban, de 1929 à 1931, alors qu’il était encore...