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HISTOirE - La ville est accusée d’exploiter son passé de port négrier À Bordeaux, la vente d’un «mascaron créole» provoque une polémique

La vente par l’Office du tourisme de Bordeaux d’un mascaron, petite sculpture représentant la figure d’un homme noir, a déclenché une polémique, une association dénonçant la duplicité de la ville qui, selon elle, exploite son passé de port négrier tout en refusant de l’assumer. L’association DiversCités, qui organise chaque année à Bordeaux une manifestation en mémoire de la traite des Noirs, a protesté contre ce «commerce de la honte» devant l’Office du tourisme. Les mascarons bordelais, qui foisonnent sur les façades du XVIIIe, représentent de façon réaliste ou caricaturale des têtes d’hommes, de femmes, d’enfants, de dieux, de déesses, de nymphes ou de démons... Sculptés dans la pierre blanche, ils s’exposent à la clef des arcades du rez-de-chaussée ou au fronton des immeubles. Le Mascaron créole, réalisé par une artiste bordelaise, est inspiré d’une sculpture que l’on peut trouver sur la façade d’un immeuble, dans le centre de Bordeaux. Pour DiversCités, c’est indiscutablement le témoignage architectural de l’implication de Bordeaux dans la traite des Noirs. Et son président Karfa Diallo de rappeler que Bordeaux fut le deuxième port négrier de France, après Nantes. Selon Éric Saugera, auteur de Bordeaux, port négrier (J&D Éditions/Karthala), le port fut en effet, durant un siècle et demi, de 1672 à 1837, le point de départ d’environ 500 expéditions qui déportèrent 130000 hommes, femmes et enfants. Les navires appareillaient pour l’Afrique où ils chargeaient leur cargaison de «bois d’ébène». Les esclaves étaient vendus ensuite dans les îles de l’Atlantique ou de l’océan Indien à des propriétaires de plantations toujours en manque de main-d’œuvre. DiversCités milite depuis plusieurs années pour que Bordeaux crée notamment une place du Mémorial de la traite des Noirs. Mais, selon Karfa Diallo, la ville, «amnésique», refuse «de reconnaître sa participation dans le commerce triangulaire». En revanche, avec la vente du mascaron, «elle ne rechigne pas à s’enrichir de l’évocation exotique de ce passé», d’après lui. «C’est stupide», s’exclame le président de l’Office du tourisme, Stephan Delaux. C’est surtout, pour l’association qui entend «faire parler d’elle», «un prétexte pour créer une polémique», selon M. Delaux. Le mascaron, explique-t-il, a été proposé par une artiste de la région, qui a passé une partie de sa vie en Afrique. Pour M. Delaux, il s’agit ni plus ni moins «d’une œuvre d’art». Plus modestement, Passerose, l’artiste, souligne que cette «création s’inscrit dans un projet» artistique. «Je fais une série de têtes, de faciès de tous les peuples. Je ne vais pas rayer l’Africain de mes études», dit-elle. Alors certes, «pardon pour l’esclavage, en notre nom à tous et au nom de nos ancêtres, dit-elle, mais il faut voir autre chose dans nos rapports avec l’Afrique, sans pour cela oublier».
La vente par l’Office du tourisme de Bordeaux d’un mascaron, petite sculpture représentant la figure d’un homme noir, a déclenché une polémique, une association dénonçant la duplicité de la ville qui, selon elle, exploite son passé de port négrier tout en refusant de l’assumer.
L’association DiversCités, qui organise chaque année à Bordeaux une manifestation en mémoire de...