Actualités
IMPRESSION Vent d’avril
Par Fifi ABOU DIB, le 03 avril 2004 à 00h00
Les cerisiers sont en fleurs. Oh, ce n’est pas une information. Ce n’est pas un message codé. Ce n’est pas non plus une adresse nostalgique à l’intention des expatriés. Simplement une de ces nouvelles banales et rassurantes, et si bonnes à entendre. Par ma fenêtre surplombant le port de Beyrouth, derrière le rideau de poussière jaunâtre que soulève un vent furieux d’avril, je crois les voir, ces branches ouvertes, leur floraison charnue offerte au butinage gourmand des bourdons. Il faut lever les yeux pour voir leurs arabesques, et comme elles célèbrent le ciel revenu, de falbalas rosés sur fond de satin bleu. De leur gaîté sans objet, je me prends à sourire.
Au même instant, cette nuée jaune et hurlante nous fait une chape, nous prend les yeux et les oreilles et la tête. Tais-toi, le vent ! et tombe la poussière fine de la ville desséchée. Bientôt la pluie reviendra nous laver tout ça, une dernière fois avant l’été. Rien qu’un peu plus de temps qui passe. Avons-nous d’autre bien ? Irrésistiblement, à chaque orage printanier, nous revient l’image des rideaux du temple décrits dans le Nouveau Testament. Depuis plus de deux mille ans, presque à la même date, la météo nous rejoue les mêmes effets. Un nuage opaque s’abat sur le paysage. Le lendemain, un jour nouveau se fait à notre insu. Qu’aurons-nous largué des vieilleries de la veille ?
Bientôt les fleurs perdront leurs pétales. Un tourbillon léger les portera dans une danse blanche, parfumée de sucre et de griotte. Un tic-tac secret aura sonné dans les arbres l’heure de former les fruits. Ils gorgeront leur chair de la sève neigeuse du dégel. De petites sphères vermeilles brilleront soudain entre les branches. Sous leur peau toute neuve grondent des torrents prêts à jaillir en éclaboussures aigres-douces. Au bord des lèvres, un rouge vif et tenace, baiser minéral puisé au mystère de la terre. Qu’aurons-nous porté ?
Vent d’avril, sacré balayeur ! Saura-t-il encore arracher nos scories, qu’adviennent enfin les cerises de mai ?
Fifi ABOUDIB
Les cerisiers sont en fleurs. Oh, ce n’est pas une information. Ce n’est pas un message codé. Ce n’est pas non plus une adresse nostalgique à l’intention des expatriés. Simplement une de ces nouvelles banales et rassurantes, et si bonnes à entendre. Par ma fenêtre surplombant le port de Beyrouth, derrière le rideau de poussière jaunâtre que soulève un vent furieux d’avril, je...
Les plus commentés
Désarmement du Hezbollah : les ministres chiites lancent la contre-attaque
Aoun recevant Baerbock : « Israël a rejeté toutes les propositions » pour se retirer des cinq points au Liban-Sud
Le Liban est-il menacé d’une nouvelle guerre ?