L’administrateur américain Paul Bremer a annoncé hier un renforcement de la surveillance des frontières d’Irak, au lendemain d’une série d’attentats qui ont meurtri la communauté chiite et suscité des critiques de leurs chefs contre le « laxisme » des forces d’occupation.
À Bagdad et Kerbala, à 110 km plus au sud, les familles des quelque 170 victimes ont commencé à enterrer leurs morts au cours de nouvelles processions unissant des milliers de fidèles et prolongeant le deuil chiite de la Achoura. « Il y a 8 000 gardes-frontières en service aujourd’hui et davantage sont attendus », a déclaré M. Bremer dans un point de presse, ajoutant que la coalition était en train « d’ajouter des centaines de véhicules et de doubler le nombre de gardes-frontières dans certaines zones ». « Les États-Unis ont débloqué 60 millions de dollars pour soutenir la sécurité des frontières », a-t-il dit.
La journée de mardi a été la plus sanglante en Irak depuis la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003. « Cent soixante et onze personnes ont été tuées, 65 à Bagdad et 106 à Kerbala », à 110 km plus au sud, a déclaré Sami Askari, représentant au Conseil de gouvernement provisoire du président en exercice de l’Exécutif irakien Mohammed Bahr al-Ouloum, ajoutant qu’il y avait eu 593 blessés. De son côté, le ministre de la Santé Khodayyir Abbas a déclaré que 169 personnes avaient été tuées et 553 blessées dans les deux attentats, revoyant à la baisse son précédent bilan de 182 morts et 556 blessés.
Les attentats ont été unanimement condamnés en Irak et dans le monde. Au moins un kamikaze, des engins piégés et des obus de mortier ont été utilisés dans les attaques de Kerbala, alors qu’à Bagdad, pas moins de quatre attentats-suicide se sont produits en quelques secondes, selon des sources officielles. Un haut responsable de la coalition a, après les attentats de Kerbala, fait état de l’arrestation de quinze suspects, dont quatre parlant le farsi. « Un nombre significatif d’Iraniens est venu célébrer le deuil de la Achoura. Des centaines de milliers de personnes et parmi elles il y avait probablement un petit nombre lié à des organisations terroristes », a-t-il déclaré.
Des doigts accusateurs se sont pointés vers le Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui, soupçonné de liens avec el-Qaëda et « suspect numéro un » dans l’attentat d’août 2003 à Najaf, autre ville sainte chiite irakienne, et contre les bureaux de l’Onu à Bagdad. « Nous avons des renseignements précis qui lient Zarqaoui à cette attaque », a déclaré le général John Abizaid, chef du Commandement central américain. Il a ajouté que des renseignements lient également ce Jordanien « à des membres de l’ex-régime de Saddam Hussein, en particulier des services de renseignements ».
Les dirigeants chiites ont rejeté la responsabilité des attaques sur les forces de la coalition dirigées par les États-Unis, auxquelles ils ont reproché de ne pas surveiller efficacement les frontières pour prévenir les infiltrations d’étrangers.
Des chefs religieux et politiques chiites, dont le prestigieux ayatollah Ali Sistani, ont souligné la responsabilité des forces occupantes, notamment sur la protection des frontières. Dans un communiqué publié par son bureau, l’ayatollah Sistani leur a aussi reproché de « ne pas renforcer en hommes et en matériel les forces de sécurité nationales ».
La tension restait vive hier soir à Bagdad où une série d’explosions inexpliquées ont été entendues, dont trois avant le point de presse de M. Bremer.
El-Qaëda rejette
toute responsabilité
Dans un communiqué qui lui est attribué par le quotidien arabe al-Qods al-Arabi diffusé à Londres, el-Qaëda a rejeté toute responsabilité dans les attentats antichiites de mardi en Irak. « Nous n’avons rien à voir avec ces actes », lit-on dans le communiqué, daté du 2 mars et signé des « Brigades Abou Hafs/el-Qaëda ». Des responsables américains ont laissé entendre qu’el-Qaëda était derrière ces attentats. « Ce grand malheur fait partie du complot américain visant à provoquer une sédition entre les musulmans en Irak. Les forces américaines ont perpétré aujourd’hui une boucherie en tuant les chiites innocents », affirme le texte attribué au réseau d’Oussama Ben Laden et dont l’authenticité n’a pas pu être établie.
La Constitution provisoire
sera signée demain
Le Conseil de gouvernement transitoire irakien signera demain la loi fondamentale après un report dû aux attentats antichiites, a annoncé hier le président en exercice de cette instance Mohammed Bahr al-Ouloum lors d’une conférence de presse à Bagdad. Il n’a pas précisé si l’administrateur américain Paul Bremer parapherait le texte lors de la même cérémonie. Celle-ci était initialement prévue hier, mais avait été reportée pour cause de trois jours de deuil déclarés après les attentats de mardi.
Bush devrait reconnaître s’être trompé sur les ADM en Irak, déclare Kay
L’ex-patron du groupe d’experts américains chargé de trouver des armes de destruction massive en Irak, David Kay, estime que le président américain George W. Bush devrait maintenant reconnaître franchement qu’il s’était trompé sur l’existence de l’arsenal militaire irakien, dans une interview faite à Washington et publiée hier par le quotidien britannique The Guardian. « J’étais convaincu, et le suis toujours, qu’il n’y a pas eu d’armes de destruction massive au moment de la guerre », a estimé David Kay qui a démissionné en janvier pour « raisons personnelles » de son poste à la tête du groupe d’experts.
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