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Actualités - REPORTAGE

Mode MADE IN CHEZ NOUS Paris, New York, Milan, le (sacré) coup de dé des couturiers libanais

Ils sont de plus en plus nombreux, de plus en plus talentueux, de plus en plus célèbres. Quoi d’étonnant ? Avant l’arrivée en force du prêt-à-porter, dans les années 60, une solide tradition de confection sur mesure était déjà ancrée au Liban. Nos jeunes couturiers sont loin d’être des bleus, et même s’ils ne sortent pas tous du sérail, ils appartiennent à une lignée qui fait encore parler d’elle dans le monde arabe, de l’Égypte jusqu’à la péninsule arabique et tout le Proche-Orient. En ce troisième millénaire mondialisé, ils se mesurent aux couturiers européens sur leur propre territoire et vont jusqu’à défiler à New York avec des créations qui séduisent les stars les plus en vue. Chouchous des princesses arabes, on leur jalouse leur clientèle jusqu’à, confient certains, tenter de les pénaliser dans les salons de la haute couture en leur attribuant des horaires de passage difficiles. La presse parisienne dénonce leur «débauche de broderies», mais leur pari esthétique obéit à des critères de féminité aux antipodes des rigueurs féministes. Une chose est sûre: à vivre entre deux avions, portfolio sous le bras, épingles entre les dents, ils ont réussi à fidéliser une clientèle qui ne recule devant rien pour porter leur griffe, de préférence dans des modèles exclusifs. Pas plus tard qu’en janvier, Georges Chakra s’est distingué dans les collections printemps-été 2004 dans le cadre de la Semaine de la haute-couture à Paris, tandis que Tony Ward faisait parler de lui dans les défilés milanais. À l’occasion de la Semaine de la mode automne-hiver 2005 à New-York, un public éclectique portait aux nues la styliste libanaise Reem Acra. Georges Chakra, le styliste qui vient du froidIl a quarante-cinq ans, le teint doré, le cheveu poivre et sel , une allure de Sikh sans turban. Georges Chakra a fait des études d’architecture et de design au Canada. Comme beaucoup de ses pairs célèbres dont on peut citer Gianfranco Ferre, lui-même issu de l’architecture, Chakra décide de consacrer son savoir-faire au stylisme. De retour au Liban, il monte un atelier dans lequel il emploie désormais une soixantaine de personnes. En peu de temps, il est devenu l’habilleur de la famille royale saoudienne, et sa participation aux collections printemps-été 2004 a été très remarquée dans les salons du palais Brongniart à Paris où il défilait pour la quatrième fois. À cette occasion, la presse s’est intéressée à la représentation libanaise, de plus en plus étoffée avec la présence, aux côtés de Chakra, d’Élie Saab (couturier de Halle Berry), de Robert Abi Nader (habilleur des 46 candidates de Miss France, d’Amanda Lear et d’Ivana Trump) et de Georges Hobeika. De la collection de Chakra, le journal Libération a écrit: « Quand John Galliano ressuscite pour Dior l’Égypte des pharaons, le Libanais Georges Chakra revisite les plissés antiques de Mme Grès-grand classique de la mode parisienne. En marge des défilés haute couture, il présente à des clientes potentielles (essentiellement new-yorkaises) des robes vestales coupées ras la fesse, déclinées chair. Rien d’extravagant pour autant; ses discrètes broderies éclairent les jeux de plissés, pour le plus grand plaisir des dames aux impeccables brushing des premiers rangs. Du sexy, juste ce qu’il faut!» Déjà victimes d’un cliché qui les accuse d’abuser de broderies, les couturiers libanais expliquent leur choix. Georges Hobeika déclare pour sa part que sa collection printemps-été est «concentrée sur la légèreté de la silhouette, la transparence, avec beaucoup de couleurs pastel. Les broderies sont utilisées soit avec parcimonie uniquement pour valoriser les jeux de plissé, soit de façon plus marquée pour éclairer la pureté des lignes qu’(il) désire mettre en avant dans (sa) collection, car (il) aime le classicisme.» Au-delà de Paris, ce créateur-coqueluche du monde arabe envisage de créer une ligne de prêt-à-porter. Tony Ward, le poulain libanais de la Chambre italienne de la haute couture La haute couture, Tony Ward est tombé dedans depuis tout-petit. Fils d’Élie Ward, célèbre tailleur beyrouthin, il a pour son père une admiration sans bornes. Les clientes de ce dernier racontent à Tony qu’il est le meilleur monteur de manches qui puisse exister. Et Tony ajoute: «Quand mon père tient une pièce en main, on sait qu’il a une telle maîtrise de son métier qu’il est capable de réaliser en une journée ce que d’autres feraient en cinq ou six jours.» Fort de cet enseignement précieux, Tony Ward a poursuivi ses études à Paris. D’abord chez Lanvin, sous la houlette de Claude Montana, puis chez Dior, du temps de Gianfranco Ferre. De retour au Liban, ce jeune couturier fier de son pedigree rejoint évidemment l’atelier familial. De sa clientèle, essentiellement arabe, il parle avec admiration: «Ce sont des femmes extrêmement élégantes, très audacieuses du moment qu’elles portent nos créations dans un cadre strictement familial. Elles sont souvent très instruites, voyagent beaucoup et parlent couramment au moins deux langues.» De son métier, Tony Ward dit que la plus grande difficulté est de se protéger du copiage et du plagiat, même s’ils sont les tributs de la gloire: «Pour qu’une robe reste exclusive, il est impératif d’en multiplier les matières, les complications du détail et d’en personnaliser autant que possible les matières. Certains de nos tissus sont peints à la main dans des ateliers milanais. C’est pourquoi, en haute couture, la création commence par le croquis avant d’aboutir au choix des tissus et à la réalisation finale. Dans le prêt-à-porter, le processus est inversé. On cherche ce qui est disponible et l’ on y adapte une création.» En janvier, Ward a présenté quarante robes dans le cadre de la Semaine italienne de la haute couture. Il revient de Milan épaté par le professionnalisme italien et par le sérieux du président de la Chambre de la haute couture, M. Stephano Dominella. «Là-bas, dit-il, même les déplacements de la presse sont prévus dans l’organisation des défilés». Ses robes, Ward les avait conçues en pensant au thème de l’Éden. Il avait envisagé cinq voies pour atteindre le paradis, et à chaque voie ses couleurs. Cinq robes de mariées illustraient ces options. Sa collection s’est distinguée par une profusion de fleurs et de couleurs, très tendance l’été prochain, avec une nette dominance du blanc. Dans ses réalisations compliquées, il y a une sorte de magie, des incrustations dont on a du mal à distinguer la matière, de la Georgette qui apparaît à certains endroits pour disparaître à d’autres. «Une collection nécessite entre 150 et 180 heures de travail, confie-t-il, depuis le premier coup de crayon jusqu’au dernier fil d’organza». Un perfectionnisme payant, au vu des cent mètres de file au-dehors, sous une pluie battante, le jour de la présentation. RUBRIQUE RÉALISÉE PAR FIFI ABOU DIB
Ils sont de plus en plus nombreux, de plus en plus talentueux, de plus en plus célèbres. Quoi d’étonnant ? Avant l’arrivée en force du prêt-à-porter, dans les années 60, une solide tradition de confection sur mesure était déjà ancrée au Liban. Nos jeunes couturiers sont loin d’être des bleus, et même s’ils ne sortent pas tous du sérail, ils appartiennent à une lignée qui fait encore parler d’elle dans le monde arabe, de l’Égypte jusqu’à la péninsule arabique et tout le Proche-Orient. En ce troisième millénaire mondialisé, ils se mesurent aux couturiers européens sur leur propre territoire et vont jusqu’à défiler à New York avec des créations qui séduisent les stars les plus en vue. Chouchous des princesses arabes, on leur jalouse leur clientèle jusqu’à, confient certains, tenter de les...