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VIENT DE PARAÎTRE - «La naissance du dé», de Ritta Baddoura La dentellière des mots

Encore une plaquette de poésie. Un mince recueil de quatre-vingts pages qui pourrait être en fait pas plus gros que cinq pages tant l’écriture est y parcimonieuse… Quelques lignes, quelques mots et le poème est suggéré, dit, soi-disant écrit ! Il est vrai que la quantité n’a jamais fait le poids avec la qualité mais là, il s’agirait de l’essence de poésie comme on le dirait de la volatilité d’un parfum… Qu’à cela ne tienne, en terre de poésie, habitée toujours d’un esprit étrange, singulier, solitaire (bien faux, puisque nos frères et sœurs sont bien hypocrites, de l’aveu même des rimailleurs !), errant et original, on parcourt volontiers le second ouvrage de Ritta (oui avec deux «t» sans confusion possible d’un auteur qui parle, dans ces pages généreusement mordues de blanc, et en connaissance de cause, de la «fusion-confusion») Baddoura intitulé La naissance du dé (édition Dar an-Nahar, en collaboration avec la Fondation Nadia Tuéni). On signale en passant que le premier recueil parlait des Étoiles d’araignée. Alors des araignées aux dés, l’inspiration semble vouée aux chemins de traverse… Poésie moderne et libre, sans ponctuations ni rimes, où les mots ont toutes les fantaisies et tous les pouvoirs. Les pouvoirs de rêve, de révolte, de soumission mais surtout de protection… Et voilà que s’ébranle un bruissant cortège d’images surprenantes (quand elles sont perceptibles), où surréalisme et réflexion font un ménage vif et remuant même si la traque n’a pas toujours un objectif précis. Inspiration vagabonde pour une écriture usant, en termes ludiques et sérieux à la fois, des jeux de mots. Et d’allitérations en métaphores, de déconnexions en exploration langagière, d’audaces en termes usés, le propos n’est pas toujours ni évident ni clair. Élucubrations de poète(sse) qui taquine les muses (imaginez-les ici de séduisants jeunes hommes redoutablement à la mode) et voilà que surgit un monde sonore syncopé comme une mélodieuse bande jazzy, chargée de fantaisie, d’humeurs boudeuses, de couleurs vives, de spleen ou d’euphorie, et d’odeurs insaisissables ou insipides… Oui c’est quoi «un métal comestible?» Et pour qui sont alors « ces baies de silence » si ce n’est pas pour nos lèvres? Saviez-vous que «la solitude est un instrument de mystère aux doigts de la dentellière?» Avez-vous jamais songé que «de tous les fruits, la pierre est sereine et incomprise?» Sachez dorénavant que « vorace, tout évier venge le vide ». Et puis ne vous troublez point si vous réalisez que «la pluie perpétue l’errance». Et pour les sirènes, oubliez un moment leur chant troublant et savourez ces sifflantes vipérines sous la formule bien secrète de «sirènes ensevelies le sang des somnifères.» Si on apprécie certaines formulations (en en faisant vaguement le contour, luxe de la poésie n’est-ce pas ?) tel « le frisson des fougères », on est par contre moins convaincu par d’autres assiociations curieuses (tel «un bulbe de lune» ou «omelette de rencontre»). Secrète est bien l’attribut de cette écriture rompant délibérément les amarres avec les conventions, souvent hermétique mais qui voudrait inventer des formulations brillantes et heureuses. Sur des musicalités inédites et par le biais d’images insolites où le corps et la nature sont à la fois magnifiés et malmenés, voilà une poésie aux stridences chaotiques bien contemporaines. Edgar DAVIDIAN

Encore une plaquette de poésie. Un mince recueil de quatre-vingts pages qui pourrait être en fait pas plus gros que cinq pages tant l’écriture est y parcimonieuse… Quelques lignes, quelques mots et le poème est suggéré, dit, soi-disant écrit ! Il est vrai que la quantité n’a jamais fait le poids avec la qualité mais là, il s’agirait de l’essence de poésie comme on le dirait...