P ourquoi resserre-t-on l’étau autour des industriels libanais et les empêche-t-on d’avoir pignon sur rue à la zone franche de l’Aéroport international de Beyrouth ?
Le problème traîne depuis un certain temps, mais les industriels sont déterminés à ne pas lâcher prise. Ils donnent de la voix et multiplient les rencontres et les correspondances avec les responsables concernés par le dossier.
En un mot comme en mille, le gouvernement ferait mieux de donner les moyens, voire l’opportunité aux industriels de promouvoir leurs produits « fabriqués au Liban » à l’AIB avant de s’empêtrer dans des plans futuristes visant à les aider à développer leurs opérations à l’exportation.
En 2003, près d’un million de visiteurs sont entrés au pays du Cèdre, la majeure partie par l’aéroport de Beyrouth, faisant de cet accès une vitrine importante pour l’exposition de produits libanais.
Si tous les passagers ne sont pas détenteurs de cartes de crédit, une partie d’entre eux du moins bénéficie d’un certain pouvoir d’achat. Une aubaine pour les industriels libanais à la recherche de nouveaux parts de marché.
Aujourd’hui, seul un secteur de l’industrie libanaise est représenté à la zone franche : celui de l’alimentation.
Sous ce chapitre, on retrouve une vingtaine de biens de consommation, entre autres des pâtisseries orientales de tout genre, du vin, de l’arak et des amuse-gueules. Les articles d’orfèvrerie, la maroquinerie, les cosmétiques, les vêtements et autres produits fabriqués localement sont absents des stands de la zone franche de l’AIB.
Deux enseignes libanaises de la joaillerie sont présentes, mais ces maisons exposent surtout à la vente des articles fabriqués en Europe et ne sont donc pas assez représentatives du label « made in Lebanon », relève une source de l’Association des industriels du Liban.
Flux de correspondance
L’association est revenue à la charge à maintes reprises pour faire valoir ses revendications, en maintenant un contact permanent et une correspondance régulière, entre autres avec le ministre des Transports, Négib Mikati, le directeur général de l’Aviation civile, Hamdi Chok et le ministre de l’Industrie, Élias Skaff. Dans une des lettres présentées à ce dernier en date du 3/6/2003, l’association souligne que « l’opération de commercialisation (marketing) de l’industrie locale est le fondement d’un accroissement des exportations libanaises et de la mise en valeur de sa compétitivité… Alors même qu’il nous est apparu difficile d’obtenir des espaces dans la zone franche réservés aux industriels libanais à des prix préférentiels, nous sollicitons votre aide en vue d’obtenir des espaces pour exposer et vendre des produits fabriqués localement dans l’enceinte de l’Aéroport international de Beyrouth, que ce soit dans la zone franche (Duty Free) ou à l’extérieur de la zone franche (Duty Paid). La concrétisation d’un tel projet permet d’accroître les ventes directes de l’industrie libanaise ».
Dans un mémorandum daté du 22/5/2003 et adressé au ministre Négib Mikati, le président de l’Association des industriels du textile, Soleiman Khattar, évoque « le besoin » de consacrer des espaces à l’AIB aux opérateurs de son secteur afin d’exposer et vendre des créations de mode fabriquées localement. Il exhorte le ministre « à donner les instructions nécessaires pour conclure cette affaire ». Dans sa réponse datée du 23/9/2003 à une série de revendications de l’Association des industriels libanais, le ministre des Transports souligne que « son département se trouve dans l’impossibilité de donner suite aux doléances de l’association concernant l’occupation d’espaces pour l’exposition et la commercialisation de produits libanais. Cette demande est en violation du droit exclusif (monopole) octroyé aux deux exploitants des espaces publicitaires et ceux de la vente au détail à l’AIB ».
Commission ministérielle
« L’erreur est humaine et le meilleur moyen de s’en sortir est de rectifier le tir », souligne un opérateur membre du conseil exécutif de l’Association des industriels du Liban, appelant le gouvernement à réviser les accords de monopole signés avec ses partenaires de l’AIB. « Il ne s’agira pas d’un précédent, ajoute-t-il, puisque l’État a déjà remis en question des accords avec les opérateurs de la téléphonie mobile et du ramassage des ordures, en l’occurrence Sukleen. » Il y a quelques jours, l’association s’en est remise à la commission ministérielle présidée par le ministre de l’Économie, Marwan Hamadé, formée par décision du Conseil des ministres réuni le 29/10/2003 et chargée de mettre au point un plan de travail pour améliorer la balance commerciale, protéger et commercialiser les produits libanais à l’étranger ainsi que d’étudier la possibilité de créer un bureau pour faciliter l’exportation dans tous les ports libanais. Dans une note adressée à cette commission, l’association a demandé que celle-ci s’occupe aussi des doléances des industriels concernant la zone franche de l’AIB. Les industriels semblent déterminés à avoir gain de cause.
Liliane MOKBEL
Veuillez vous connecter pour visualiser les résultats