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CONFÉRENCE - L’historien anglais Philip Mansel se penche sur la fin du règne du sultan Abdulhamid II Les derniers des Ottomans et le palais Yildiz

L’historien anglais Philip Mansel est un grand connaisseur de la France du XIXe siècle et de l’Empire ottoman. Lui et sa plume voyagent sans cesse des rives de la Méditerranée à celles du Bosphore, et jusqu’à la cour des rois de France. Ces jours-ci, Mansel passe une grande partie de son temps à Beyrouth où il prépare un ouvrage sur l’histoire du Levant. Cet universitaire atypique a donné une conférence au musée de l’AUB sur le thème «La fin d’un empire : sultan Abdulhamid au palais Yildiz». Mansel estime que l’avant-dernier des sultans ottomans était sans doute une des figures historiques les plus énigmatiques qu’il connaisse. Auteur de nombreux ouvrages sur ses sujets de spécialisation (Sultans in Splendour, Constantinople : City of the World’s Desire 1453-1924 et Prince of Europe : the Life of Charles Joseph de Ligne 1735-1814, traduit en français), Philip Mansel sait de quoi il parle. Outre sa recherche sur l’histoire du Levant, il prépare également une étude sur les costumes de différentes cours royales depuis 1660, intitulée Dressed to Rule. Yildiz fait certainement partie des plus beaux palais d’Istanbul. C’est aussi le dernier construit par la dynastie ottomane. Le sultan Abdulhamid II (1876-1909) l’a fait construire et il y a vécu durant son règne. Quelques bâtiments ont été ajoutés plus tard. Yildiz n’est pas un palais monumental dans le style de Beylerbeyi ou Dolmabahçe, mais une succession de bâtiments individuels comme à Topkapi. Contrairement à ce dernier, Yildiz n’avait pas de rôle administratif, mais seulement résidentiel. Aucune construction n’est visible de l’extérieur du parc, seul un haut mur et de monumentales portes suggèrent la présence d’un palais. Les pavillons, kiosques, ateliers, maisons d’hôtes, bibliothèques, arsenal et théâtre créent une ville dans la ville qui reste dissimulée dans ce qui est de loin, le plus grand des parcs des palais d’Istanbul. Photos à l’appui, Mansel a décrit les différents bâtiments du palais situé sur les hauteurs d’Istanbul, surplombant le Bosphore. Protégé par les remparts de cette ville dans la ville, Abdulhamid a créé un monde à part. « C’est à partir de ces lieux qu’il a dirigé sa bureaucratie internationale », indique l’historien. Loin d’être traditionnels ou nationalistes, les bâtiments construits à Yildiz mêlaient divers styles architecturaux en vogue. En entrant dans l’enceinte du palais, les premiers bâtiments à droite servaient d’ateliers d’ébénisterie (Marangozhane). Aujourd’hui c’est un musée. Puis en continuant, on arrive au grand Mabeyn (pas ouvert aux visiteurs). C’est là que le sultan résidait ainsi que certains hauts fonctionnaires. Il est suivi par un plus petit bâtiment destiné aux mêmes usages, le petit Mabeyn, construit par un architecte italien, D’Aronco. Le Çit Kasri était un pavillon destiné aux visiteurs représentant les pays étrangers (diplomates, ambassadeurs), comme son voisin au nord-est, le Chalet, qui est aussi de D’Aronco, construit tout spécialement pour loger le kaiser Guillaume II lors de sa visite officielle. Plus tard, il accueillera d’autres hôtes de marque : Churchill, De Gaule et Ceausescu. Juste derrière ces appartements et dominant le jardin impérial, on trouve le gynécée, réservé aux femmes du sultan, tandis qu’un autre harem se trouve un peu à l’écart et est précédé du pavillon des eunuques. Ces appartements étaient destinés aux concubines et étaient reliés, par un passage sous la voie d’eau, à ceux du sultan. Derrière les appartements des femmes, un petit théâtre abrite le musée des arts de la scène. Sarah Bernard faisait partie des artistes qui s’y sont produits. D’autres appartements sont un peu en contrebas du Mabeyn. Ils servaient de logement aux aides de camps et aux officiers. Plusieurs autres pavillons sont éparpillés dans l’immense parc du palais et certains ont été restaurés aujourd’hui, comme le pavillon de Malte devenu un café. La fabrique de porcelaine est encore un bâtiment de D’Aronco, tout en brique et de style Art nouveau. Elle surplombe le Tekke (couvent) de Yahya Efendi. « Parmi les personnalités attachées au pouvoir, les Malhamé (maronites du Liban), dont l’un d’eux était le chef d’une des polices secrètes du sultan ; Izzet pacha de Damas, tête pensante derrière la ligne de chemin de fer conduisant au Hejaz (Arabie saoudite) », précise Philip Mansel. Pour l’historien, Yildiz est l’illustration parfaite de la manière dont le sultan Abdulhamid dirigeait son empire. « L’architecture, l’agencement et la fonction des lieux montrent à quel point il pouvait mettre à profit sa capacité d’adaptation et son ouverture d’esprit. Cela, en dépit, bien évidemment de ses méthodes autocratiques et de son caractère sanguinaire. » Vers la fin de son règne, ce monde intérieur a été détruit par la révolution des Jeunes Turcs de 1908-1909. Le dernier sultan ottoman Mehmed VI, frère d’Abdulhamid, a été contraint, en 1922, de quitter les lieux, caché dans une ambulance de l’armée britannique. Les bâtiments de Yildiz reviennent lentement à la vie. Ils ont été presque tous transformés en musées et centres de recherche. Maya GHANDOUR HERT
L’historien anglais Philip Mansel est un grand connaisseur de la France du XIXe siècle et de l’Empire ottoman. Lui et sa plume voyagent sans cesse des rives de la Méditerranée à celles du Bosphore, et jusqu’à la cour des rois de France. Ces jours-ci, Mansel passe une grande partie de son temps à Beyrouth où il prépare un ouvrage sur l’histoire du Levant. Cet universitaire atypique a donné une conférence au musée de l’AUB sur le thème «La fin d’un empire : sultan Abdulhamid au palais Yildiz». Mansel estime que l’avant-dernier des sultans ottomans était sans doute une des figures historiques les plus énigmatiques qu’il connaisse.
Auteur de nombreux ouvrages sur ses sujets de spécialisation (Sultans in Splendour, Constantinople : City of the World’s Desire 1453-1924 et Prince of Europe : the Life of...