«Lénine ? Cet homme à la casquette qui lance à la foule “Camarades !” » et « qui a fait beaucoup de bien au pays » : 80 ans après sa mort, la biographie du chef bolchévique n’est guère plus connue des lycéens russes, mais le mythe soviétique persiste.
« Lénine n’est pas seulement un personnage historique, mais apparaît toujours comme un mythe » chez ces Russes de 15 ans, dit le professeur Mikhaïl Odesski, qui a demandé à une vingtaine de ses élèves une rédaction sur « tout ce qu’ils savaient sur Lénine » à l’occasion du 80e anniversaire de sa mort le 21 janvier 1924.
Contrairement à leurs parents, ils n’ont pas été hantés par le nom de Lénine dès leur naissance. Ils n’ont pas contemplé ses portraits à l’école maternelle, sur lesquels le futur fondateur de l’URSS souriait en bébé aux boucles dorées.
Ils n’ont pas appris par cœur des poèmes sur « grand-père Lénine » et n’ont pas cherché à résoudre l’éternelle aporie soviétique affirmant que Lénine, décédé, était « plus vivant que tous les vivants ».
Pourtant les jeunes appellent « l’organisateur de la révolution » de 1917 « le chef ».
Ce « chef » n’a toutefois pas pour eux de biographie très précise. Il surgit comme du néant, « exactement comme le voulait la mythologie soviétique qui fuyait les détails », ajoute M. Odesski, président d’une chaire à l’Université des sciences de l’homme à Moscou.
Ils savent certes que son vrai nom était Oulianov, mais ils ignorent pourquoi le révolutionnaire utilisait un pseudonyme en Russie tsariste.
« Il a dû changer de nom probablement pour fuir ses adorateurs », suppose une élève.
« Ma grand-mère ne m’a pas beaucoup parlé de Lénine, et je n’ai pas vécu sous son règne, mais si les communistes se promènent toujours avec des drapeaux rouges, il a bien dû avoir quelques idées fortes », raisonne un lycéen.
Le professeur voit dans la persistance du mythe construit en URSS « l’écho de l’ancienne propagande soviétique ».
« Mes élèves savent très bien que leur vie est loin des idéaux léninistes, mais le discours des Soviets est plus fort que leurs connaissances », explique le professeur.
« La révolution a abouti à l’instauration du pouvoir du peuple, qui existe toujours », va jusqu’à noter un lycéen dans son devoir.
« Lénine a fait beaucoup de bien pour le pays, grâce à lui nous célébrons maintenant un jour férié de plus, le Jour de la Constitution », écrit une autre lycéenne, alors que ce jour férié a été instauré en 1993.
« Lénine est un personnage important, génial, mais un peu desséché aujourd’hui », estime un autre.
Les jeunes sont unanimes en une chose : la dépouille de Lénine embaumée et exposée depuis 80 ans dans son mausolée de la place Rouge, vérifiée chaque jour par une douzaine de spécialistes, et toujours visitée par des milliers de personnes, doit être inhumée. « J’estime qu’on doit enfin enterrer Lénine. Pourquoi gît-il toujours dans son mausolée, où il fait peur aux gens ? », souligne un élève.
Et sur ce point, ils s’opposent à leurs aînés : près de la moitié des Russes se disaient opposés à cette solution il y a quatre ans, quand le débat avait été lancé sur la place publique par les démocrates et le président Boris Eltsine.
« Notre génération ne sait pas beaucoup de choses sur Lénine », reconnaît une jeune Russe dans son devoir. « Je crains que l’histoire ne se répète et je veux surtout que mes enfants vivent dans un pays libre, ou au moins à moitié », ajoute-t-elle.
Selon un récent sondage de l’institut Romir, près des deux tiers des Russes estiment que Lénine a joué un rôle « favorable » ou « plutôt favorable » dans l’histoire du pays.
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