Législatives iraniennes - Les gardiens de la révolution accusés de ne pas obéir au guide suprême
Les ministres réformateurs ripostent au blocage des candidatures par une démission collective
le 22 janvier 2004 à 00h00
Les réformateurs iraniens ont accentué la pression sur leurs adversaires conservateurs, plusieurs ministres ayant présenté, devant l’urgence de la situation, leur démission pour forcer le barrage fait aux candidatures de leur camp aux législatives du 20 février.
À un mois du scrutin, plusieurs membres du gouvernement réformateur du président Mohammed Khatami ont mis à exécution la menace de démission brandie contre le rejet massif des candidatures réformatrices, a annoncé le vice-président Mohammed Ali Abtahi, en évoquant la possibilité que le président lui-même se démette de ses fonctions.
« Un certain nombre de ministres et vice-présidents ont démissionné », a dit M. Abtahi à sa sortie du Conseil des ministres. Il a cependant précisé que les démissionnaires « attendent », avant de confirmer définitivement leur décision, « le résultat du travail » accompli par le Conseil des gardiens de la Constitution, dont les commissions de surveillance des élections ont censuré les candidatures réformatrices.
Même en suspens, ces démissions ajoutent à la pression exercée sur le Conseil des gardiens, institution conservatrice essentielle. M. Abtahi a répété la menace proférée la semaine passée par M. Khatami d’une démission collective des réformateurs, qui tiennent la présidence, le gouvernement et le Parlement, si le Conseil des gardiens ne faisait pas marche arrière : « Je renouvelle les propos du président : si cela devait se produire, tout le monde partirait. » Y compris le président.
Le président iranien Mohammed Khatami entend cependant poursuivre sa tâche en dépit de la démission de plusieurs de ses ministres réformateurs, selon des propos rapportés hier par la télévision publique suisse. « Ce qui se produit actuellement en Iran est normal et, si Dieu le veut, je réussirai dans ma tâche », a-t-il déclaré, selon une transcription de l’agence.
Les commissions de surveillance des élections ont invalidé plus de 3 600 des 8 157 candidatures aux législatives, dont celles de 80 députés réformateurs sortants. Les commissions ont invoqué le non-respect de l’islam et de la Constitution par les candidats.
Ce rejet a été dénoncé par les réformateurs comme une tentative de « coup d’État » de la part des conservateurs, qui contrôlent des leviers essentiels du pouvoir comme le Conseil des gardiens, la justice ou le Conseil de discernement, instance suprême d’arbitrage politique. Il a provoqué une des plus graves crises intérieures de la République islamique. Les gouverneurs des provinces ont aussi menacé de quitter leur poste.
« Les gouverneurs, les ministres et les vice-présidents sont très déterminés », a prévenu M. Abtahi.
Devant l’ampleur de la crise, l’omnipotent guide, l’ayatollah Ali Khamenei, a ordonné au Conseil des gardiens de réexaminer avec moins de sévérité les candidatures.
« L’une des choses dites par le guide, c’est que les députés sortants ou ceux dont une candidature a déjà été avalisée par le passé doivent pouvoir se présenter à nouveau », a souligné le vice-président, « cela représente 360 personnes. C’est facile à appliquer, mais pour l’instant nous n’avons rien vu ».
Le ministre de l’Intérieur Abdolvahed Moussavi-Lari, cité par l’agence estudiantine Isna, a accusé le Conseil des gardiens de ne pas appliquer les instructions du guide : « Nous n’avons rien vu de la part du Conseil des gardiens allant dans le sens des instructions du guide. »
« Nous avons préparé une liste de 618 personnes dont des candidatures ont déjà été approuvées par le passé par le Conseil des gardiens, et nous lui demandons de confirmer cette liste en gage de bonne foi », a rapporté M. Moussavi-Lari.
Deux cents candidats ont été repêchés par le Conseil des gardiens mardi et cent autres hier dans la province de Khorassan, selon Irna. Mais parmi ces derniers 100 ne figure aucun député sortant. Or, pour MM. Moussavi-Lari et Abtahi, « le temps presse », car « beaucoup de candidats conservateurs ont déjà lancé leur campagne ».
M. Abtahi a signifié au Conseil des gardiens qu’il violerait le principe sacré du « velayat fagih », qui instaure la primauté de l’autorité religieuse dans le domaine politique, en n’appliquant pas les ordres du guide. Or c’est précisément ce que les commissions électorales reprochaient aux candidats rejetés.
Les réformateurs iraniens ont accentué la pression sur leurs adversaires conservateurs, plusieurs ministres ayant présenté, devant l’urgence de la situation, leur démission pour forcer le barrage fait aux candidatures de leur camp aux législatives du 20 février.
À un mois du scrutin, plusieurs membres du gouvernement réformateur du président Mohammed Khatami ont mis à exécution...
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