« Plus loin les racines de l’arbre vont et plus étendues ses branches sont », affirme Joanna Rizk, qui présente, à la galerie Janine Rubeiz (Raouché, immeuble Majdalani), une trentaine de toiles, en technique mixte, sur le thème de l’arbre.
Cet énoncé, qui exprime un sentiment identitaire profondément ancré chez l’artiste, explique, en partie, le choix de l’arbre comme sujet unique de ses peintures. « J’ai l’impression que ça me définit beaucoup en tant que Libanaise : quelqu’un qui a des racines très profondes, très marquées par une identité orientale, mais qui, d’autre part, à cause même de ces racines, peut aller ailleurs, plus loin, explorer des choses différentes. »
Le travail pictural de Joanna Rizk ne tire cependant pas ses «racines » de la seule identification de l’artiste avec l’arbre, mais de sa révolte contre son effacement progressif du paysage urbain. « La ville de mon enfance était parsemée d’arbres, se souvient cette trentenaire. Aujourd’hui, on les décime, on les arrache et on construit à la place des immeubles en béton. Ceux qui restent font figure de rescapés. Pour moi, la disparition de ces témoins silencieux du Beyrouth d’hier est poignante. »
Retour à la matière première
Parce que « les arbres sont des êtres qui ont une présence très forte, parce qu’ils humanisent notre environnement, j’ai voulu développer, à travers cette exposition, l’idée que nous vivons aujourd’hui dans un environnement qui est remis en question par d’énormes bouleversements, dans une ville qui s’est beaucoup déshumanisée, qui est en pleine mutation, qui était autre, qui est aujourd’hui réinventée, donc que, quelque part, nous sommes déracinés... »
Pour planter ses arbres sur la toile, Joanna Rizk a travaillé exclusivement le papier journal, effectuant ainsi symboliquement «un retour de la matière première vers ses origines ». Du papier journal qu’elle a découpé en lamelles, peint à l’acrylique « aux couleurs de la terre et de l’automne», et collé patiemment sur toute la surface du canevas.
Au fil des compositions diverses, jouant souvent sur l’ambiguïté, à mi-chemin entre figuratif et abstrait, les formes inspirées de l’arbre se dessinent: saule au feuillage fourni, fragmenté, traité en lamelles verticales ; chêne à la structure plus définie... et des troncs, tout en rainures obtenues par juxtaposition de coupures longitudinales de différentes tonalités, coupés de nœuds en reliefs réalisés à partir d’une mixture spéciale proche visuellement du plâtre.
Joanna Rizk, dont c’est là la première exposition individuelle – et au Liban – , montre, à travers cette sélection d’œuvres (qui vont du 40x40 au 120x100), une subtile aptitude à transformer quelque chose d’organique en figures structurelles et symboliques. Et une vocation à transcender ses révoltes, ses colères en messages artistiques. Jusqu’au 12 février.
Zéna ZALZAL
Curriculum vitae
Sa maîtrise en arts plastiques (option illustration) à la Parsons School of Design (à Paris puis à New York) en poche, Joanna Rizk a travaillé longtemps dans le Web design, avant de rentrer au Liban et de se consacrer exclusivement, depuis 5 ans, à la peinture.
Elle a à son actif plusieurs expositions collectives à l’étranger, essentiellement en France, dont le Salon d’Automne à Paris, en 2001.
Et a remporté la Médaille d’or, au Festival monde de la culture et des arts, à Cannes en février 2000, une manifestation mettant en compétition 300 artistes de plus de 29 pays.
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